lundi 28 mars 2016

"Histoires (presque) vraies", de Marlène Tissot


Edité en mai 2015 par "Le pédalo ivre", "Histoires (presque) vraies" n'est donc pas le dernier livre publié par Marlène Tissot, puisque "Lame de fond", déjà chroniqué, est "sorti" ce mois-ci.
 
Composé de poèmes en vers libres, "Histoires (presque) vraies" est sans doute le texte de son auteur qui présente, pour mon plus grand plaisir de lecteur, les caractéristiques les plus proches de "Sous les fleurs de la tapisserie", que j'ai édité, sous l'enseigne de l'association le Citron gare, en 2013.
 
Rythmé par quelques "Histoires (presque) vraies", 8 poèmes qui traversent le recueil de part en part, j'ai retrouvé ici ce parlé avec accès direct sur des vérités premières qui me plait toujours dans les textes de Marlène Tissot.
 
Extrait de ce livre, et pour illustrer mon propos, "Papa Tango Charlie" :
 
"Qu'est-ce qui se passe dans ta tête
lorsque tu t'assois là
rigide
sac de gestes et de mots
est-ce que le temps que j'ai perdu
à tenter de déchiffrer tes silences ?
à lire l'absence de sentiments sur
la pierre de ton visage ?
qu'est-ce qui se passe dans ta tête
dans ta peau
dans cet habit prison que tu t'es fabriqué ?
est-ce que tu me le diras un jour ?
est-ce que tu me le parleras
une fois, rien qu'une fois
avant que ta bouche devienne poussière ?
est-ce que tu me regarderas
comme tu regardes ta bière ?
est-ce que tu me crieras ta joie
comme à ce joueur de foot dans la télévision ?
est-ce que tu m'engueuleras
comme le chien du voisin ?
ou bien, est-ce que je ne serai jamais
rien d'autre pour toi, papa
que la tâche tenace
d'une giclée de foutre
lâchée par erreur ?"
 
Pour en savoir plus sur "Histoires (presque) vraies" de Marlène Tissot, vendu au prix de 10 €, vous pouvez vous rendre sur le site de son éditeur, "Le pédalo ivre" : http://lepedaloivre.fr/
 

samedi 19 mars 2016

"Un fémur est un homme pour vous", de Fabrice Marzuolo


Sauf erreur de ma part, "Un fémur est un homme pour vous", de Fabrice Marzuolo, publié par les éditions mgv2>publishing, est le premier recueil de poèmes de l'auteur publié depuis 2012, date à laquelle j'avais édité, à l'enseigne de l'association le Citron Gare, "La partie riante des affreux".
Peu d'éditeurs se risquent à un tel challenge, car ils n'aiment pas trop ce genre de poèmes qui a tendance à leur mettre le nez là où ça ne sent pas bon. Pourtant, ces poèmes devraient trouver facilement au moins quelques lecteurs et donc quelques ventes. En tout cas, me concernant, je les ai dévorés en quelques minutes, riant parfois même à gorge déployée à leur humour noir. 
En effet, Fabrice Marzuolo a, comme peu d'auteurs, le sens de la formule et du raccourci massacreur. 
Avec lui, pas d'illusions. Nous sommes toujours sur le plancher des vaches. Même la sexualité ne s'en sort pas ! Et j'avoue que ça me fait bien rire, car c'est effectivement bien un peu la réalité vraie. Et la preuve en est que l'on peut vivre très longtemps sans se faire de fausses illusions. Donc, pas la peine de s'en faire ! Tant qu'il y a du désespoir, il y a de la vie !
J'en finis par le titre, et relève qu'il est d'une originalité indéniable : "Un fémur est un homme pour vous".


