jeudi 29 décembre 2016

« Le ciel du dessous », de Jean Azarel


Publié dans la collection « Sur le billot » des éditions « La Boucherie littéraire », « Le ciel du dessous » est un beau texte de Jean Azarel, qu'il convient toutefois de relire pour mieux le saisir.

Inspiré, selon les termes de l'auteur de la saga de Kerstin Ekman, « Les brigands de la forêt de Skule », « Le ciel du dessous » est également un remake à l'envers de « la Divine comédie » de Dante.

Quand je dis remake, ce n'est pas vraiment ça. Les morts-vivants dont parle Jean Azarel ne sont pas des personnages identifiables, contrairement à ce qui se passe dans le poème de Dante.

Quand je dis à l'envers, c'est parce que l'on commence par « le ciel du dessus », pour continuer par « le ciel du milieu » et pour finir par « Le ciel du dessous ». Donc, ici, on passe du paradis au purgatoire, avant de finir par l'enfer.

De plus, le ciel de Jean Azarel n'est pas très religieux. C'est plutôt l'inverse. Même le paradis est sensuel, et les vivants sont surtout des vivantes, voire, une vivante.

Et l'enfer du ciel du dessous – mais est-ce lui, justement ? - sert d'aboutissement à ce voyage en plusieurs dimensions.

Les poèmes qui composent « Le ciel du dessous » sont courts (10 vers maximum), leurs vers également et s'ils n'ont pas de formes préconçues, leur gabarit général est toujours à peu près le même.

D'ailleurs, tous ces poèmes disent le bonheur de la jouissance dans l'instant, avec un brin d'exubérance surréaliste, caractéristique du style de leur auteur.

Extrait de « le ciel du dessous » :

« Veines de ton gouffre
scarifié par l'entre-deux,
la blancheur sacrificielle
de tes fesses nues,
une maison bombée de granite
jaunie par les genêts,
que la main secourable
de l’innommé
a poudrée d'or. »

Pour en savoir plus sur « Le ciel du dessous », de Jean Azarel, qui est vendu au prix de 12 €, vous pouvez aller rendre visite au site de son éditeur : http://laboucherielitteraire.eklablog.fr/

Ce livre est disponible sur commande dans toutes les bonnes librairies de France et de Navarre.

mercredi 28 décembre 2016

« Monodies », de Stéphane Branger et Marc-Albéric Lestage


Une fois n'est pas coutume. Je chronique ici un document sonore, et plus exactement un EP : un CD audio d'une durée d'environ une demi-heure, qui est composé de 5 titres, intitulé « Monodies ».

Stéphane Branger et Marc-Albéric Lestage, les auteurs des textes, et Marc-Albéric Lestage, aux instruments (piano-jouet, flûte bulgare (kaval) et basse), se partagent la voix et les sons.

Sur chaque plage de ce CD, les textes sont dits et non pas chantés, les sons se chargeant de créer une ambiance sonore, parfois répétitive.

J'ai personnellement beaucoup aimé le ton détaché avec lequel est analysée l'influence qu'exercent sur notre pensée les lieux que nous traversons.

Bien sûr, l'opposition est forte entre ville et campagne et c'est ce passage de l'une à l'autre ambiance qui est ici décrit, notamment dans « Cimes et sommets ».

J'ai beaucoup aimé également l'analyse de nature sociologique qui est faite dans « Centre-ville » de la nature des déplacements dans l'espace.

Cette apparente objectivité n'empêche pas la poésie d'exister, sauf qu'elle en sort comme décapée de trop habituelles mièvreries sur la nature (surtout dans l'esprit du « grand » public).

À signaler la qualité de l'enregistrement et la finesse des effets sonores qui contribuent au parfait équilibre entre son et voix.

