mardi 28 juin 2016

« Boule à facettes », de Cédric Bernard

Édité par « Derrière la salle de bains », ce très court texte de Cédric Bernard est une réussite stylistique.

A travers l'image de la boule à facettes, l'auteur évoque la promiscuité des corps, qui se cherchent les uns les autres dans un espace restreint.

D'ailleurs, le terme de boules renvoie tout particulièrement aux testicules des messieurs !

Il y a si peu de place entre les corps que les mots ont tendance à se chevaucher entre eux, provoquant des élisions.

En voici un extrait :

« Nous portons de trouver de chercher voulons traverser les facettes les reflets les mises abîmées de nos paires de boules à facettes portées entre les cuisses tenues dans nos cages tournantes dans nos têtes. Nous rentrons dans les coins d'ombre des autres suivons leurs rais ancrés éclairons à la lumière de leurs recoins démettons nos mains nos yeux en avant. A agripper des encres familières. »

La photographie de couverture est de Marie-Laure Dagoit.

Pour en savoir plus sur "Boules à facettes" de Cédric Bernard, vendu au prix de 6 €, contact auprès de l'auteur : lesmotsdesmarees@gmail.com

"Brumes industrielles" de Yann Dupont


Comme son titre l'indique, ce premier recueil de poèmes de Yann Dupont, édité par Hugues Facorat Édition, évoque les ambiances industrielles. Sauf que ce terme est à prendre au sens large. Ce qui est industriel, ce n'est pas que l'usine, mais les abords des voies de communication, et la ville aussi, et notamment ses chantiers à ciel ouvert, qui peuvent servir de repaires pour des arbres isolés et donc pour les oiseaux.

Tout de même, le lecteur observe dans ces « Brumes industrielles » une persistance du port d'attache de l'auteur, en l’occurrence, Le Havre. Avec cette histoire traditionnelle des marins perdus sur la terre ferme et des putains qui sont là pour les accueillir.

Il n'y a cependant aucune tristesse dans ces pages. Les acteurs fantomatiques de ces brumes ne sont jamais perdus. Car justement, ils se confondent facilement avec les objets qui leur servent de support.

Par exemple dans ce poème :

            « Il y a des paquebots dans la ville aux allures de
putain
            La corne de brume et la lumière du phare n'y
peuvent rien
            Son fard a coulé depuis longtemps
            La guerre
            Aujourd'hui elle a la gueule d'un matin gris

            Le soir venu elle parade dans la brume et la nuit
            Les immeubles s'écartent sur le quai les paquebots
déchargent
            D'une giclée leurs passagers »
           
L'autre caractéristique importante de ces « Brumes industrielles » est la musicalité des textes qui composent le recueil. Cela se voit surtout lorsque les poèmes sont courts :

            « La rue des livres aux passants une bise des maux les délivre une brise la rue des mots passants sur leurs lèvres cerises aux vers ivres dépose un baiser de liberté »

Ou encore :

            « L'arbre de métal rouillé aux branches articulées
déambule les soirs de lune
            Sous un porche esseulé il embrasse un lampadaire
dans le galbe de l'ampoule »

On trouve aussi parfois la poésie des instants "à usage unique" :

« Il s'assoit dans l'urinoir Montparnasse
Le train va entrer en gare »

En résumé, « Brumes industrielles » est un texte de réhabilitation des ambiances urbaines qui fonctionne bien.

J’ajoute pour finir que l'illustration de couverture est de Pierre Lenoir Vaquero.

Si vous souhaitez en savoir sur ce recueil, qui est vendu au prix de 10 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur, Hugues Facorat Édition : http://www.hfedition.com 

samedi 25 juin 2016

« Les heures grecques », de Guillaume Decourt



« Les heures grecques », publié par les Éditions Lanskine, est résolument le livre d'une forme poétique. C'est du moins ce qui saute d'abord aux yeux du lecteur, quand il ouvre ces pages. Car ici, Guillaume Decourt pratique le 10 X 10 : entendez par là, le dizain découpé en vers de 10 pieds chacun, toujours rimés, du moins assonancés.

