dimanche 29 mai 2016

"Nord, seul point cardinal", d'Emmanuel Merle


Dernier opus (91, tout de même !) de la collection "Les fondamentaux" du "Pré # carré éditeur" qui commence toujours par un "Bonjour"), "Nord, seul point cardinal", d'Emmanuel Merle, m'a saisi par son sujet.
Et quand je dis être saisi par un sujet, je ne crois pas si bien dire, car le sujet, c'est la glace.
Ce cycle de 16 courts poèmes décrit les impressions du patineur sur plusieurs lacs glacés.
Bien sûr, il y a le style de l'auteur, impeccable, mais bon, le style sans le sujet, c'est plutôt bof à mes yeux.
Tandis qu'ici, il y a de l'action immédiate, une expérience de vie pas ordinaire. Et en plus, il ne s'agit pas de patinage dans une patinoire, un endroit clos, urbain, moche. Il s'agit de la nature en hiver. Il s'agit de quelque chose d'intimidant et qui attire en même temps.
On est dans la vraie sauvagerie, décrite avec urbanité, d'autant plus que le risque existe (pas celui de l'entrepreneur !), qu'il est essentiel celui-là, car la glace peut toujours craquer et engloutir son patineur.

Extrait de "Nord, seul point cardinal", d'Emmanuel Merle :
"9
Ramper sur la glace. Le serpent n'a pas
de membres, et sur le lac gelé
son ondulation est impuissante. Rien
n'est à contourner, même la ligne droite
n'existe plus. Au loin, toujours
plus inaccessible, le monde : arbres,
montagnes, routes, amers bienveillants.
Mais le lac gelé : la paupière et l'écaille, mortes".

Je précise que les couvertures des exemplaires de ce Pré carré sont toutes des originaux de l'auteur.

Pour en savoir plus sur "Nord, seul point cardinal", d'Emmanuel Merle, vendu au prix de 12 € port compris, contact : http://precarrediteur.fr/

"Café Peran", de Guillaume Decourt


"Café Peran" est une plaquette de poèmes de Guillaume Decourt, que vient de publier "Les presses du vide", un éditeur que je ne connaissais pas.
Je n'aime pas trop ce terme de plaquette, car il fait un peu hôpital, mais pour le coup, il me semble approprié, sans que cela soit péjoratif.
En effet, "Café Peran" ne comprend que dix courtes proses poétiques, et se présente sous un format très sobre, avec juste ce qu'il faut (couleur blanche, format allongé, de 10,5 cms sur 19,7 cms).
Si "Café Peran" est un texte court, c'est qu'il n'y a pas besoin de beaucoup de pages pour inscrire une ambiance quand on est un bon pèlerin des mots.
L'auteur est à Athènes et décrit avec quelques détails bien sentis ce qui se passe dans la rue ou juste à côté, en ce moment historique (année 2015, sans doute) pour une certaine pratique de la démocratie, lorsque la Grèce est forcée par l'Europe à accepter un nouveau serrage de ceinture social.
Eh bien, pendant ce temps-là, la vie continue dans la même ambiance, quelques possibilités de jouissance persistant. Voilà ce que traduit Guillaume Decourt avec sobriété et un zeste d'ironie aussi, je crois :
"Des officiers de la marine marchande flânent dans la rue Filis. On pousse des portes cloutées. Des filles de l'Est se vendent pour le prix d'un croque-monsieur place de la Sorbonne. Il est toujours question d'une sortie de l'Europe".
Pour en savoir plus sur "Café Peran", de Guillaume Decourt, vendu au prix de 3 €, contact : http://pressesduvide.blogspot.fr/

dimanche 22 mai 2016

"Ce qui berce ce qui bruisse", de Jean-Claude Goiri


Publié par Vincent Rougier Editions dans la collection Ficelle, cet opus 125 de la collection sort vraiment de l'ordinaire.

"Ce qui berce ce qui bruisse" de Jean-Claude Goiri est plein de lyrisme et cela tombe bien, car je suis de ceux qui trouvent que l'on en a toujours besoin. Après, bien sûr, tout dépend comment il est cuisiné. Ici, il l'est fort bien et surtout, avec naturel.

