mercredi 26 novembre 2014

"Voirie urbaine", de Jean-Jacques Nuel




Oui, il existe bel et bien une philosophie des rues. Il faut entendre par là que leur nom n'est pas un fait du hasard mais correspond à une réalité. Reste à déterminer si le nom d'une rue naît d'une réalité (géographique par exemple), ou si c'est l'inverse qui se produit.

Avec ce recueil de contrebande, petit par la taille (à peu près 10,5 X 15,5 cms) et sobre de présentation, Jean-Jacques Nuel sait convaincre le lecteur que les noms de rues sont comme des fantômes qui finissent par créer leur propre réalité.

Nous sommes bien obligés de l'admettre, par exemple lorsqu'il s'agit d'embouteillages qui nous rendent prisonniers d'une rue...

Un texte pour exemple :

"La montée de la Grande Côte - connue pour sa forte déclivité - portait le même nom à la descente, ce qui heurtait tellement l'esprit logique des habitants du quartier qu'ils préféraient rejoindre la ville basse par une rue parallèle".

Pour vous procurer "Voirie urbaine", qui n'a pas de prix : une seule solution, contacter l'auteur: jj.nuel@laposte.net

"Le chien d'un immortel suivi par le chef de dieu", de Lionel Mazari




C'est un drôle de journal, composé d'une suite de séquences en prose, que celui écrit par Lionel Mazari et publié par les Editions du Port d'Attache. Le titre, déjà, anormalement long - "Le chien d'un immortel suivi par le chef de dieu" - donne une idée de son contenu fortement poétique.
N'attendez donc pas de l'auteur des confessions croustillantes sur sa vie intime, même si celle-ci est bien présente, à travers l'emploi du "je". A moins qu'il ne s'agisse plutôt de vie intérieure, voire de vie rêvée.
En tout cas, si vous êtes amateur comme moi d'images poétiques, vous en aurez ici pour votre argent. Il y a bien sûr la présence obsédante de ce "chien d'un immortel", même si ce n'est pas celle qui s'incarne le mieux aux yeux du lecteur. C'est peut-être parce que cette présence vient d'un dieu. 
Par contre, il y a beaucoup d'autres images visuelles qui fusent et qui impliquent, par là, le surgissement de la poésie.
Laissez-vous donc emporter par la richesse de ses visions, apparemment nées des toits de Marseille, près desquels Lionel Mazari s'est réfugié pour écrire son texte.
A noter également que ces proses poétiques, qui ne sont pas exemptes de tensions, ne sont pas davantage dépourvues de jeux de mots, surtout à la fin du recueil.
Et n'oublions pas non plus que la poésie musicale de Lionel Mazari est souvent dite par son auteur. Il y a donc de fortes chances pour qu'elle ait été écrite avec des arrière-pensées orales.
Un exemple de ces moments poétiques :
"On doit tant à tellement. Si on s'écoute. Comment s'acquitter. La boite est pleine, mais elle est fermée. C'est comme un corps. C'est un jour sans, c'est un jour avec. C'est un ascenseur qui monte ou descend. S'envole ou tombe. En panne. Ma conscience est un escalier en état de marche. Je vais pas à pas, pas ici, pas là. Je reviens de loin. ça flotte et ça pleut. Pareil aux nuages. A saute-mouton dans le ciel. Des cages de plume qui volent. Devant le vent qui passe entre les grilles de laine froide. Tant à tellement. Tous ce qui dissout, tout ce qui efface, la boite pleine et toujours fermée. La neige qui grimpe. La pluie qui s'envole des bras ouverts de l'arbre humain. A son pied affleure et s'endort parmi les racines bleues le chien bossu d'un immortel. Le chien qui siffle dans ses rêves".
Si vous souhaitez vous procurer "Le chien d'un immortel...", qui n'est vendu qu'au prix de 6 € avec sa couverture dorée, vous pouvez rendre visite au blog des éditions du port d'Attache : http://leseditionsduportdattache-overblog.com

mercredi 19 novembre 2014

"Amour silencieux", de Kévin Broda




Premier recueil publié par Kévin Broda, "Amour silencieux" regroupe des poèmes édités en version bilingue : français, ainsi que leur traduction en roumain par Letitia Ilea. L'occasion de se pénétrer de la musicalité d'une autre langue que la nôtre.

