mardi 22 avril 2014

"Ma vie racontée à une bûchette de chèvre", de Boris Crack




Avec "Ma vie racontée à une bûchette de chèvre", le titre n'est pas révélateur du contenu. Vous me direz : de quel contenu pourrait-il donc s'agir ? D'un livre de poésie sur le fromage ? 
Eh bien non, je vous le confirme : il ne s'agit pas de ça ici. Ou pas pour l'essentiel. L'auteur, dont le nom est un pseudo (ou alors j'y comprends plus rien), contribue dans ce recueil à une réhabilitation des "mauvais genres", sans que les textes qui le composent aient forcément de lien apparent entre eux.
Les mauvais genres en jeu sont la science-fiction (Dark Vador) et la variété française, notamment, avec ses trois Michel (Sardou, Berger, Polnareff), mais aussi Claude François, et même même Jean-Luc Lahaye.
C'est dire si le gars est culotté !
Alors, bien sûr, on ne sait pas vraiment si c'est du lard ou du cochon, du premier ou du quinzième degré. Il n'empêche. Boris Crack donne l'impression d'y croire un peu. Et le lecteur y croit aussi du coup.
Mon poème préféré de "Ma vie racontée à une bûchette de chèvre" est sans doute celui qui est consacré à Dark Vador. D'ailleurs, je préfère ici quand il s'agit de vrais vers, avec des mots pas lyriques à l'intérieur, car alors la mise en boite est complète. Et d'ailleurs, je me prends à rêver d'être un robot. Des fois, ça serait plus simple.
L'autre moment fort du recueil est l'épopée de la vie de Michel Sardou, également déroulée en vers. A ce sujet, je remercie l'auteur de m'avoir fait prendre conscience de la puissance de certains des vers de Michel Sardou, qui valent pas mal de ceux que j'ai pu publier dans "Traction-brabant".
Pour la route, voici donc un extrait du "Monologue de Dark Vador" (on y revient : c'est plutôt le credo de l'absence de credo d'une génération dans laquelle je me reconnais) :
 
"Je suis Dark Vador.
Je ne fais pas dans le social.
Je suis un mort-vivant.
Je suis un George Clooney métaphysique.
Je suis une comète.
 
Je fais le tour de mon casque.
80 fois par jour.
Je suis l'antagonisme.
Je suis la contradiction.
 
Tous les jours, la contradiction.
Tous les jours, plus de contradiction.
Toujours et encore en contradiction.
Toujours et encore contre tout.
 
Contre l'ordre.
Contre le monde.
Contre la vie.
Contre.
 
Je n'ai aucun respect pour l'illusion.
Je suis la désillusion.
Je ne veux pas jouer le jeu.
Je veux un espace-temps sans espoir."
 
Pour vous procurer ce recueil vendu au prix de 12,50 €, vous pouvez écrire aux éditions des Etats Civils, 11 rue Bourguet 84000 AVIGNON, etats.civils@gmail.com

mercredi 16 avril 2014

"Point de gravité", de Ludovic Joce


 


"Point de gravité" est le premier roman de Ludovic Joce.

En résumé, c'est l'histoire de Loïc, éducateur spécialisé, dont la vie a basculé soudain dans la marginalité.
J'ai apprécié ce récit à plus d'un titre.
D'abord parce que c'est noir, mais d'une noirceur qui n'est pas gratuite. Cette noirceur là est d'ailleurs plus sociale que policière.
Ce texte parle des incidents de parcours pas si rares que cela et qui sont inhérents à nos rythmes de vies trop modernes. Le sort de l'anti-héros de ce livre, Loïc, est ainsi suspendu à un manque de bol total, coincé dans la rubrique des faits divers.
Ludovic Joce a su insuffler à son histoire la dose de tendresse qu'elle méritait, pour que ses personnages ne tombent pas dans la caricature de Cosette.
Ainsi, les deux "acteurs" principaux de "Point de gravité" sont attachants, celui de Loïc comme celui de Florianne, dans le rapport ambigu qui les unit.
C'est là, je crois, le point fort de ce "Point de gravité". Quant à l'écriture de ce texte, elle est suffisamment épurée pour que l'histoire y gagne en force, à travers également sa construction avec des flashbacks (retours dans le passé) successifs.
Et pour finir, détail non négiligeable, ce livre se lit d'une traite. J'en suis la preuve vivante. 
Pour vous procurer "Point de gravité" (avec une illustration de couverture de Mohamed Itani), dont l'exemplaire est vendu au prix de 16,50 €, allez faire un tour sur le site "D'un Noir Si Bleu Editeur", http://www.dunnoirsibleu.com/