La première partie du recueil ("Ce qui berce") commence le matin et l'on sent que le poète va prendre son envol. De fait, le mouvement ne manque pas dans ces séquences en prose. Le mouvement d'un voyage idéal. Le lecteur comprend vite que ce voyage, le poète le fait dans sa tête et du coup, il va plus vite que s'il se déplaçait vraiment. Ce voyage n'a pas taille humaine, et pour cause, il brasse les espérances de toute l'espèce humaine. Si ce périple pourrait être résumé d’une image, il se ferait dans les ailes d'un oiseau migrateur, et surtout sans kérosène et soute à bagages ou à clandestins.

Extrait de "Ce qui berce" :

"Déraciner ces baisers ancrés sur tes lèvres et en planter un tout neuf pour que ça dure, mordre tes tympans de mots si surprenants qu'ils épuisent ta fatigue pour que ça dure vraiment, démembrer chacun de tes rêves et trouver la place que tu m'y accordes pour que ça dure vraiment beaucoup, ne plus savoir où te perdre et te trouver tout le temps partout même les murs défoncés et les portes grandes ouvertes pour que ça dure vraiment beaucoup dans les courants d'air, ne pas oublier d'"teindre le feu au baisser des paupières afin d'en aviver un chaque matin avec nos étincelles pour que ça dure vraiment beaucoup dans les courants d'air la braise, ne plus penser en toi mais penser en nous pour que ça dure vraiment beaucoup dans les courants d'air la braise quand nous nous parcourons".

La deuxième partie du recueil ("Ce qui bruisse") est davantage ramassée dans son écriture. Les proses font place à de courts poèmes en vers, dans lesquels on peut entendre, en tendant l'oreille, ce qui bruisse. Bien plus que la langue, rassurez-vous. Sauf que les jeux de mots suggèrent le mouvement des sens.

Extrait de "Ce qui bruisse" :

"partout ça prend ça plisse
cheminant fort le corps
de l'eau à l'air ça passe
du dedans au dehors
partout ça pousse ça tendre

la chambre est longue et pourtant
ta chair neuve l'a emplie
bout de nous parmi moi
depuis ce temps que tu es né."

Les gravures (dont celle de la couverture) sont de Claire Illouz.

Pour en savoir plus sur "Ce qui berce Ce qui bruisse", de Jean-Claude Goiri,, qui est vendu au prix de 9 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur Vincent Rougier : http://rougier-atelier.com/

dimanche 15 mai 2016

"Pardon my French", de Frédérick Houdaer

Publié aux éditions Les Carnets du Dessert de Lune", "Pardon my french" de Frédérick Houdaer est bien le recueil d'un romancier, même noir, car il raconte des histoires. Vraies ou fausses, peu importe!

Quand un poème commence, on ne sait pas très bien comment il va finir, et c'est ça qui m'amuse. C'est tout particulièrement vrai dans le long poème, intitulé "Officiel", que je vous laisse le soin de découvrir, si vous êtes un peu curieux !

Parfois aussi, l'histoire, plus courte, fait mouche immédiatement.

Par exemple, dans "Interlude" :
"deux frères
un laid
un beau
le premier ressemble à ses parents
pas le second
le laid fichera le patrimoine familial
en l'air
le beau se sacrifiera
en essayant de sauver les meubles
il finira écrasé
par une armoire normande"

L'autre aspect amusant de "Pardon my French", c'est lorsque Frédérick Houdaer parle de l'univers des écrivains (festivals, ateliers d'écriture), de ceux qui croient un peu trop à leur pouvoir. C'est bien un peu moqueur sans être pour autant méchant, car après tout, peut-être vaut-il mieux y croire...

Par exemple dans "Ce que je sais de quelques poètes" :

"ils ne convoiteront jamais la femme de leur prochain
ils ne tueront jamais leur prochain
pas plus qu'ils ne se sacrifieront pour lui
ils sont capables d'un certain goût
mais ne croient pas en l'existence du diable
je leur souhaite une belle carrière
à animer des ateliers d'écriture
avec un peu de chance
ils ne finiront pas complètement pauvres
et feront de vieux os"

Pour en savoir plus sur "Pardon my French", de Frédérick Houdaer (avec une illustration de couverture de Philippe Houdaer), qui est vendu au prix de 12 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur, http://www.dessertdelune.be/

"Il faudra bien du temps", de Thierry Radière

"Il faudra bien du temps", de Thierry Radière, publié dans la collection Polder de la revue Décharge, est l'un de mes deux ou trois textes préférés de l'auteur.