"Le piéton tari

Je viens de Paris en train
et après une heure de bus
j'arrive enfin dans la vallée
aux villages émottés
sur les pentes et scarifiée
de routes bleues
et lumineuses parfois
quand les premiers rayons
de soleil parviennent
à se glisser sous le rouleau
des nuages

je marche au bord
d'une route sans trottoir
il semble qu'ici
comme partout
déjà de la cuisine au salon
on ne se déplace
qu'en automobile
alors le cul posé derrière
un volant quand on aperçoit
un débile tombé de la lune
sur le bord de la route
on se demande
comment il peut tenir
debout sur deux jambes
et surtout comment
il peut avancer dans la vie
rien qu'en posant
un pied devant l'autre"

Pour en savoir plus sur "Un fémur est un homme pour vous", vendu au prix de 5 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://mgv2publishing.blogspot.fr/

"Vie imaginaire de Maria Molina de Fuente Vaqueros", de Samaël Steiner


Je sais bien que nous ne sommes qu'au mois de mars, mais "Vie imaginaire de Maria Molina de Fuente Vaqueros", de Samaël Steiner, qui vient d'être publié aux éditions de l'Aigrette, est sans doute le meilleur recueil de poésie qu'il m'ait été donné de lire en ce début d'année. 
Entendez par là tout simplement que c'est le texte qui m'a procuré le plus de plaisir à sa lecture depuis plusieurs mois.
En effet, la plupart du temps, pour le lecteur, c'est chaque poème qui fait la poésie.
Eh bien là, non ! Car dans cette "Vie imaginaire de Maria Molina", tout est errance délicieuse, passage et transformation. Jusqu'au sexe de Maria qui va évoluer avec l'avancement du livre. Et la poésie naît, comme dans un film, de cette succession de séquences qui s’interpénètrent entre elles, malgré leur apparente séparation, créant une sensation de rêve éveillé.
Le texte, dans son aspect formel, est lui-même créateur de rêve, car s'y succèdent les citations en italique, insérées comme des collages, et les mises en incise au cœur du vers, qui surprend par son ampleur.
Enfin un poète qui n'a pas le souffle court, ai-je envie de dire. Ce n'est pas si courant. C'est bien pour cela que je le signale. Avis aux éditeurs !...

Extrait de "Vie imaginaire de Maria Molina de Fuente Vaqueros" de Samaël Steiner :

"10.

Tous mes manteaux sont étendus là, sur le sol.
Au ciel déjà je vois venir les étoiles des premières heures.
Je veux maintenant aller nu.
Traverser la ville le sexe bandé et sentir que plus rien n'est une frontière entre ce monde et moi,
et courir jusqu'à ce que le corps se dresse et dise : Assez !
J'ai soif !
J'ai faim !
C'est cette course qui, corps entier, exprime notre amour.

Quand finissent les arbres,
la distance a depuis plusieurs heures évincé les fenêtres des villes.
Le corps dans sa sueur porte le monde
et se vide au bord d'un champ.
Reste la colère de vivre,
tenant rieurs les yeux.
Celle-là même que je sens entre les lames de tes os,
lorsque j'entends tourner le cheval dans ta cage thoracique.

Mes yeux sont ouverts au fond d'un vase, ils te regardent,
au milieu de têtards noirs et de petites pierres
et l'eau est opaque à tes regards
impénétrable, sinon à la main
ou alors accroupie,
avec ton ventre tu peux la boire,
au matin en découvrir les fruits
blancs dans l'aube blanche (...)".

Je précise que la couverture est une peinture de Lionel Soukaz et que le livre contient des photos de Samaël Steiner.