"SNIF poème de single ladies", de Daphné Cheyenne




Ce recueil, petit par le format, est une production à 50 exemplaires de Daphné Cheyenne, poète de Montréal. Spéciale attention venue par vol d'avion jusqu'en Moselle. Confession émaillée de vocables anglais et de langage SMS. Histoires d'amour qui finissent pas trop bien. 
L'ordinateur sert de réceptacle à ces chagrins et permet en même temps de les effacer aussi vite que lorsqu'une beauté est refaite dans la glace.
Cependant, avec cette poésie des éphémères, si la tristesse semble passer vite, la sensibilité perdure tout aussi longtemps qu'avant l'âge de l'informatique.
Un recueil doté d'une jolie couverture indienne sur papier kraft, qui ne veut pas abandonner sa légéreté, même pour de la poésie.
Une lecture qui aère les neurones avec des comptines de ce style :
 
"J'ai une cigale dans le genou
SI elle chantait c'était pour nous
Et maintenant que la bise est là
Je n'ai de musique que dans les bras
 
Ils battent l'air comme des ailes
D'avion sans passager."
 
Pour en savoir plus sur "SNIF", rendez-vous sur la page facebook http//www.facebook.com/ptiteindienne, ou écrire à Daphné Cheyenne : daphne.cheyenne@gmail.com

jeudi 3 avril 2014

"Le grand machin truc (et autres poèmes)", de Tom Samel



Bien que les trois recueils que j'ai reçus de Tom Samel soient hors commerce, cela vaut le coup que vous écriviez à leurs parents pour vous en procurer un exemplaire, si c'est possible.
Ces poèmes là et ces illustrations (de Géradine Morag), selon l'expression du rédac'chef de Traction-brabant, chient bien. C'est de la poésie post-américaine (parce qu'advenue après celle de Bukowski), qui parle des accidents de la vie quotidienne, de la parfois difficile vie de couple, voire de la violence.
Mais surtout, il y a dedans des images sorties du chapeau qui stimulent. Toute curiosité de la part des lecteurs est fortement recommandée.
Un poème pour exemple :

"Tout est mesquin
Et tout est si normal
On marche sur des tessons de promesses
Le sourire en coin attaché à cette énergie de l'hiver
Et un bourreau tient la main de l'innocence
Et on doit mordre le jarret au hasard avec nos dents pourries

La passion flotte sur sa croix de platane et cherche
Des réponses dans le langage du fleuve frigide

Les hommes accouchent dans les égouts de l'actualité
"Courage les mecs !"
La terre est au rez-de-chaussée
Et même les corbeaux s'éloignent
Le train ne sort plus du tunnel
Et tout le monde est là pour faire son petit numéro d'avare

On dit au revoir au sommeil et on part pour l'abattoir
Avec des pieds qui traînent
Comme des langues de lune".


Pour en savoir plus sur cette union de l'écrit et du visuel (plein d'imagination), vous pouvez écrire à 1futil@gmail.com ou aller rendre visite au site http://www.morag.fr

"J'emmerde", de Marlène Tissot



J'avais peur que Marlène Tissot (le recueil que j'ai publié au Citron Gare à la fin 2013, "Sous les fleurs de la tapisserie" est toujours disponible, voir http://lecitrongareeditions.blogspot.fr), se mette à écrire des haïku normaux : des trucs de 17 syllabes qui ne tranchent rien, ne s'intéressent qu'à la pendule des saisons.
Mais j'ai confiance en Marlène. Faut dire que ces haïkus là commencent tous par "J'emmerde", ce qui est plutôt un bon présage.
Donc, avec "J'emmerde", c'est du 100% garanti, un concentré de poésie et de... bon sens !
Fabrice Marzuolo, qui préface le recueil, a bien senti que ce n'était pas qu'une question de mots, sinon, ça serait trop facile.