Ainsi, « Les heures grecques » renoue en partie avec la forme régulière de « La termitière », premier des recueils de poèmes édité de l'auteur.
Sauf qu'ici, le contexte est très différent, car beaucoup plus circonstancié. Il s'agit pour Guillaume Decourt de décrire ses « Heures grecques », à travers sa relation d'amour avec une femme grecque, nommée Vicky.
Le voilà donc à la fois touriste et habitant de la Grèce.

Dans ces poèmes d'ambiance (dans le bon sens du terme, pas dans celui de la musique de supermarché), le lecteur sent que l'auteur est à la fois dedans, et surtout dehors. En effet, le ton général est celui du détachement serein, quand ce n'est pas, parfois, celui de l’humour. Le bonheur est dans ces instants vécus là-bas au présent.

L'écriture, parfaitement maîtrisée, se caractérise par l'emploi régulier, sans être systématique, de mots rares, et tout particulièrement, issus de la langue grecque, ainsi que par le recours à quelques enjambements (de vers à vers).

Bref, « Les heures grecques » se lit avec plaisir, celui de l'esprit rejoignant celui de la sensualité (voire plus !) des scènes décrites.

Extrait de « Les heures grecques » :

« Île

Je connais certaines plages désertes
Où l'on peut s'ébattre nu sur le sable
La femme timide y devient diserte
Et l'amant le plus fougueux harassable
Il se trouve que Vicky n'aime guère
Qu'on tente de la saillir en plein air
Mes criques ne nous sont d'aucun secours
Au mieux je l'aimerai sur la Kliné
Mais après le symposion on encourt
La peine d'une érection inclinée »


Si vous souhaitez en savoir plus sur « Les heures grecques », de Guillaume Decourt, dont le prix est de 12 €, rendez-vous sur le site de l’éditeur, Lanskine : http://www.editions-lanskine.fr/livre/les-heures-grecques

lundi 20 juin 2016

« Cahier d'Argentine », de Pierre Andréani

« Cahier d'Argentine » de Pierre Andréani, qui vient d'être publié par les éditions du Port d'Attache (basées à Marseille), constitue, comme son titre l'indique, la relation d'un voyage effectué en Argentine par l'auteur en 2011.

Dans ce recueil, et comme le confirme Pierre Andréani dans sa postface, c'est la poésie qui sauve le voyage, du moins l'inscrit dans une durée qui dépasse ce simple déplacement physique, assez facile à effectuer aujourd'hui.

Bien sûr, les conditions de vie sont plus approximatives en Argentine qu'en Europe.

Mais pour qui est armé d'une carte bancaire, comme l'explique l'auteur, tout devient possible, c'est à dire finalement pas grand chose.

A moins d'aller chercher là-bas des apparitions. Les grands écrivains qui ont marqué de leur trace une ville, par exemple Borges à Buenos Aires, constituent des intercesseurs de poids.

Mais il faut aller plus loin, y ajouter ses visions personnelles et actuelles, nées de rencontres de préférence imprévisibles.

Pierre Andréani s'y emploie dans chaque ville d’Argentine qu'il traverse. Il n'a même pas besoin de rentrer en communication avec d'autres personnes pour déployer ces visions. Bien au contraire. La magie qui transforme la réalité en vision naît de quelques images disséminées par ci par là, mais également de la description d'ensembles hétéroclites, reflet de la diversité (in)humaine.

Tels cet orage vécu dans un immeuble vertigineux, ou ce fantasme de possession physique d'une femme qui couche à côté de lui...

