dimanche 31 janvier 2016

"Au désordre du monde", de Josiane Gelot


« Au désordre du monde" de Josiane Gelot est un recueil en forme de bilan tiré entre passé et présent, résumé de poésie.
En effet, si dans la première partie de "Au désordre du monde" est évoquée explicitement la jeunesse de l'auteur, dans les deux autres parties, Josiane Gelot, à mes yeux, s'interroge sur le fait de savoir comment sauvegarder la poésie dans un monde qui ne l'est guère, et pas simplement en apparence : univers des villes et de la pauvreté.
L'écriture de Josiane Gelot frappe surtout par le dégré d'exigence que l'auteur semble garder vis à vis d'elle-même. Il y a de la force là-dedans, la fierté de ne pas abdiquer devant la laideur de l'existence et de survivre avec dignité au milieu de tout cela.
Si dans "Au désordre du monde", vers courts et vers longs alternent au fil des poèmes, c'est surtout quand le vers se raccourcit qu'il trouve sa plus grande force.
Ce recueil aurait mérité mieux qu'une auto-édition. Avis aux amateurs de nouveaux poètes, donc !

Voici deux poèmes extraits de "Au désordre du monde" :

"Griffures d'ajoncs
De bruyère
Couleurs foulées d'enfance
Déjà
Marcher et vivre
D'un même geste
Marcher jusqu'à
La halte
Le mot auquel s'adosser
Halte
Mêler au mot sur la langue
L'acidité du granit surchauffé.
Craquement de feuilles...
Choc de brindilles...
Peut-être un serpent
Peut-être le vent
La peur prend
Rampe à son tour
La terre est sèche."

Et :

"Les couloirs de métro
Charrient, en vrac
Bêtise
Elégance
Beauté
Indifférence
Et surgit
L'épuisement
A l'état pur
Taillé
Dans la face émaciée
D'un visage creusé
D'ombre charbonneuses,
Un œil malade
Fermé sur nous.
L'autre, éteint.
Le corps
Voué à la maigreur
Sautille,
Foule
On le foule
Il bouge
Comme un ballon perdu
Dans les pas d'une valse."

Pour en savoir plus sur "Au désordre du monde", vendu au prix de 8 €, vous pouvez contacter l'auteur :josiane.gelot@orange.fr

"Après, j'irai chanter", de Jean-Michel Robert


"Après, j'irai chanter", de Jean-Michel Robert, édité par "Gros textes", regroupe en fait 3 textes : celui qui donne son titre au livre, un autre inédit, "A jamais" et enfin, une réédition d'un recueil de 1997, aujourd'hui introuvable, intitulé "Alice, Eugène, glissades".
Il y a beaucoup de choses que j'aime dans ce livre, à la fois dans ce qui s'exprime : véritable hédonisme de l'auteur (alors que ce mot est aujourd'hui, je trouve, employé à tort et à travers dans un sens attiédi), humour noir, auto-dérision. Et dans la manière dont c'est exprimé : poèmes en vers bourrés jusqu'à craquer, surréalisme de certaines des images employées, sens de la formule.
Bref, tout ce qui paraît démodé pour l'époque mais qui moi, lecteur, me passionne et me tient en haleine. Là, au moins, je n'ai pas besoin de me demander si c'est de la poésie. C'en est, bien naturellement. D'autant plus qu'il y a beaucoup de vie là-dedans.
Comme pour illustrer la philosophie de la vie qui s'exprime dans "Après, j'irai chanter", "Alice, Eugène, glissades" et "A jamais" traite du sujet délicat de l'amour porté à des jeunes filles "à peine nubiles", pour citer le commentaire d'Alain Kewes. En tout bien tout honneur, car le sujet de ces amours est mis à distance, sitôt approché.

Extraits de : "Après, j'irai chanter" de Jean-Michel Robert :

"La mesure

J'aimerais trouver les mots à la mesure de cet étonnement d'être
ce cri de nébuleuse dans une égratignure,
son fou rire dans l'amour, cet acharnement dans le vertige.
Exister,

exister sans dieu mais ronger de mystère, sans raison mais assoiffé, coïncidence errante,

être soi sans y croire,

mais devenir obstinément; et cette trouille quand la présence s'impose... Oui, j'aimerais trouver le rythme,

le lyrisme de la stupeur."