Quelques "J'emmerde" glanés au hasard des pages :

"J'emmerde la méthode

Compter les étoiles dans le ciel en plein jour
demande plus d'imagination
que de méthode

J'emmerde la technicolor

Les idées noires
sont du plus bel effet
sur fond de nuit blanche

J'emmerde l'horlogerie

Est-ce le regard des hommes
qui fait balancer
les hanches de femmes ?

J'emmerde les bavards

Rien n'exige que tu fournisses
une réponse à toutes les questions
qu'on ne te pose pas".


Du coup, je crois qu'il n'y a plus besoin d'en rajouter. Ce recueil là se suffit à lui-même. Lisez le, tout simplement. Allez donc faire un petit tour sur le blog de l'éditeur, Gros Textes, http://grostextes.over-blog.com/. "J'emmerde" est juste vendu au prix de 6 €.

"Nous avons marché", de Yannick Torlini


"Nous avons marché", de Yannick Torlini, est un recueil de poésie de révolte essentielle.
Une révolte mâle et mate, indifférenciée. 
D'ailleurs, dans deux des trois parties qui composent ce livre, l'auteur emploie le nous plutôt que le je. Et quand il parle de Tarik, il s'agit encore d'un archétype de réfugié, dans les yeux de qui chacun d'entre nous devrait être capable de se reconnaître.
Ainsi, ce que j'aime tout particulièrement dans "Nous avons marché", c'est cet appel à l'action continuel et inconditionnel, qui est lancé contre tous les assis. Cela change des vieilles poésies lyriques qui célèbrent plutôt l'immobilisme. C'est la poésie du vivant contre celle des morts, Mais c'est aussi la poésie de la mort, car celui qui veut agir est condamné à tourner en rond, dans sa langue comme dans sa vie. Et peut finir par être tué ou pire, par être de nouveau enfermé.
"Nous avons marché" est également un texte obsessionnel. Le lecteur ne peut que remarquer immédiatement ses itérations. Dans la première partie, "nous avons marché", dans la deuxième, "Tarik a vingt cinq ans", dans la troisième partie, "nous avons fui".

Mais justement, il ne faudrait pas que le lecteur ne voie que ces très nombreuses itérations, qui lui donnent cet aspect hâché, celui du rythme et de l'action. Ce qui est important pour moi, c'est ce qu'il y a entre les itérations. Car l'écriture sans cesse bouculée, se laisse régulièrement aller à dérouler quelques images, quelques jeux de mots. Par exemple, page 98:"Tarik a vingt-cinq ans, il a vu des désastres innombrables des monceaux de chairs, et pourtant la première étoile, celle du berger, ce nom amour qu'on lui a donné, ce nom l'étoile et toujours plus loin vers l'Ouest toujours plus loin, sans frontières. Tarik a vingt-cinq ans et sa tête est une guerre aux angles étranges". C'est la fin de ce fragment qui m'importe le plus.
A la première partie, "Tenir registre", j'avoue avoir préféré la deuxième, intitulée "Tarik (manuel d'exil)", qui esquisse l'histoire d'une tierce personne, ainsi que la dernière : "S'échapper échapper" où plus subtilement, l'écriture, tout autant que par itération, progresse par glissements, inversions , et semble avancer dans une espèce de nappe sonore.
Par exemple : "Nous avons fui nous avons la lumière laissé passer, respiré étouffé la lumière comment, lorsque plus rien ne parle et la lumière et du soir au matin et bien moins que la brèche, refermée. Nous avons couru loin et l'espoir lorsque nous avons fui l'espoir, nous avons couru, oui. Loin si loin comment le corps n'a pas suivi comment, quelle distance quelle limite, lorsque la pensée plus loin que les murs les barreaux ignore, la pensée lorsque la pensée et le simple désir de s'échapper échapper fuir, le corps le trou la grotte s'échapper échapper fuir. Ce monde où le jour jamais le jour la lumière, jamais, la lumière. Ce monde où".
"Nous avons marché" est finalement un recueil de poésie qui ne se laisse pas distraire par la poésie. Et c'est sans doute cette exigence là qui lui donne toute sa valeur.
Pour vous procurer ce livre, vendu au prix de 15 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur http://www.al-dante.org/