Pour en savoir plus sur « Monodies » de Stéphane Branger et Marc-Albéric Lestage, qui est vendu au prix de 5 € (pour la vente physique, et 4 € pour la vente numérique sur le site suivant: https://marcalbericlestage.bandcamp.com), plus d'informations sur http://www.monodies.tumblr.com

« A huit et la petite foule » suivi de « Chanson pour hautbois » de Christian Degoutte

Publiés par les éditions « La Porte », ces deux groupes de quelques poèmes sont assez énigmatiques.

Dans ces deux courts ensembles, les instruments de musique servent de média pour évoquer le nombre de personnes, des petites foules, pour emprunter le terme à leur auteur.

Dans « A huit et la petite foule », les instruments (au nombre de huit pour un octuor) permettent de blasonner des parties du corps des instrumentistes, tel le pied de l'altiste, la nuque de la clarinettiste.

Également évocation d'une forme poétique ancienne, après le blason, « Chanson pour hautbois » rappelle la ballade, en même temps que la musique, omniprésente, car elle finit par un envoi.

Dans ces poèmes, que je préfère à ceux du précédent ensemble, car plus véhéments, le style fait la beauté.

Extrait de « Chanson pour hautbois » :

« Hé, jolis coureurs de ballon
jambes tranchées au ras des fesses
- garçonnets hurlant chair mêlée
au maillot de foot, aux éclats
d'acier – hé, coquines à gémir
le blanc des rêves baveux sale
de sang à l'arrière du crâne
toutes roses de pulpe sous
la peau brûlée – fillettes au pied
d'un mur étonnées du flot sous elles
coulant de leur cul forcé blanches
aux lèvres et muettes muettes -
lecteurs de mickey s'en allant
des boyaux parmi les décombres
sur leurs vomissures – oh, coquettes
dans leur merde et leur pisse assises - »

Si vous souhaitez vous procurer « A huit et la petite foule » et « Chanson pour hautbois » de Christian Degoutte, qui est vendu au prix de 4 €, vous pouvez écrire à l'éditeur : Yves Perrine, La Porte, 215 rue Moïse Bodhuin 02000 LAON.

"Finalement", de Daniel Birnbaum


« Finalement » de Daniel Birnbaum, est une série d’aphorismes, publiés par les éditions Stellamaris, qui contiennent à chaque fois le mot « finalement ».

Ce mot magique semble jouer, en quelque sorte, le rôle de déclic de la pensée, servant à trier le bon grain de l'ivraie, à savoir distinguer ce qui est important de ce qui ne l'est pas, à dresser un bilan en pièces détachées de sa vie, d'où surnage en tout cas l'amour.

L'auteur ne recule pas devant les jeux de mots et sait parfois créer l'effet de surprise. La surprise vient aussi du fait qu'il n'y ait pas de jeux de mots et qu'on le cherche malgré tout.

Extraits de « Finalement », de Daniel Birnbaum :

« Certains se disent purs français
Finalement
moi
je suis un pire français. »

*
« Finalement
par certains côtés
un cimetière ressemble
à un parking. »


*
« Finalement
tous les matins
il me faut arracher
un soupçon de vérité
au mensonge du jour. »

*
« Finalement
ma vie a été belle
puis laide
maintenant elle est rebelle. »

*
« Finalement
aimer
c'est chercher la partie sublime de l'iceberg. »

L'illustration de couverture est de Daniel Birnbaum.

Je signale également le format original de ce livre (10 cms X 10 cms), idéal pour les poches.

Pour en savoir plus sur « Finalement » de Daniel Birnbaum, qui est vendu au prix de 11 €, contact auprès de l'éditeur (Stellamaris) : editionsstellamaris@stellamarispoemes.com

mardi 27 décembre 2016

"Le cabinet de curiosités", d'Eric Godichaud

Publié dans la collection Polder de la revue Décharge, « Le cabinet de curiosités » d'Eric Godichaud est constitué d'une suite de poèmes en proses (à l'exception de deux poèmes en vers libres apparaissant en fin de volume).

L'ambiance de ce recueil fait penser à celui des textes surréalistes, et encore plus à ceux de Raymond Roussel, à qui un texte est dédié.