Extrait de "Alice, Eugène, glissades" :

"non il n'est pas question de famille
ni de linge sale il s'agit
encore d'une fenêtre
enfoncez-vous bien ça dans le reflet
mettez-le vous dans l'éphémère
le hasard pourra enfin respirer la lumière saine
celle dont on ne fait pas les chandelles de dîner
ni les dentiers de centenaires
celle dont on ne fait ni de vieux os ni cheveux blancs
celle dont on ne fait rien
qu'un petit rire d'Alice
avant qu'elle ne suce un sexe ou un naufrage
c'est à peu près la même chose
pour les rescapés qui croient
nager ou espérer
c'est à peu près la même bouée
il y manque une tête de canard
c'est triste".



Pour en savoir plus sur "Après, j'irai chanter", de Jean-Michel Robert, vendu au prix de 10 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://sites.google.com/site/grostextes/

"Poèmes géographiques", de Thierry Radière


"Poèmes géographiques" de Thierry Radière, vient d'être édité par "Le Pédalo ivre".
Si le titre de ce livre peut paraître, au départ, bizarrement objectif, il résume bien l'objet des poèmes qui sont à l'intérieur.
L'auteur raconte en effet ses souvenirs d'adolescence et de jeune adulte, qui se partagent entre deux lieux fort différents : les Ardennes (pays d'origine) et les Landes (pays de vacances). En terme de distance et d'ambiance, c'est donc le grand écart qui est accompli par Thierry Radière.
Et les personnages semblent dépendre des lieux : les grands parents, la femme de l'auteur. Ils sont décrits dans leurs biotope, pourrait-on dire !
Et si la tristesse s'y exprime, cela vient naturellement du temps qui passe, plus que les lieux, qui fait disparaître les protagonistes de ces "Poèmes géographiques".
Derrière l'objectivité du titre, il y a aussi, semble t-il, un parti pris de la part de l'auteur, celui de laisser dériver sa pensée de souvenirs en souvenirs, comme s'il passait d'un espace à un autre. La forme du poème, lui-même, quand on le regarde, est une sorte d'à-plat : étendue qui tamise le temps. Comme s'il s'était revêtu de fausse indifférence...

Extrait de "Poèmes géographiques" :

"nous serions-nous plus enfants
si nous nous étions rencontrés
au milieu d'un champ ou sur
une plage en été ?
il paraît que l'hiver à Hossegor
c'est terrible : les volets claquent
et il n'y a pas un chat dans les rues
ce n'est pas pire qu'à la campagne
sans la mer je ne comprends toujours pas
ce que cette petite ville landaise lui a fait
pour qu'il ait abandonné son projet d'acheter
un appartement là-bas notre voisin
les villes tout comme les maisons
n'ont pas la même âme
selon qu'on les traverse en été ou en hiver."

Pour en savoir plus sur "Poèmes géographiques", de Thierry Radière, vendu au prix de 10 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.lepedaloivre.fr/ 

mardi 26 janvier 2016

"L'envolée des libellules", de Cédric Landri


Deuxième recueil publié par Cédric Landri aux éditions de La Porte, "L'envolée des libellules" constitue également le deuxième volet d'un cycle débuté avec le recueil précédent, intitulé "Les échanges de libellules".
Alors que "Les échanges de libellules" se situaient à l'intérieur du cocon conjugal, "L'envolée des libellules" se passe à l'extérieur, le premier poème, "Le cœur de papier..." formant à cet égard transition avec la suite.
Il s'agit donc là d'une randonnée à travers bois et champs, la libellule étant une sorte de prétexte au mouvement.
Rien de très original là-dedans me direz-vous : on ne compte plus les poèmes consacrés à la nature.
Sauf qu'ici, la nature n'est pas cette aquarelle statique qui met les animaux et les végétaux à distance de l'homme. Elle vit effectivement. Voici à mes yeux la principale originalité des poèmes de Cédric Landri qui donne l'impression de tourner son documentaire naturel poétique.
Et si l'auteur s'intéresse toujours au tout petit, sa focale s'est élargie, puisqu'il lui arrive de parler des vaches, par exemple. 
L'ambiance des poèmes est résolument champêtre et optimiste, voire malicieuse et tendre, ce qui là encore pourrait presque passer pour une provocation au regard de la majorité de la poésie actuelle, je plaisante bien sûr.