Extrait de "Cahier d'Argentine", ce fragment ci-après :

"Rosario, mai 2011. Grand ciel blond, grand ciel rouge. Lune énorme. Où que le regard se porte : moineaux. Les lampions de la fête scintillent calmement, on croirait voir un bateau dériver loin derrière. Car la rivière est noire, de tissu, de velours noir et calme. Est-il possible de rêver pareille scène sans l'avoir effectivement vécue ? Fiesta de Colectividades. Petits mondes d'argile sur les étals aux couleurs de sous-bois. Sacs d'herbe, teintures, de tous les côtés je vois s'activer une si agréable engeance, si touchante, que mon cœur allégé s'y retrouve".

L’illustration de couverture est d'Anouchka Wood.

Pour en savoir plus sur « Cahier d'Argentine », de Pierre Andréani, vendu au prix de 4,50 €contact sur le blog de l'éditeur : http://editionsduportdattache.over-blog.com/

« Simplesses », de Jean-Marie Alfroy


« Simplesses », qui est édité aujourd'hui par « Encres vives », dans la collection Encres blanches, est l'un des rares recueils de poèmes publiés par Jean-Marie Alfroy, romancier d'abord publié chez... Gallimard et aujourd'hui rédacteur en chef de la revue « Cahiers de la rue Ventura ».

Il y a beaucoup de couleurs dans ces poèmes mêlant paysages, époques et ambiances différentes.

Comme le résumé en accéléré d'une vie, parsemé d'auto-dérision.

Il y a aussi beaucoup de puissance dans cette succession de courts poèmes en vers libres, mais volontiers plus longs que des alexandrins, fait assez rare pour être signalé.

Enfin, c'est le mouvement qui caractérise ces textes. On y retrouve un peu de l'imagerie américaine, celle des Beatniks et du jazz (ou du blues).

Cependant, ces influences sont intégrées dans notre bonne vieille province de France, qui a son charme, parce qu'hétéroclite.

D'ailleurs, pourquoi s'étonnerait-on de la variété de ces poèmes, quand les devantures de nos magasins empruntent à tout ce qui est à la mode dans les images ?

Au final, ce qui transparaît dans « Simplesses », comme dans beaucoup de poésies, malgré l’humour, c'est le regret des choses ou êtres qui sont partis.

Extraits de « Simplesses » :

« C'était comme un exode au volant d'une Peugeot noire.
La nationale fendait les départements mieux qu'un sabre
et nous roulions au son des wah-you-do-you-ah. »

***

« la ville est lasse d'avoir tant travaillé pour le roi de Prusse.
Ses toits se creusent et pèlent comme des épaules brûlées par des soleils mal invités.
Ses trottoirs s'effondrent sous les pas incertains d'ivrognes plus honteux que des douairières oublieuses du code de leur coffre. »

***

« Vous êtes les sœurs lentes qui cheminez sous les ombrages,
pensives comme ce bétail que vous ignorez superbement.
Sans remords ni haine, fières comme des déesses ,
vous souriez à des anges sans ailes ni motocyclettes.
Vous n'êtes pas si belles que sur vos photos,
mais tellement plus archaïques.
Ça rassure. »

L'illustration de couverture est également de Jean-Marie Alfroy.

Pour en savoir plus sur « Simplesses », de Jean-Marie Alfroy, qui est vendu au prix de 6,10 €, rendez-vous sur le site de son éditeur : http://encresvives.wix.com/michelcosem

jeudi 16 juin 2016

« Le plein des sens », de Salvatore Sanfilippo


Publié par « Voix Tissées éditions », « Le plein des sens » est un joli recueil de poèmes sur papier glacé, qui comporte des illustrations (figuratives) de Chrisal, dont les couleurs pastel se marient à merveille à la teinte du papier.

Quant aux poèmes de Salvatore Sanfilippo, j'ai eu l'occasion d'en publier plusieurs dans le poézine « Traction-brabant », d'autres poèmes extraits de ce recueil ayant été publiés dans d'autres revues, ce qui est signalé en fin de volume (merci à l'auteur et à l'éditeur d'avoir pensé à ce genre de "détails" !).

Derrière les jeux de mots et l'humour évident de ces poèmes, qui ne s’embarrassent pas de prétention, je ressens aussi un soupçon d’incompréhension pour un monde moderne, en hommes et en objets, qui semble manquer d'humanité.