Dans ce cabinet de curiosités, que le lecteur est invité à visiter dès le premier texte, se trouvent pas mal de métiers ou d'inventions merveilleux, comme par exemple : « Le chercheur d'échos », « L'épingleur d'humains », « Le totem abouti », « Une machine érotique ». Mais n'allez pas croire qu'il s'agisse d'objets, et qui plus est, d'objets effrayants, semblables à ceux décrits dans le « Locus solus » de Raymond Roussel.

La caractéristique de ces inventions est, au-delà de leur absence d'utilité, leur évanescence de « tigre de papier », qui est gage de merveilleux.

La style d'Eric Godichaud, avec lequel est mise en phase la police de caractères employée, étonne par sa précision, son sens du détail, qui fait des inventions, même gigantesques, de quasi-miniatures.

Si vous appréciez dans la poésie sa richesse d'imagination visuelle, ce recueil pourrait vous plaire.

Extrait de « le cabinet de curiosités », « L'usine jaune » :

« Passée au ripolin, au jaune citron. Ici sur la pancarte : Fabrique de soleil ! Un personnage armé d'un gourdin fait tourner la roue et plonge la main parmi les abeilles, le métal en grumeaux. A la loterie, les mandarines vernissent la cité, dans des vases plantés de becs et de cerfs volants, enduits de gélatine et d'encre. Des araignées noires tissent leur toile, ayant déserté la gravure. Une pluie acide fait ressortir au chiffon les trumeaux et les pierres vermiculées ».

La préface est d'Alexandre Milon et l'illustration de couverture est de l'auteur.

Et pour en savoir plus sur "Le cabinet de curiosités" d'Eric Godichaud, qui est vendu au prix de 6 €, rendez-vous sur le site de la revue Décharge : http://www.dechargelarevue.com/-La-collection-Polder-.html

vendredi 9 décembre 2016

"Fragments nocturnes", de Robert Roman

Amateurs de surréalisme, ce livre est pour vous. Dans « Fragments nocturnes », publié par les éditions Rafael de Surtis, Robert Roman raconte ses rêves, voire plutôt cauchemars, en les datant avec précision. Cela pourrait servir de matériau pour d'autres textes oniriques, mais telle quelle, cette succession de proses constitue autant d'histoires qui ont une fin, ou qui, du moins, finissent par se replier sur elles-mêmes.

Le style de Robert Roman est sobre, tout en rendant compte de la diversité des situations et des images ouvertes par ces rêves. D'où cette impression de couleur, et en même temps de transparence, des textes publiés ici, malgré leur caractère forcément énigmatique.

Extrait de « Fragments nocturnes », « Concert » :

Yves Montand était à côté de moi. Nous nous brossions les dents tous les deux, face au grand miroir de la salle de bain de mon enfance. L'artiste ne pouvait plus se montrer en public depuis qu'il faisait des bruits étranges avec sa gorge. C'était d'ailleurs très impressionnant car durant le temps du brossage, il ne cessa pas de grogner. Les sons étaient graves, fréquents et devinrent très vite irritants. Je ne pouvais pus libérer mon esprit de ces répétitions sonores devenues quasiment hypnotiques et j'attendais nerveusement e prochain bruit. Puis, l’inévitable se produit et je me mis à l'imiter. Au bout de quelques minutes, j'avais pris le tic. Dans la salle de bain, ce n'était plus qu'un concert à base de grognements gutturaux et ininterrompus. C'est à ce moment-là que je fus réveillé par mes propres ronflements...
                                                                                   1er rêve du 6 mars 2016 »

La photographie de couverture intitulée "Au-dessus de nos têtes, le ciel n'existait plus", est de Ghislaine Roman.

Pour en savoir plus sur « Fragments nocturnes », qui est vendu au prix de 15 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur, Rafael de Surtis, http://www.rafaeldesurtis.fr/

jeudi 8 décembre 2016

"A un moment donné", de Thierry Radière


Voici un recueil de six nouvelles de Thierry Radière, intitulées « A un moment donné », qui viennent d'être publiées par les Éditions Tarmac.