Extraits de "L'envolée des libellules" :

"De feuille en feuille
au-dessus des fleurs
roses qui éclosent
la rainette joue
à saute-nénuphar

Elle ne prend nul risque.
Tomber au milieu des pétales
serait comme chuter
sur la laine d'un mouton.

Certains moutons peuvent
se révéler féroces.

Aussi peu
que des nénuphars en colère."

Et :

"Sais-tu comment
atteindre et palper
cueillir et garder
un bout
de l'arc-en-ciel
au loin ?

En utilisant
des ciseaux
à couleurs et à rêves".


Pour vous procurer "L'envolée des libellules", de Cédric Landri, vendu au prix de 3,80 €, vous pouvez écrire à son éditeur, Yves Perrine, La Porte, 215 rue Moïse Bodhuin 02000 LAON.

dimanche 17 janvier 2016

"Furet", de Clara Regy


"Furet", le deuxième recueil de Clara Regy, cette fois-ci publié aux Editions Henry, vient d'obtenir le prix des Trouvères, grand prix de poésie de la ville du Touquet édition 2015.
Dans "Furet", cet animal que l'on envoyait pour capturer les rongeurs près des habitations, Clara Regy décrit son enfance (mais pas de furet) à la ferme, et surtout cette femme qui pourrait être sa mère.
Dit comme ça, ça paraît très simple. mais c'est en fait un peu plus compliqué que cela, parce qu'il s'agit de poésie !
Les vers sont courts, comme s'il fallait couper le robinet du lyrisme.
Ainsi, les révélations de la vie de l'auteur paraissent comme tronquées (mais ne le sont pas en fin de compte), ce qui favorise quelques mystères domestiques. Le lecteur se demande ce qui se passe à l'instant. Parfois, la petite fille ne sait pas vraiment ce qui se passe. C'est sa perception, à la fois curieuse et incomplète, qui est ici rendue. Normal pour une enfance.
Et plus cette vie à la ferme est dure, plus elle est pudique, ce qui est également exprimé.
Malgré le sombre leitmotiv des vingt hectares de travail et de douleur (répété dans plusieurs des poèmes du livre), l'émerveillement existe. Ce qui arrive n'est pas si grave. Ce n'est que la vie.
Extrait de "Furet", le poème 46 :

"la brouette
grince
sous le poids
du linge sali
sera encore
plus lourde
gonflée
de savon
et de sueur
et je la vois
souffrir
courageuse
capitaine
à la barre
du vaisseau
mais
ne veut pas
mes bras"


Pour en savoir plus sur "Furet", de Clara Regy, vendu au prix de 10 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur :http://www.editionshenry.com/

jeudi 14 janvier 2016

"L'évidence", de Sébastien Kwiek


"l'Evidence", premier recueil de poèmes de Sébastien Kwiek, vient d'être publié aux Editions Corps puce, dans sa collection "Liberté sur Parole".
L'Evidence, c'est que ce n'est pas si évident que ça... ça : quoi ? Par exemple, qu'il s'agisse de poèmes en prose, comme sous-titré sur la couverture.
Et en effet, l'ensemble des poèmes qui composent "L'Evidence" sont des poèmes en vers, visuellement au moins.
A travers certains vers, on entend même le rythme de chansons.
Mais après tout, ce n'est pas très grave : qu'il s'agisse de poèmes en prose ou de poèmes en vers, du moment qu'il s'agisse de poèmes !
D'ailleurs, il est ici question d'amour, thème poétique par excellence. L'évidence, ça peut être aussi ça : l'évidence de l'amour, qui semble ici éternel et sans nuages, se vit sous toutes les latitudes (dans d'autres pays), voire dans toutes les positions.
En effet - et je reparle de la forme (de l'amour donc du poème !) - le lecteur peut trouver dans ce livre plusieurs calligrammes, ce qui est assez rare pour être signalé.
Nous ne nous sommes donc pas ici situés dans l'orthodoxie visuelle du poème, comme trop souvent, alors que pourtant les techniques de publication assistée par ordinateur (PAO) n'ont jamais été aussi perfectionnées.
Alors, à force de lire ces poèmes d'amour que rien ne fait douter, le lecteur se dit, en fin de compte : et si, derrière cette évidence, il y avait un mystère ? C'est que nous ne sommes pas habitués aux histoires d'amour qui ne finissent pas mal. Et puis, la poésie, souvent, c'est sombre... Alors que pas ici.