Et puis cette douceur, trompeuse.

Extrait de « Le plein des sens » « Je l'attends » :

« Je l'attends celle qui va m'emporter
Me prendre dans ses bras
Celle qui va mes signifier
Que le grand jour est arrivé
Alors je serai comme soulagé
Apaisé
Je l'ai tant attendue
Tous ces jours d'ennui
A guetter sa venue
Ces jours qui s'étiraient à l'infini
A regarder par la fenêtre
A essayer de la reconnaître
Dans chaque frémissement
Dans chaque ombre fugace
Je lui dirai en souriant
La tête sur son épaule
Que ça fait longtemps que je l'attends
Que je n'ai attendu qu'elle
Il me semble
Et que je suis prêt à la suivre

La fausse soyeuse »

Pour en savoir plus sur « Le plein des sens », vendu au prix de 12 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.voixtissees.com 

mercredi 15 juin 2016

« Prés poèmes et pommes », de Thierry Le Pennec


Ce court recueil, composé d'une vingtaine de poèmes, dernier né des éditions Potentille, me rappelle des souvenirs.
C'est comme si j'y étais, à vrai dire, plus de vingt ans en arrière, en train de cueillir des pommes à la fin de l'été, avant d'en remplir des caisses (pallox).
Dans « prés poèmes et pommes », Thierry Le Pennec évoque ce travail-là, en tant qu'exploitant d'une terre, depuis la récolte des pommes jusqu'à leur vente (directe).
Mais attention, il n'en parle pas comme un patron parlerait d'une possession qui ne lui échapperait pas. 
Car dans la culture, tout est affaire de climat, de saisons, et les récoltes varient selon les années. Mieux vaut donc toujours rester humble avec la terre. Et puis, cette dernière nous enseigne à comprendre que nous ne sommes pas éternels.
Dans ces courts poèmes, sauf exceptions écrits en vers, et qui comportent souvent des vers décalés, je ressens le plaisir du geste bien fait, parcimonieux, comme du mot juste, et en même temps, ce qui résiste, peut blesser, écharde comme matière lourde à porter. 
Le parallèle entre l'écriture du poème et la culture est naturel, mais n'est exprimé par chance qu'une seule fois, au tout début. Car écriture et culture sont deux choses bien différentes l'une de l'autre, l'écriture étant, malgré tout, une facilité, ne serait-ce que d'un point de vue purement physique :
« dans l'amitié des bêtes et des plantes »

et ça dure et ça tire
en longueur les heures
qu'on passe à
serrer des fruits à la fin
d'un automne et dans l'odeur
des feuilles mes gouttes
continûment aux bottes
lourdes du soir au matin
tintin ça repasse
comme un disque rayé
tournant sur la platine du ciel,
étourneaux ».

A signaler également les titres des poèmes, pas du tout classiques, et même plutôt déconnants : « prod », « Ash Ra Temple », « au taquet », « 1991 », « flux, faix, concaténations » etc.

Et en guise d’extraits, le seul poème du recueil qui semble n'avoir pas besoin de titre :

« en le plus infime
des gestes celui
de détacher un fruit
de son pédoncule que ne suis-je en cet état toujours
Agissant dans le cosmos d'un champ
sous son ciel labouré de mille et un vents »

A qui le dis-tu !

Le dessin de couverture est de Benoit Le Pennec.