Si ces textes sont réunis en même volume, ce n'est pas par hasard. En effet, ils ont tous comme dénominateur commun cette suspension du temps, plus subie que provoquée, qui se produit « à un moment donné ».

Ainsi, le personnage principal de ce livre axé sur l'introspection du personnage principal, toujours nommé par le « je », pourrait être son imagination, dont les méandres détaillés coupent le déroulement d’une histoire. La fin de cette dernière, qui constitue son dénouement, ne signifie que la reprise du temps normal.

Il est noter aussi que souvent, sauf dans la première et la dernière nouvelle de ce volume, l'enfance est à l'origine de cette introspection. Comme si l'introspection devait être, par convenance, bannie du monde des adultes, ce qui est sans doute la conclusion à laquelle il faudrait parvenir.

Qu'importe ! Puisque ces moments d'introspection sont empreints de nombreuses vérités.

Pour vous mettre en attente de la suite, ci-après un bref extrait de « L'intersection », début de la première nouvelle :

« Mais d'où vient-il ?
Du ciel ?
Il roule sur le pare-brise, le capot et enfin s'écrase par terre. Il porte un manteau marron. Son vélo est le même que celui qu'avait une vieille tante de mon père quand elle faisait ses courses. Je ne comprends rien, ne bronche pas, reste dans la voiture alors qu'il est allongé à même le sol, sur le dos. Il ne bouge plus. Même pas un mouvement de la tête. Rien. »

Pour en savoir plus sur « A un moment donné », de Thierry Radière, qui est vendu au prix de 11€, contact : http://tarmaceditions.com 

lundi 5 décembre 2016

« Deux frères », de Sammy Sapin

Premier recueil publié de Sammy Sapin, dans la collection Polder issue de la revue Décharge, « Deux frères » raconte en vers libres les vies parallèles de deux écrivains du XXème siècle, importants parmi d'autres, : Ludwig Wittgenstein, philosophe, voire logicien, autrichien puis britannique (1889-1951) et Charles Bukowski, poète et romancier américain (1920-1994) bien connu des lecteurs de ces chroniques.

Et surprise : Sammy Sapin fait de ces deux intellectuels, bien différents l'un de l'autre, deux frères. Il est vrai que Wittgenstein et Bukowski, avec leurs noms à consonance germanique, ont émigré vers le monde anglo-saxon. Mais au-delà de ça, il n'y a que des différences : l'un est un brillant universitaire (malgré lui, dirait-on) qui fait des excès de manque d'excès, et l'autre est un alcoolique obsédé sexuel, qui s'est fait tout seul.

Mais derrière ces personnalités différentes, Sammy Sapin montre surtout leur appétit de contradictions, chacun dans leurs vies séparées. Ainsi, s'ils deviennent frères, c'est grâce à leurs différences, peut-on en conclure. Et justement, la poésie de « Deux frères » réside dans ces contradictions.

Sammy Sapin écrit à l'américaine, des vers directs, pratiquement dénués d'images, comme de la prose découpée, mais pas n'importe comment.

La caractéristique de son style est d'être dépourvu de toute fioriture, de tout commentaire, les vers sont autant de morceaux de phrases mises en apposition, ce qui renforce les contradictions qu'elles révèlent :

« l'écrivain n'a besoin que d'une seule chose
selon Bukowski :
de solitude
devant sa machine à écrire.
Un écrivain qui descendait dans la rue
ne savait rien de la rue. »

(…)

Dans le Tractatus, trente ans plus tôt,
Wittgenstein écrivait :
« La mort n'est pas un événement de la vie.
On ne voit pas la mort » ».

De tels vers s'impriment facilement dans la tête pour ne plus en sortir.

La préface de « Deux frères » de Sammy Sapin est de Frédérick Houdaer. La couverture est de Sara Laè.

Pour en savoir plus sur « Les deux frères », qui est vendu au prix de 6 €, contact : http://www.dechargelarevue.com/-La-collection-Polder-.html