lundi 17 juin 2013

"Si peu tout", de Vincent Motard-Avargues


Je notule - c'est un joli mot hein ? - avec un peu de retard, ce recueil de Vincent Motard-Avargues, mais la poésie ne se démode guère, alors on peut y aller !...

"Si peu, tout" regroupe des courts poèmes avec des vers courts, dont l'un au moins en général est posé un peu à l'écart sur la page.

Sont décrits ici quelques moments de vie saisis à l'irruption du soleil.

Et je trouve que l'auteur restitue très bien, la forme concise aidant, cette irruption, qui est synonyme, non pas seulement d'un éblouissement visuel, mais également d'une sorte d'illumination, voire de dérèglement de tous les sens corporels, par exemple une sensation de chaleur intense.

Et de cette illumination au vide, il n'y a qu'un pas. D'abord visuellement, puisque les choses éblouissantes apparaissent comme posées au milieu de nulle part (ce vide aussi dans la page). L'inaction causée par la chaleur, ou tout simplement parce que le beau temps incite à des vacances bien méritées, peuvent aussi causer cette sensation de vide.

Et c'est ainsi que le "si peu" devient "tout".

Par exemple, ce poème :


"Où

regarder


je ne vois rien


j'aimerais

terre d'ombres et

de bruits


nuit

océan


vent qui fouette

le statu quo


écume et ressac

à admirer aveugle"


Pour en savoir sur "Si peu, tout", de Vincent Motard-Avargues, recueil publié aux Editions Eclats d'encre et vendu au prix de 12 €, rendez-vous sur le site des éditions : http://www.eclatsdencre.com/

vendredi 14 juin 2013

"Urticantes", de Jean-Claude Touzeil




 
J'ai lu avec plaisir le 113e opus de la collection Ficelle des éditions Vincent Rougier.

Un mot déjà sur la présentation de ce recueil de Jean-Claude Touzeil. Ces "urticantes", qui relèvent du domaine de l'aphorisme, sont constituées de courtes questions qui commencent toutes par est-ce que, ce début de phrase étant écrit en gras.

Plus que des questions posées au lecteur qui appelleraient une réponse de sa part, ces "urticantes" sont l'occasion de retrouver quantités de jeux de mots, le titre du recueil semblant renvoyer à l'impertinence de ces interrogations, presque enfantines, qui peuvent aller jusqu'à soulever des impossibilités ou contradictions cruciales de notre monde.

Ainsi, nous voilà, si je puis dire, rendus au pied du mur.

Ce qui m'a beaucoup plus dans ce recueil, ce qui, selon moi, fait sa spécificité, c'est la qualité visuelle, voire poétique, de ces jeux de mots, leur pouvoir d'évocation pour le lecteur doué d'imagination.

Par exemple, quand Jean-Claude Touzeil me demande : "est-ce qu'il passe à l'orange, le citron pressé ?", je vois immédiatement du jaune griller de l'orange.

Yves Barré, l'illustrateur de ces "Urticantes", a bien senti également cette qualité d'écriture, puisqu'il met en images avec moult couleurs certaines des phrases de l'auteur.

Et franchement, c'est une jolie réussite, ses illustrations exprimant à merveille le potentiel poétique du texte qui leur correspond.

Allez, trois "urticantes" pour la route :

"Est-ce qu'au supermarché du soleil, on fait des soldes à tous les rayons ?"

"Est-ce qu'il vous arrive d'avoir peur devant un distributeur de jetons ?"

"Est-ce qu'il est souhaitable de croquer la pomme de reinette avec une grenouille de bénitier ?"

 

Pour en savoir plus sur ce recueil, vendu au prix de 9 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur, http://www.rougier-atelier.com/

vendredi 7 juin 2013

"Un ciel soupape", de Guillaume Decourt


 
De la musique avant toute chose, comme disait l'autre ! Je commençais à croire que l'on avait oublié ce principe de base en poésie, mais là, non !
Je pourrai même dire : ici, ce serait plutôt : de toutes les musiques avec toutes choses, ce qui reflète bien la variété d'inspiration de ce recueil, la richesse de ses champs lexicaux, pas si habituelle qu'elle en a l'air, comme le montre, par exemple, l'emploi de mots étrangers ou tout simplement assez rares (globish, fario, primus, maki, péniens, bornoie...).
D'ailleurs, Guillaume Decourt est pianiste classique, comme l'explique sa biographie, et je crois que cela s'entend dans ces poèmes là, surtout. En plus, ici du moins, il parle fréquemment de la musique, sur tous les registres de la vie.
La forme des poèmes n'est pas non plus unique : souvent, il s'agit de textes en proses (la première fois que je lis des textes en prose de cet auteur, si mes souvenirs sont bons), et d'autres fois de poèmes en vers, sans plan apparent, en tout cas, hors de toute rigueur formelle.
Ce qui m'a surtout plu dans cette lecture d'"Un ciel soupape", ce qui suffit pour moi à en faire un très bon recueil poétique, c'est la variété de son inspiration et la puissance de son expression, ironique, qui va au delà des apparences, qui se joue de soi-même et/ou des autres, nombreux.
Pour un peu, et c'est très bon signe pour moi, j'ai l'impression de retrouver à travers cette lecture le travail d'as de l'expression poétique, certes un peu démodés pour certains, mais tellement efficaces, comme Jean Rousselot, par exemple.
Vous l'aurez deviné : il y a du surréalisme, mais surtout de la vie, dans ces poèmes qui parlent de plein de choses à la fois et à la suite l'un de l'autre, littéralement et dans tous les sens, comme disait un autre l'autre...
A lire ce recueil, il semble que Guillaume Decourt ait une véritable personnalité de poète, qu'importe que ce soit ou pas dans la vie, l'important c'est qu'elle existe au moins quelque part, dans l'absolu par exemple.
Un seul poème sorti au hasard des pages :
 
"Berceuse
 
Il ne faut pas admonester un martyr
Il s'en sort à peu près bien tout seul
 
Et se flagelle et se moleste
Et se frelate et s'en veut
Pour je ne sais quelle raison
 
Jadis
Il m'arrivait la nuit de ronger
Les lumières du martinet
 
Certes
Mon subterfuge était sans doute
Un peu niais
 
Cependant je mène un train de vie
Bien particulier
Un train de vie de boxeur
Et j'en encaisse croyez-moi
 
J'essuie des entourloupes
Des crocs-en-jambe
Et des coups
Au-dessous de la ceinture
 
Mais tout cela ne m'atteint plus
Car depuis quelque temps
Il me pousse une paire de défenses
Abominables et gigantesques
 
On pourrait même y suspendre un hamac
Et s'y laisser bercer
Indéfiniment par mon souffle
A l'ombre de moi-même"
 
Eh ben voilà, ça, c'est de la poésie !
 
Pour en savoir plus sur ce recueil, contacter l'éditeur, Sac à mots édition, La Rotte des Bois, 44810 LA CHEVALLERAIS, 15 €, http://m.morillon.carreau.free.fr/sacsamots/sacamots.html, ou auprès de l'auteur : guillaumedecourt@hotmail.fr