Pour vous procurer « Près poèmes et pommes », de Thierry Le Pennec, vendu au prix de 8 €, contact (chez l'éditeur) : http://potentille.jimdo.com/

« Boomerang » de Rémi Checchetto


J'aime beaucoup ce texte de Rémi Chechetto, intitulé « Boomerang », qui vient d'être édité par les éditions Potentille.
Pour une fois, il est ouvertement question de pessimisme en poésie, de cette prédestination qui fait que si quelque chose va bien, cela ne durera pas. D'ailleurs, il ne s'agit pas de pessimisme, mais de réalisme.
Voilà donc l'image du boomerang.
Il y a aussi et surtout dans cet objet, qui est image, la certitude que rien ne reste immobile, et même que tout a tendance à aller vers le bas.
Bien sûr, le refus ici s’exprime, l'envie de quelque chose de plus serein, l'envie même d'en découdre avec ce tigre de papier, ce boomerang. En vain, bien sûr. Ne reste de tous ces ébats que la tourmente.
D'ailleurs, l'écriture de Rémi Chechetto, elle aussi, épouse la trajectoire du boomerang.
Mi-prose, mi-vers, elle passe de l'un à l'autre et vice-versa instantanément, sans que la coupure ne se ressente.
Extrait de « Boomerang » :
« c’est matin je pars alors que le soleil se lève, à peine est-il monté qu'il redescend ne laissant que du noir ; noir froid, calamiteux, toxique, noir collant et étouffant comme suie / goudron / rendez-vous des chasseurs / des clameurs / vie en mille morceaux
et ce qui n'est pas en dehors moi
les arbres de ce printemps brillent, le jardin est là, le vert et jaune et courbe, il est toujours le rendez-vous des oiseaux
c'est en moi
donc
que s'est couché le soleil
c'est mon soleil
donc
qui s'en est allé de moi

et j’aurai beau tendre les mains en avant
beau élever l'intelligible comme garde-fou
je ne pourrai ni éviter le noir ni ne pas le heurter
il sera toujours plus aigu
tandis que déjà il me défait à l'intérieur »

L'illustration de couverture est de Samuel Buckman.

Pour vous procurer « Boomerang », de Rémi Chechetto, vendu au prix de 8 €, contact (chez l'éditeur) : http://potentille.jimdo.com/

« Ta vigne à sang », de Christophe Sanchez



« Ta vigne à sang », de Christophe Sanchez est publié dans un supplément à la revue « Festival permanent des mots » (animée par Jean-Claude Goiri), intitulé "Billet".

L'occasion déjà de signaler le bel aspect de ces huit pages oranges joliment cousues et armées de leur logo.

Et pour en dire un peu plus sur « Ta vigne à sang », ce court poème est une sorte de choral à deux voix.

D'un côté, l'âpreté du présent de la vigne, difficile à cultiver, entre vertige et chute, ce qui est rendu dans une prose dense dont le début est repris une deuxième fois, avec une légère variation.
La voilà, cette prose :
"Aux coteaux longs, d'escarpe en escarpe, il faut gravir jusqu'à la cime et redescendre sur les talons. La terre est sèche et dure, est séchée et durcie par le temps qui, ici, s'est arrêté aux portes d'un ciel brun, souillé de la boue qui dévale sans jamais s'accrocher aux piquets des ceps. Tu y viens à deux tirer la récolte de la pente. Deux pas en avant, deux pas en arrière. L'équilibre est précaire, la cordée pauvre. Personne ne veut, ne peut rester ici. C'est un paysage de montagne au dévers diabolique. La température tombe, l'air se raréfie et happe vers le bas les plus téméraires paysans. Tu les tailles à ras. Tu y tires les cheveux en pleurs. Tu la traites au souffre lourd de plomb et de cuivre. Tu peignes ses loques pour la rendre belle aux yeux de Dionysos, dieu tenu pour diable au regard de ton vin occis".
De l'autre, le lyrisme du vin bu en souvenir de celui de qui la terre est héritée, à travers des vers presque réguliers.

Bref, un beau poème, parce que véhément.

Pour en savoir sur « Ta vigne à sang », vendu au prix de 2 €, contact de l'éditeur : http://fepemos.com

mardi 14 juin 2016

"Pensée en herbe du XXIè siècle" (aphorismes de collégiens)



Ce volume publié par les éditions Corps Puce dans la collection Textes en main, regroupe des aphorismes écrits par des collégiens (classes de 6e, 5e et 3e) du quartier de la Goutte d'Or (18e arrondissement) à Paris, lors d'un atelier d'écriture impulsé par Tristan Felix, professeur et auteur ayant publié par ailleurs plusieurs livres.