Cette fois-ci, Thierry Radière change de style d'écriture, délaissant les poèmes en vers denses, bourrés d'enjambements, pour une forme plus concentrée, des poèmes plus courts, mais tout aussi efficaces.

En effet, ces textes sont remplis d'images qui surprennent le lecteur par la rapidité avec laquelle elles s'imposent à lui, et c'est bien là ce qui me plait le plus. Il ne s'agit pas que d'instants du quotidien. Rêves et réalité font bon ménage comme rarement. Cela donne de l'espoir au lecteur qui commencerait à désespérer d'un monde trop ordinaire.

Extrait de "Il faudra bien du temps", le poème qui donne son titre au recueil :

"il faudra bien du temps
de la solitude en barre
et des sourires forcés
pour se faire un peu accepter
les chaises sont là
pour les culs chauds
déjà assis même debout :
ils tremblent
se craquent
bougent
à la moindre vague
le navire est une poussette
emportée par les rêves
d'enfant
l'arrivée au port
est un garage
où l'on boit du matin au soir
de la petite mer
servie dans de grands verres"

Je vous laisse déguster l'image du navire et si vous souhaitez en savoir plus sur ce recueil, vendu au prix de 6 €, contact : http://www.dechargelarevue.com/-La-collection-Polder-.html

Je précise que l'illustration de couverture est de Valérie Mailland.

"Pleines lucarnes", de François-Xavier Farine et Thierry Roquet

"Pleines lucarnes", édité par "Gros textes", est un recueil de textes courts écrits par François-Xavier Farine et Thierry Roquet sur le thème du football, excusez du peu, préfacé par Jean-Michel Larqué, ancien footballeur et journaliste sportif.

Il s'agit de suites de souvenirs, associés étroitement à la jeunesse des deux auteurs, alors qu'ils s'entraînaient à ce sport et supportaient leur club préféré (de Lille et de Nantes).

La première mi-temps, de François-Xavier Farine, est intitulée "Ne quitte pas le ballon des yeux". Et la deuxième mi-temps : "Banlieue de Nantes", de Thierry Roquet.

Est-ce l'époque qui a changé ou le passé qui embellit tout ? Sûrement un peu des deux. Mais à aucun moment dans ce livre, le football n'apparaît comme étant une histoire de fric.

Et pourtant, il y a beaucoup d'images venues de joueurs ou d'équipes professionnels, des images poétiques (car le sport peut être aussi poésie, je peux en témoigner), de celles qui font rêver pendant longtemps.

Et puis il y a aussi quelques désillusions qui prouvent que l'on est devenu adulte, et qui contribuent au fait que l'on devient poète...

Mais le souvenir reste et c'est sans doute le plus important.

"Pleines lucarnes" est un livre d'ambiance footballistique dans lequel ces sentiments mêlés, souvenirs d'une génération qui est aussi la mienne, douce musique nostalgique qui persiste à se faire entendre...

Extrait de "Pleines lucarnes" :

"Fives "mythique" de François-Xavier Farines :

"Il est revenu à Fives, près du stade Ballet. Un quartier populaire au taux de chômage record.
Là où son frère éveilla en lui la poésie de l'exploit sportif, en dribblant avec un ballon, trente ans auparavant.
Il longe les filatures et les usines abandonnées...
Plus jeune, il avait été aveugle à cette misère-là ?
Où vivait-il ? De ce quartier, il n'avait vu que le terrain de foot, la rue Pierre Legrand, ses deux boutiques de sport et de fringues...
"Tout bonheur est-il toujours une innocence ?""

Et "Le prince de l'élégance" de Thierry Roquet :

"Vêtu de son maillot d'Anderlecht ou de celui des Pays-Bas, il est l'élégance même : Robbie Rensenbrink. Pas le plus connu des Oranje. J'ai son poster dans ma chambre. J'envie sa beauté gestuelle, sa frappe de balle, précise et puissante. Des jambes de cristal, ce Robbie ! Quand mon père me regarde jouer sur le terrain des Pupilles, je me demande s'il voit tous les efforts que je fais pour m'incarner en Robbie Rensenbrink... ou s'il s'en fout complètement ?"

Pour en savoir plus sur "Pleines lucarnes", vendu au prix de 9 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://sites.google.com/site/grostextes/

L'illustration de couverture est de Maxime Dujardin, dont voici le lien du blog : http://www.dujardindrawings.blogspot.fr/