"au rebord d'une falaise
là où le monde s'arrête

nous resterons assis
face aux rideaux de pluie

jusqu'aux confins du jour

les pieds dans le large
nous n'aurons pas peur

ni de l'horizon
ni de la traversée

nos yeux seront passés
nos âmes légères

nous n'aurons pas froid

je t'envelopperai de mes bras"


Pour en savoir plus sur "L'évidence" de Sébastien Kwiek, vendu au prix de 11 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.corps-puce.org/catalogue

mardi 12 janvier 2016

"Maison", d'Emanuel Campo


Sous-titré "Poésies domestiques", "Maison" est le premier livre de poèmes publié par Emanuel Campo, aux Editions La Boucherie Littéraire.
En lisant ce recueil, je me suis dit que décidément - et encore heureux ! - la poésie réaliste n'était pas si réaliste que cela.
Avec trois fois rien échappé de la vie de tous les jours, Emanuel Campo parvient à nous faire décoller du sol, je veux dire, à nous faire rejoindre les nuages.
Il y a aussi de la froideur dans ces textes, et pour moi, ce n'est nullement un défaut car, tout de même, la poésie ce n'est pas que de la rigolade.
D'ailleurs, entre rêve, désincarnation et froideur, il peut y avoir certains points communs, non ?
Dans "Maison", ma préférence va plutôt aux poèmes courts, qui échappent au piège de la chute et constituent à mes yeux de vraies énigmes.
L'enfance de l'auteur, comme le premier âge des bébés autour de lui, sont aussi très présents, comme pour ne pas rompre avec cette part de rêve.
Extraits de "Maison", et pour vous faire une idée de cette écriture originale d'un auteur pour qui cette édition me semble être un départ vers d'autres publications :

"Ado
le miroir matinal de la salle de bain
nous prédisait la réussite
alors que dans celui du soir
nous nous consolions de n'être
que nous-mêmes."

"Ambition

(Cris de bébés qui pleurent)

On couvre ses arrières
en jouant fort un bon vinyle.

Les yeux s'évadent par la fenêtre".

"Comme un autre de mes poèmes
celui-ci commence par déboutonner
le blanc de ton tricot"

Pour en savoir plus sur "Maison" d'Emanuel Campo, vendu au prix de 12 €, vous pouvez vous rendre sur le site de l'éditeur (la Boucherie littéraire) : http://laboucherielitteraire.eklablog.fr/

Je précise que les livres de la Boucherie littéraire se commandent dans n'importe quelle librairie de France, Belgique et Suisse.

dimanche 10 janvier 2016

"Je laisserai mes pas sur le sable", d'Evelyne Charasse



Publié aux éditions de "La porte", animées par Yves Perrine, "Je laisserai mes pas sur le sable" est le premier (court) recueil publié par Evelyne Charasse.
En effet, ce texte tient en un peu plus de 1100 caractères et de 150 mots. Rendez-vous compte  ! : cela ne fait pas beaucoup.
Ainsi les poèmes d'Evelyne Charasse ont une forme bien particulière et c'est ce qui frappe tout d'abord : leurs vers possèdent entre un et trois mots. Ainsi étagé, un poème parcourt une distance inférieure à celle d'une phrase tout en prenant plus de place.
Ici, une phrase pourrait même mesurer la totalité des poèmes. L'exercice serait tentant mais il n'a pas lieu.
Le fond l'emporte finalement sur la forme, même si l'essentiel de celle-ci demeure : des poèmes verticaux.
Et des poèmes verticaux qui parlent exclusivement de la mer, voire même, de l'Océan Atlantique, de cette admiration sans ombrage pour lui qui est ici personnifiée, à travers ses oiseaux (les mouettes), ses vagues.
L'auteur semble écrire une histoire d'amour avec la mer, d'où la fin de ce texte, qui lui donne son titre : "Je laisserai mes pas sur le sable".
En guise d'apéritif, voici le début du texte :

"Déposée
Par les vagues
Saoulée
D'écume
Griffée
De sel
Je suis

Portée
Par le
Ressac
Empêtrée
De sable
Corps
Flotté"


Si vous souhaitez vous procurer "Je laisserai mes pas sur le sable", vendu au prix de 3,80 €, il convient d'écrire à l'éditeur : Yves Perrine (La Porte), 215 rue Moïse Bodhuin 02000 LAON.