mardi 31 mars 2015

"Dessine-moi un poème", de Salvatore Sanfilippo




Les poèmes de Salvatore Sanfilippo, dont le dernier recueil s'intitule "Dessine-moi un poème" évoquent toujours pour moi quelque chose qui cloche, qui ne fonctionne pas comme prévu.

Sauf qu'ici, il n'y a rien de tragique, du moins, en apparence. D'abord parce que des solutions existent à tous les problèmes.

Tout ceci me fait penser au travailleur manuel qui, confronté à des problèmes de faisabilité ou à un outil qui casse, doit s'en sortir quand même. Et pas la peine de se référer immédiatement au bricoleur du dimanche. Même les professionnels connaissent l'improvisation...Pas besoin non plus d'opérer un parallèle avec l'écriture de poèmes, qui reste une activité purement intellectuelle.

Ainsi, plein d'objets hétéroclites se retrouvent là par le biais des jeux de mots, le pouvoir des listes en poésie n'étant plus à démontrer.

Par exemple, dans ce poème intitulé "A vous les hélicons" (plein de sons modernes également et pas seulement parce qu'il s'agit d'instruments de musique) :

"A vous les hélicons

Les conques les quelconques
Les zu culs laids laids
Les bongos les petits minces
Les dudules les duduches
Les Dudules ridicules
A vous les banjos les barjos
Les gongs les gonzes les gangs
Les orques de barbare rient
Les trompés les trompettes
Les appeaux des fesses
Les fifres les sous-fifres
A vous les gamelans les gamellés
Les saxophones les sexes aphones
A vous les riqq
Les zigues de tous bords
Les tubas les tubés les entubés
Les bandonéons les bande au néant
Les luths final
Les altos feux"

Les poètes qui prennent très au sérieux la poésie (et le montrent dans leurs poèmes) ne se retrouveront sans doute pas dans ces vers. Mais moi ça me va !

A noter également quelque chose qui me plait vraiment dans "Dessine-moi un poème", et qui explique le titre de ce livre, nouveauté par rapport aux précédents recueils : la proximité entre textes et images.

En effet, les illustrations de Chrisal, qui accompagnent certains poèmes, prennent place à côté de ceux-ci, c'est à dire sur la même page, parfois juste en face.

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Dessine-moi un poème", qui est vendu au prix de 10 €, vous pouvez contacter l'auteur par le biais de son blog : http://salvatore-sanfilippo.over-blog.com

lundi 23 mars 2015

Poids plume




Superbe initiative que celle de ces "Poids Plume" venus de la Charente-Maritime. Lancée par l'association "Mots Nomades Production", d'Angélique et de Frank, et avec la complicité de Loïc, créateur graphique, il s'agit d'une collection de 47 courts textes écrits à partir d'une feuille A4 pliée et découpée en 8 faces, édités chacun à 100 exemplaires.
Cette collection a été élaborée pour le Printemps des poètes 2015, sans qu'il y soit forcément question d'"Insurrection poétique", thème du printemps des poètes de cette année.
Les poèmes ont été écrits à l'occasion des ateliers d'écriture animés par Angélique et Frank auprès de tout public, mais également auprès de publics en marge de l'offre culturelle, comme des personnes retraitées en établissement, des personnes en situation de handicap mental. 
Parfois aussi, des professeurs ont élaboré des textes avec leurs élèves (de maternelle, de primaire ou de collège). Enfin, quelques auteurs ont été invités, ou bien d'autres personnes qui ont adressé des "Poids Plume" spontanément.
L'important n'est pas le nom des participants, c'est que le résultat de ces écritures soit étonnament diversifié. Aucun de ces petits pliants ne ressemble à un autre, certains sont très travaillés quand d'autres sont d'une simplicité rudimentaire, ce qui ne signifie pas dénuée de poésie...
Ce n'est pas le monde formaté de la concurrence, mais celui de la poésie telle qu'on l'imagine de loin, un monde où la liberté domine.
Les "Poids Plume" n'ont de prix que par la joie de ceux qui ont participé à cette aventure...
Quelques citations prises au hasard :
"mon corps tel un arbre planté sans aucun choix"... (Marianne RB);
"un dragon / c'est comme des phasmes / ça fait du mimétisme / ça disparaît / ça réapparaît" (ESAT - MRS - Pôle autisme");
"la ville est sujet, la nature n'est plus que complément de lieu ou de temps" (Nisrine et Angélina, collège Beauregard)
"la nuit les rêves maigrissent" (Thomas Vinau);
"Prisonnier avant que de naître / Dans un ventre tout rond / Sans la moindre fenêtre..."  (Ann Cairn).
Pour en savoir plus sur ces "Poids Plume", rendez-vous sur le site http://www.frangelik.fr/