Pour en savoir sur "Vie imaginaire de Maria Molina de Fuente Vaqueros", de Samaël Steiner, vendu au prix de 16 €, rendez-vous sur la page facebook de l'éditeur: https://www.facebook.com/EditionsdelAigrette/

jeudi 17 mars 2016

"Lame de fond", de Marlène Tissot

Voici le dernier livre de Marlène Tissot, publié par les éditions "la Boucherie littéraire", le cinquième de sa collection "Sur le billot".
Il s'agit d'une suite de proses consacrées au souvenir d'un proche disparu. Ce souvenir est prétexte à un retour dans les lieux (jusque dans la maison) où ce disparu a vécu. C'est dire combien le souvenir s'incarne au maximum. L'attitude de la narratrice pourrait être de le rejeter, de lui ôter sa substance, pour s'en détacher au plus vite. Eh bien non. C'est ce que j'ai particulièrement apprécié dans ce livre, cette façon de se sauver en se précipitant là où est le manque.
La mer de Bretagne est également très présente dans cette "lame de fond", et c'est elle qui nourrit nombre d'images. C'est qu'il en faut du courage, parfois, pour se maintenir au dessus de la ligne de flottaison.
Le style de Marlène Tissot restitue avec finesse les subtils atermoiements de l'âme. Il est connu pour cela déjà !
Extrait de "Lame de fond" :
"Une serveuse assise à la terrasse d'un restaurant vide. Ce n'est pas encore l'heure, plus la saison touristique, pas le week-end. Il n'y a pas grand chose à faire en cet instant, alors elle vient s'asseoir là et regarder la mer. Une veste d'homme posée sur ses épaules étroites. Une petite robe noire et un tablier blanc. J'essaie d'imaginer ce que verraient tes yeux s'ils étaient à la place des miens. Est-ce que tu la trouverais belle ? Tu disais que toutes les femmes étaient belles, sauf celles qui n'avaient pas de cœur".
Pour en savoir plus sur "Lame de fond" de Marlène Tissot, vendu au prix de 12 €, vous pouvez vous rendre sur le site de l'éditeur (la Boucherie littéraire) : http://laboucherielitteraire.eklablog.fr/
Je précise que les livres de la Boucherie littéraire se commandent dans n'importe quelle librairie de France, Belgique et Suisse.

"Poèmes mignons pour petits capons", d'Eric Dejaeger


Je n'ai pas l'habitude de commenter des poèmes pour enfants, parce que souvent, je trouve que ça manque de naturel, que les adultes se projettent trop dans les têtes des gosses. Et comme je me mets à la place des lecteurs potentiels, j'ai envie de contester cette fausse naïveté.
Mais là, dans "Poèmes mignons pour petits capons", édité par Les Carnets du Dessert de Lune, Eric Dejaeger ne cherche pas à prouver quoi que ce soit, sauf qu'il fait preuve d'humour. D'ailleurs, il prend la place de l'enfant. Et les scènes qu'il décrit ne sont pas lointaines, mais demeurent empreintes de vie domestique : les affaires qu'il faut ranger, tous ces objets du quotidien qui sont grossis aux yeux de l'enfant, en phase de découverte du monde.
J'aime beaucoup les illustrations de ce recueil, très colorées, et finement dessinées. Elles sont l'œuvre de Sarah Dejaeger, la seconde fille d'Eric Dejaeger. Bref, une affaire de famille dans laquelle les enfants existent aussi !...
Extrait de "Poèmes mignons pour petits capons" :
"J'ai mis mes pantoufles
Tout seul comme un grand
Je suis bien dedans
Je reprends mon souffle...
Quelque chose cloche :
Je pars de travers...
J'ai mis à l'envers
Mes belles galoches."
Pour en savoir plus sur "Poèmes mignons pour petits capons" d'Eric Dejaeger, dont le prix est de 8 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.dessertdelune.be/