Premier constat : il y a un souci de lisibilité de la part de l'auteur, qui fonctionne plus ou moins bien selon les poèmes, la moitié d'entre eux environ atteignant cette simplicité sans fard voulue par Kévin Broda.

Le poète cherche également les raisons d'espérer dans le monde qui nous entoure. Et là encore, ce n'est pas toujours facile. Car plusieurs poèmes sont davantage remplis de désespoir que d'espérance. Mais ce n'est pas le cas de la majorité d'entre eux.

Kévin Broda utilise la plupart du temps le "je". Cette subjectivité lyrique lui permet d'endosser la plupart des rôles de la condition humaine, de les éprouver dans leur malheur possible.

Ainsi, dans les meilleurs textes d'"Amour silencieux", le lecteur entre en contact avec une épure proche de celle rencontrée, par exemple, dans les haïkus.

En témoigne le poème qui donne son titre au recueil, intitulé "Amour silencieux" :


"Je suis au milieu des hommes

Comme un vagabond

Parmi des arbres

La nature parle un langage

Que l'homme ne comprend pas


Ou s'il le comprend

Il ne lui répond pas

Le silence est ma parole

La présence comble

Le vide de mon mutisme


Je suis heureux en compagnie

De la vie

Mais ne trouve pas les mots

Pour le lui dire".


Pour en savoir plus sur ce livre publié par l'éditeur roumain Grinta, et vendu au prix de 6 € port compris, vous pouvez écrire à l'auteur : kevin.broda@gmail.com

"Impressions lointaines", d'Agnès Agnesotti




Ce premier recueil d'Elodie Agnesotti a un titre - "Impressions lointaines" - qui ne révèle que partiellement son sujet.

En fait, il s'agit du récit des impressions vécues lors de deux voyages en pays lointains, d'abord la Mongolie puis la Chine, ces deux endroits constituant le titre des deux parties du recueil, partagées elles-mêmes entre textes et photos.

Le lecteur sent bien que durant ces voyages, l'auteur ne prend pas la grosse tête et parvient à se pénétrer de l'ambiance particulière de ces pays, bien différente de celle d'ici, la France...

D'ailleurs, les paysages traversés semblent également interroger l'auteur sur ses propres manques.

De manière générale, j'ai trouvé que la spécificité de la Mongolie était mieux restituée que celle de la Chine. Je suis aussi un peu resté sur ma faim avec ces "Impressions lointaines", et j'aurais volontiers souhaité plus de poèmes (c'est plutôt bon signe !) et quelques photos de moins.

Il reste que le ton de ces "Impressions lointaines" sonne juste, ni trop, ni pas assez.


Par exemple,


"Nous sommes

les ombres malhabiles

d'une peinture

d'enfant


Au coin

les couleurs

se dévorent entre elles


Coup de pinceau

comme un caprice

une silhouette

En bord de ciel


la nuit mongole

se déshabille


à l'abri des étoiles"


A suivre donc.
Si vous souhaitez en savoir plus sur les "Impressions lointaines" d'Elodie Agnesotti, vous pouvez contacter l'auteur :elodieagn@yahoo.fr ou aller faire un tour sur son blog http://du-haut-de-mes-lunes.weebly.com