mardi 17 mars 2015

"Toucher terre", de Fabrice Farre




C'est fou comme la poésie de Fabrice Farre, qui vient de publier au Pré # Carré, "Toucher terre", est celle de la distance. Pas une distance qui rend triste ou qui devrait être absolument parcourue. Mais une distance qu'il convient de traverser en images. Un trait d'union qui doit être mis à jour.
Ainsi, le poète se transforme en une sorte de passe-murailles. Ce qui compte, d'ailleurs, ce n'est pas la destination, mais bien plutôt le voyage, ou plus exactement le trajet, le déplacement.
C'est aussi la distance éprouvée par celui qui n'est pas chez lui et qui est peut-être de nulle part, touriste perpétuel qui a l'art de distinguer, par exemple, les moindres fluctuations de lumière, les moindres odeurs soufflées par le vent, comme le temps qui passe, insensiblement.
Une vraiment belle poésie. Pas besoin de faire compliqué pour la rencontrer.
 
En voici deux exemples :
 
"Les dentelles aux fenêtres
laissent filtrer les jours
comme dans la trame contradictoire
de Pénélope qui attend."
 
"Je prie pour que ton départ
soit une alerte au bonheur.
On ne quitte jamais la terre.
Tout en suivant la silhouette qui s'épuise
je prie pour ne plus revenir à moi
et faire alors une rencontre
de l'étranger qui croit ne pas te reconnaître."
 
Pour en savoir plus sur "Toucher terre", qui est vendu avec l'abonnement au Pré Carré (de 25 € pour 4 publications annuelles), rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://precarre-editeur.fr
Soyez sympas avec le Pré # Carré. C'est l'un des seuls éditeurs, sans doute, à commencer ses recueils par un simple "Bonjour"....

vendredi 6 mars 2015

"Coupure d'électricité, de Murielle Compère-Demarcy




"Coupure d'électricité" de Murielle Compère-Demarcy est un poème d'une longueur de dix pages, qui vient d'être publié par les Editions du Port d'Attache.
Il s'agit du récit d'une insomnie, qui prend place durant une "coupure d'électricité" et qui contraint le "je" du texte à marcher dans sa tête durant la nuit, comme il marche durant la journée dans ses soucis, des soucis amplifiés par la complexité d'une ville tentaculaire.
L'espoir de trouver le sommeil n'est jamais vraiment perdu dans ce parcours qui, cependant, ressemble à une sorte de cauchemar léger.
Mais l'important est de constater que l'activité cérébrale qui s'effectue au rythme de la marche ne s'arrête jamais, que la trépidation (rime avec tribulations !) poétique est toujours là, que les métaphores filent comme des passages de relais, et qu'en fin de compte, la poésie ne cesse de transformer les réalités en autant d'images, de façon à les faire devenir de nouvelles réalités...C'est l'énergie combattant le découragement...
On reconnaît là le style si caractéristique de Murielle Compère-Demarcy, muni de ses nombreuses barres de découpe et de son refrain ("la faute à personne"), presque comme dans une chanson...
 
Un extrait de "Coupure d'électricité" :
 
"Dans le ciel l'angle obtus d'un fuselage sonne
L'angélus / sept heures
Dix-neuf heures / sur le cadran l'ombre
Change d'heure / autrement / la même
Toujours la même
La quête des prières gagne mains sonnantes
La paume des nuages
Une ville un clocher la voix des gallinacés à partager
L'heure / pas de corde à balancer
Plus le temps / pas de balancier
Temps électronique programmé /
La ville affairée
Tandis
Que tu marches / tu marches
Podomètre thermo-luminescent
Collé à tes pas luisants / ascension / performance
Vers / Chute
Assurée
 
Mais c'est la faute à personne
Mais c'est la faute à personne..."
 
Pour vous procurer "Coupure d'électricité", poème vendu au prix de 2,5 €, vous pouvez aller faire un tour sur le site de l'éditeur : http://editionsduportdattache.over-blog.com/

"Détail d'intérieur", de Basile Rouchin




Voici le premier recueil de poésie publié par Basile Rouchin (aux éditions "Interventions à haute voix"). Un recueil qui a bien su mûrir, puisque de nombreux poèmes le composant ont été publiés en revues depuis maintenant dix ans.
"Détail d'intérieur" méritait vraiment de paraître, car il montre, dans toute son étendue, le style original de son auteur, finement dosé, et qui a l'avantage de se lire bien.
Basile Rouchin excelle à traiter des rapports sociaux, et tout particulièrement de ceux existant dans l'intimité des couples. Il sait rendre, avec suffisamment de légèreté, les discrètes frictions qui émaillent les contacts humains dans notre vie personnelle, ressemblant parfois à s'y méprendre à une vie professionnelle, dans cette urbanité sans pitié.
Ainsi, mine de rien, l'auteur dresse une sorte de tableau des malheurs ordinaires : mésententes, agressions, dépendances, solitudes... salariat et... hypocrisie !
Attiré par l'humour noir, Basile Rouchin écrit des poèmes à vers courts, qui vont par deux (temps, celui de la chanson ?) bien souvent. Il y a là comme des coups de pattes qui nous remettent à notre place dans le quotidien. Les jeux de mots participent également de son style, sans néanmoins l'alourdir ...
Les illustrations (collages), dont celle de couverture, sont de Cathy Garcia. La préface est de Marie-Madeleine Fragonard, et la 4e de couverture, de Guy Chaty.
Ci-dessous, un poème extrait du recueil : "Love-Linge (ou l'amour avec un grand tas)"
 
"De retours d'eaux usées
En roulements de tambour,
Fait-on machine arrière ?
 