"Bestiolerie potagère", de Louis Dubost


Edité par "Les Carnets du Dessert de Lune", "Bestiolerie potagère" de Louis Dubost constitue une suite de descriptions, rédigées sur le mode de la fantaisie, de bestioles aux drôles de noms parfois, qui hantent les jardins ou en disparaissent peu à peu : hérisson, syrphes, abeilles...
Il n'est pas question, dans ce livre, de donner toujours dans l'angélisme. Ainsi, toutes ces insectes, dont il est question ici, ne sont pas bénéfiques pour les récoltes, comme, par exemple, les doryphores et les thrips.
J'aime un peu moins le fait, je l'avoue, que des parallèles soient établis entre le monde des jardins et celui des lettres, car les lettrés, hélas trop humains, on les connaît déjà. Et ce n'est pas pour les retrouver qu'on fuit au jardin !...Bien au contraire ! A la limite, on leur préfère les nuisibles des jardins.
A signaler enfin les superbes illustrations (gravures) de Bernadette Gervais, toutes simples, mais suffisamment précises, et en grande taille, qui permettent de savoir de quoi on parle...

Extrait de "Bestiolerie potagère" : "Les escargots

ne sont pas des chauds lapins. Quand ils baisent, le coït se prolonge de douze à quatorze heures, d'un érotisme torride qui prend son temps et son pied comme ils montrent les superbes images du film Microcosmos. Ca, c'est jouir brut de coffrage, DSK peut bien aller se rhabiller ! Au milieu de l'allée qui mène à la serre, deux petits-gris soudés l'un à l'autre laissent le jardinier songeur quant à la façon dont batifolent le monde des hommes et ses environs affairistes".

Pour en savoir plus sur "Bestiolerie potagère", de Louis Dubost, dont le prix est de 12 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.dessertdelune.be/

mercredi 9 mars 2016

"Quotidiennes pour lire", de Georges Cathalo


Avec "Quotidiennes pour lire", publiées par les éditions de La Porte, Georges Cathalo continue sa série des quotidiennes (après les "Quotidiennes pour résister" et les "Quotidiennes pour interroger").

Cette fois-ci, comme le titre de la plaquette l'indique, il est question de lecture, à travers cette série de cours poèmes en vers libres, .

Comme lorsqu'il parle, par exemple, des poètes, Georges Cathalo met ici en lumière le relativisme de toute passion.

La différence entre la lecture et l'écriture, c'est que proclamer l'absolu de l'écriture, pour un poète, c'est surtout proclamer l'absolu de sa propre écriture. Ne rigolez pas, nous sommes comme ça (sinon, il n'y aurait pas tant de blogs qui traînent !).

Tandis qu'avec la lecture, existe au moins une attitude bienveillante envers d'autres auteurs, illustres ou pas. Et plus on est gourmet dans ses lectures, plus ses choix sont susceptibles de s'orienter vers des auteurs plus inconnus que connus, des perles rares, comme on dit.

Et c'est là que le bât blesse. Car dans sa boulimie, le gros lecteur a tendance à oublier que les livres qu'il révère, ne comptent pas aux yeux de la majorité de la population humaine. Il a même tendance à oublier qu'il lui reste énormément de livres à lire. Et s'il ne l'oublie pas, il peut devenir fou !

Donc, en fin de compte, la prodigalité du lecteur finit par tourner à vide, comme celle de l'égoïste écrivain.

Extraits de "Quotidiennes pour lire" (version plus pessimiste) :

"tous ces immenses poètes
qui ont sombré dans l'oubli
et qui n'avaient rien fait
pour en sortir un jour
faut-il les relire ou se taire
quand on sait bien
que remuer les cendres
ne relance pas le feu."

Et la version plus optimiste :

"toujours aussi affamé de mots
il se nourrissait de paroles
et tous ces mots et tous ces livres
colonisaient ce regard éteint
dans lequel on découvrait
des lambeaux de phrases
des adjectifs à la dérive
et des verbes qui se dévoraient
dans le silence envahissant
des livres refermés."

En tant que lecteur boulimique, je vous conseille de lire "Quotidiennes pour lire", poèmes sur la lecture qui se lisent vite !

Pour en savoir plus sur cette plaquette, dont le prix est de 3,80 €, vous pouvez écrire à Yves Perrine, 215 rue Moïse Bodhuin 02000 Laon.