Ici, la fonction d’apprentissage de la langue française est évidente. Mais cela va plus loin qu'un simple exercice.

Car ce travail de réflexion par l'écriture sera peut-être l'étincelle qui contribuera à la réussite de ces élèves (au-delà des apparences matérielles) et à leur insertion dans la cité, pour le bonheur d'un plus grand nombre qu'eux-mêmes.

D'ailleurs, les étincelles existent déjà. Et je tiens les aphorismes publiés ici pour meilleurs parfois que s'ils avaient été écrits par un ou plusieurs écrivains remplis d'expérience.

En effet, au détour d'une phrase, l'inattendu du bon sens exprimé guette le lecteur :

« Le pauvre est condamné pour pauvreté. »

« L'obstacle, valeur de mon désir. »

« Comprends-tu ton chien ?
En tout cas, lui ne te comprend pas. »

« L'ivresse est l'éloquence de mes désirs ».

« La vie est une fleur
qui se fane sous le coup de la peur. »

« Nous ne sommes qu'une bande de vieux singes dans le zoo de la pauvreté. »

« La vieille star plastifiée est un monstre de beauté. »

Pas mal, hein ? Qui a dit que l'écriture était une histoire de têtes couronnées ? Nombre d'adultes, peut-être...

Le lecteur trouvera également en milieu de volume, une série d'autoportraits à l'encre de chine réalisés par des élèves en Dispositif de Socialisation et d'Apprentissage.

Pour en savoir plus sur cette « Pensée en herbe du XXIe siècle », livre vendu au prix de 10 €, contact (sur le site de l'éditeur) : http://www.corps-puce.org/ 

mercredi 1 juin 2016

"Souffler sur le vent", d'Albane Gellé


Les poèmes de "Souffler sur le vent" d'Albane Gellé, édités par la Dragonne, valent par la dose d'imprévus qu'ils véhiculent. Ici règne la valse des objets et des animaux domestiques (ou pas). J'en veux pour preuve la variété des mots les nommant. Bref, c'est plus qu'une vie de famille. Car si bien des choses existent dans ce monde, il peut également s'y trouver des choses qui n'existent pas là où elles sont censées être, à part bien sûr, dans la tête du poète.

Alors, sans doute que les objets protègent, mais moi je ne vois pas de mal à ça. En filigrane, apparaît, comme planqué derrière l'absence de ponctuations, un assez grand nombre de questionnements qui ont trait par exemple au rapport avec l'autre. A une soif de connaissance aussi, nourrie par cette illusion sans cesse recommencée de vouloir enfin comprendre le mystère de ce qui nous entoure.

Le lecteur de « Souffler sur le vent », s'il a une vision rapide de ce qu'il voit dans ces poèmes, goûtera sans aucun doute ce livre bourré d'inventions et de raccourcis saisissants, par dessus-tout porteur de naturelle liberté.

Extrait de « Souffler sur le vent », ce poème, parmi d'autres :

« sans partir loin j'escalade quelques dunes,
et oublie de régler les horloges du couloir
puisqu'il n'y a ni horloge, ni couloir

tes yeux d'antilope posent sur les jours
de nouvelles promenades, je m'affole
parmi des dates d'anniversaire, des couvertures,
j'additionne et je plie, en trois, en cinq, je déplie

je vais, étirée et fourbue, songeant aux lignes d'arrivée,
tu m'accompagnes
plus tard un jour, je ferai à mes tourments des au revoir
de mère, soleil sur neige

nous sommes des ponts, épaules larges
avec des devises de héros des tabliers,
grattant nos piqûres de moustiques sur une peau
profonde et fine »

L'illustration de couverture est de Patricia Cartereau.

Pour en savoir plus sur « Souffler sur le vent », vendu au prix de 13,50 €, contact :  http://www.editionsladragonne.com