Cycle complet
Pour tissu délicat,
Pour qui
Ce coeur chavire
Sans adoucissant ?
 
Dans le bac à heures,
Basse température,
Six cents tours minute;
L'histoire
Raccourcit ses mailles...
 
Les souvenirs sèchent :
Petit tas gorgé d'amour,
Fripes aux couleurs passées.
 
Sa lavandière partie,
Il a lavé seul le linge sale,
 
Ces sentiments
Déjà si peu blancs,
Impossibles à récupérer."
 
Pour vous procurer "Détail d'intérieur", vendu au prix de 10 €, vous pouvez écrire à la MJC de la Vallée, 47 rue de Stalingrad 92370 CHAVILLE.

"Journal en noir", de Pascal Ulrich




L'association "Bakou 98" et les Editions du Contentieux continuent à faire découvrir les œuvres de Pascal Ulrich restées inédites de son vivant.
Ce "journal en noir" est un morceau de choix, texte pur, dénué d'illustrations (en noir et blanc), ce qui est plutôt rare chez Pascal Ulrich.
Il s'agit d'un recueil d'aphorismes écrit en 2006, alors que la vie de son auteur recommençait à déraper sérieusement, et cette fois-ci pour toujours...
Je ne dis pas que j'ai aimé tous les aphorismes de ce recueil - le genre est trop difficile - mais il y en a de nombreux, qui sont redoutables...On y reconnaît la patte inconsolable de Pascal Ulrich, celle précisément qui nous manque aujourd'hui.
Quelques exemples : 
 
"Je redoute l'espoir qui
depuis belle lurette est
une arme religieuse donc
politique"
 
*
 
"Les anges de la désolation
ont un merveilleux sourire
d'anges de la désolation"
 
*
 
"Je suis une ombre glacée
dont le charme est dans le fruit
du mélancolique crépuscule"
 
Pour commander "Journal en noir", vendu au prix de 7 €, vous pouvez écrire aux éditions du contentieux, 7 rue des Gardénias 31700 Toulouse ou à Robert Roman (l'éditeur) : romanrobert60@gmail.com

dimanche 1 mars 2015

"Les paradoxes du lampadaire", de Marc Tison




Les poèmes de Marc Tison publiés ici sont des remix de textes auparavant publiés en revues. Le choix d'un terme musical pour cette poésie n'est pas une coquetterie, car une fois n'est pas coutume dans ce domaine, les poèmes de "Les paradoxes du lampadaire" et de "A NY" (à New-York) sont d'inspiration presque entièrement musicale.
Pas dans ce qu'ils décrivent forcément (le milieu des loubards et des rockers parfois), mais de la façon dont ils le décrivent. Il s'agit vraiment là d'une vision du monde en rock and roll. Déjà, le rythme du rock and roll est dans l'écriture.
Et ensuite, ces mégalopoles que l'auteur traverse sont destroy chaotiques, à la fois collectivistes et individualistes et plutôt pour le pire que pour le meilleur. Ce monde essentiellement urbain est celui d'une civilisation anglo-saxonne, même quand ce n'est pas "A NY" et même quand elle s'ignore.
D'ailleurs, Marc Tison s'accoutume plutôt bien de ce chaos, parfois en faisant de l'humour vache. La misère et la violence semblent orchestrés dans une même partition qui les dépasse, charriés par un même élan vital. Il faut dire que c'est l'espoir de révolutions dans l'action qui nourrit ce présent qui chante, même si les voix sont éraillées :
 
"Pas de SOS
"No escape"
Grimpe la colline
T'auras une belle vue
Sur la mer au lointain
 
Les phares hertztiens
Peignent l'air
Le ciel en C02
Métal et fleurs
Parfumées au méthanol
des distilleries clandestines
Au sous-sols des nouveaux immeubles
Déjà mis en ruine
En cours de démolition
 
Alors
Fument furoles funambules
De nos pensées d'étincelles
Les gaz au ras du sol
De nos esprits de marge
Le premier métro vient d'arriver
Encore je ne dormirai pas
Jamais"
 
Bref, de la poésie immédiate.
La couverture est de Marc Tison.
Pour vous procurer ce recueil vendu au prix de 5  €, vous pouvez contacter l'auteur : mtgmt@orange.fr et http://marctison.wordpress.com