lundi 17 novembre 2014

"Passeport pour le Galawa", de Fred Bonnet


 
Ce qui m'a étonné d'emblée dans ce livre, c'est sa forme. Intitulé "roman", "Passeport pour le Galawa" ressemble en apparence davantage à une pièce de théâtre. En effet, il ne lui manque plus que des indications scéniques, en plus des noms de personnages et du lieu qui sont mentionnés dans chacune de ses saynètes.
En réalité, il s'agit plus exactement d'un roman écrit sous forme de dialogues, ce qui a pour conséquence de le rendre plus vivant qu'un récit ordinaire.
D'ailleurs, l'objet de ce livre n'est pas de raconter une histoire, mais de reproduire l'ambiance des arbres à palabres, ce lieu traditionnel où sont débattus, sous un arbre, les "problèmes" d'un village.
Car l'action du roman se déroule dans l'archipel des Comores et ses personnages ne font que parler beaucoup et souvent avec humour, en français, en comorien et même parfois en anglais, du moins au Galawa, cet hôtel de luxe dans lequel Silalé, le héros principal, vient d'être embauché comme serveur.
De ce "Passeport pour le Galawa", se détache finalement davantage le personnage du Poète, qui multiplie les envolées verbales, et n'éprouve pas (apparemment) le besoin d'écrire des poèmes.
Avec ce roman, j'ai l'impression que son auteur, Fred Bonnet, aspire à ce que le lecteur redécouvre un autre lyrisme que celui pratiqué en métropole, purement écrit, et (trop) intellectuel.
Cela ne nous ferait pas de mal effectivement...
Pour en savoir plus sur "Passeport pour le Galawa", publié dans la collection "Lettres de l'océan indien" de l'Harmattan et vendu au prix de 11,50 €, allez jeter un coup d'oeil sur le site de l'éditeur : http://www.harmattan.com/

vendredi 7 novembre 2014

"Guide pour garder les poulets en ville", de Jason Heroux




Voilà quelques poèmes "guidés" vraiment énigmatiques, qui sont l'œuvre du poète canadien Jason Heroux, et qu'Eric Dejeager a traduits de l'anglais et a édités dans sa collection minicrobe de la revue Microbe.
Le poète de "Guide pour garder les poulets de la ville" semble toujours buter sur un détail quand il écrit et il n'en démord plus. Ce détail peut être n'importe quoi, il peut être vu ou imaginé, et c'est bien en cela que le poème est meilleur.
 
En voici un exemple :
 
"j'ai vu
un cheval aveugle
dans notre vue
mais j'étais
un cheval aveugle
dans notre rue
et j'ai vu que j'étais
un cheval aveugle
dans notre rue
mangeant l'écorce interne
d'un bouleau noir".
 
Bref, un court (dommage d'ailleurs) recueil à lire au plus vite, si vous êtes en quête d'imprévisible.
Pour plus de renseignements, écrire à Eric Dejaeger, ericdejaeger@yahoo.fr

jeudi 6 novembre 2014

"Quotidiennes pour interroger", de Georges Cathalo



Ces "Quotidiennes pour interroger", dont l'une a paru dans le numéro 45 de Traction-brabant, me plaisent pour une raison essentielle : la véhémence qui les parcourt et leur donnent un air de dureté apparente, est là pour appeler à davantage de sensibilité de la part de l'espèce humaine. D'où cette forme interrogative d'interpellation caractéristique de chacun des poèmes.

Le lecteur saisit donc que le paradoxe dureté / sensibilité, s'oppose évidemment à la position inverse, beaucoup plus courante car plus facile à tenir : douceur, voire mollesse / individualisme, voire hypocrisie.

Le propos qu'adopte Georges Cathalo, on le sent bien, ne se borne pas à l'écriture. Il s'agit d'une possible définition de la poésie, à exporter dans la vraie vie.

J'aime aussi quand l'auteur nous implique dans cette image déplorable que peut avoir l'être humain, lorsqu'il se laisse aller à la nature. Pour ma part, je ne vois pas là dedans d'exagération.

Comme l'écrit Georges Cathalo :


"et si nous n'étions au fond

que d'obscurs bouffons bouffis

de pitoyables pantins pantelants

empêtrés dans nos contradictions

aveuglés par nos prétentions

et toujours dans la posture suffisante

de ceux qui savent ?"


Et encore :


"que gardera-t-on de ce passage

quelques regards quelques visages

avec si près de nous la nuit qui glisse

et toutes ces belles illusions

que l'on bâtit par conviction

ou par tacite consentement

que gardera-t-on plus tard

de cette aiguille affolée

aimantée entre deux pôles ?"


Si vous souhaitez vous procurer "Quotidiennes pour interroger", vous pouvez écrire à Yves Perrine, 215 rue Moïse Bodhuin 02000 LAON. Le recueil est vendu au prix de 3,80 €.