mercredi 14 décembre 2022

"Elle me disait bonjour une fois sur deux", d'Hugo Fontaine

 

Publié par les Éditions "Le Mot/Lame", "Elle me disait bonjour une fois sur deux", d'Hugo Fontaine, est une collection de courts poèmes imprévisibles.

Plutôt que de constituer une suite ordonnée de textes, "Elle me disait bonjour une fois sur deux", place à quatre reprises des phrases sur des pages noires, comme autant de respirations improbables.

Et s'il s'agissait, en définitive, de poèmes d'amour, me suis-je demandé après deux lectures de ce petit livre tout en hauteur ?

D'amour peut-être pas quand même, mais de passion et de désir, certainement. 

Pour moi, en tout cas, c'est du romantisme qui n'attend pas, puisqu'il nait dans un monde moderne, pressé, stressé.

L'essentiel est que ça produise de la poésie immédiate.

Extrait de "Elle me disait bonjour une fois sur deux", d'Hugo Fontaine :

"La nuit est pleine d'algues et d'outils,
dans une ville qui crache sa violence en couleur.
Je suce des bonbons sous les néons des night-shops
avec ma vulcanologue,
ma lampe frontale,
ma pirogue des herbes,
mon piranha rouge à lèvres,
ma vulve,
ma pyrotechnicienne de la peau."

Si vous souhaitez vous procurer "Elle me disait bonjour une fois sur deux", d'Hugo Fontaine, qui est vendu au prix de 8 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.mot-lame.com/produit/hugo-bonjour

jeudi 8 décembre 2022

"Le petit prince et l'astronome turc", de Francesco Palla

 

Publié par Z4 éditions, "Le petit prince et l'astronome turc", de Francesco Palla (1954-2016), traduit de l'Italien par Arianne Palla, confirme que la poésie n'est pas toujours dans les poèmes.

Il faut dire qu'en prolongeant "Le petit prince", de Saint-Exupéry, par ce dialogue entre le petit prince avec l'astronome turc, l'auteur donnait une seconde vie à un conte déjà éminemment poétique.

Ici, Francesco Palla, astrophysicien de son état, a fait œuvre de vulgarisation scientifique. Il résume en à peine 100 pages, les plus récents développements de sa discipline, par exemple la découverte de planètes extérieures au système solaire, la recherche de matière noire, la déduction de l'existence d'un trou noir.

Ce livre, loin d'être rébarbatif, est aussi destiné aux enfants. Il contient d'ailleurs  une initiation à la découverte des constellations.

En outre, l'importance des illustrations en couleur de Sylvie Duvernoy est à souligner, car elles constituent un complément indispensable à la bonne compréhension des explications scientifiques (les constellations sont plus faciles à repérer avec les yeux), tout en demeurant avant tout artistiques.

Bref, "Le petit prince et l'astronome turc" allie l'utile à l'agréable, sans oublier d'instruire… les adultes.

Le livre comprend un avant-propos de Thierry Montmerle, une préface de l'auteur, ainsi qu'une quatrième de couverture d'Hubert Reeves.

Extrait de "Le petit prince et l'astronome turc", de Francesco Palla :

"La nature a beaucoup d'imagination."

"T'en sais des choses, petit bonhomme ! Tu ne seras pas étonné si je t'annonce qu'on va bientôt trouver une autre terre comparable à la nôtre par ses dimensions et sa distance par rapport à son étoile. N'être ni trop près ni trop loin du soleil est une condition essentielle, car au cas où il y ait de l'eau en surface, elle pourrait rester liquide."

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Le petit prince et l'astronome turc", de Francesco Palla, qui est vendu au prix de 14 €, rendez-vous sur le site des éditions : https://z4editions.fr/product/le-petit-prince-et-lastronome-turc/

dimanche 27 novembre 2022

"La penchée", de Raphaël Rouxeville

 

Publié par la revue Décharge dans la collection Polder, "La penchée" de Raphaël Rouxeville est un recueil dont la lecture m'a captivé.
Il se compose de poèmes en prose numérotés qui sont divisés en versets.

Mais au-delà de ces particularités formelles, le plus important est ce qu'ils m'inspirent : on dirait que ce sont des poèmes de vacances, au sens propre comme au sens figuré donné à ce terme. Promesses de liberté ou de beauté, instants de vide rendu plein. Nous ne sommes pas ici embarqués dans une aventure durable, même s'il y a beaucoup de déplacements. Nous partons pour des échappées certaines, y compris dans l'espace, gages de poésie.

La diversité des éléments qui composent ces textes (notamment références littéraires et musicales, mais transformées), les tournures inattendues, parfois abruptes, montrent un monde plein de manques (trous de mémoire ?) parfois inquiétant, en tout cas énigmatique, dont le mystère ne peut qu'attirer le lecteur curieux.

La préface de "La penchée" de Raphaël Rouxeville - intitulée "Sur la route" - est de Samuel Martin-Boche, l'illustration de couverture est de Gilles Bouchicot.

"7.Tout à l'heure

Tout à l'heure, levant la tête, le ciel était d'automne, gris lavande (comme celle que je taillerai demain) entre le tilleul et le lilas.

Est passé un avion, étincelant de fin du jour, brillant de soleil comme un miroir, une tour couchée de la défense.

Il roulait plein sud vers le lilas. J'ai vu ses deux fumées qui s'échappaient arrière, d'abord en pointe puis mouronnaient parallèles, avant de disparaître diluées, assez vite, dans le bleu et l'automne.

Entre lui et sa double queue blanche, j'ai remarqué un petit espace de bleu, à la naissance, comme l'écart entre mon pouce et mon index. C'est comme si je n'avais jamais regardé un avion.

J'ai pensé à toi, comme il avançait et que c'était une comète un peu lente au-dessus de ma tête.

Il a coupé l'oblique du fil électrique et je n'ai pu m'empêcher de me dire que tu t'en foutais.

Je me suis demandé où il allait, au sud. Il s'est perdu dans le lilas et j'ai pensé à autre chose."

Si vous souhaitez vous procurer "La penchée" de Raphaël Rouxeville, qui est vendu au prix de 7 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.dechargelarevue.com/Polder-196.html

mardi 25 octobre 2022

"Entre temps", d'Alain Crozier

 


Publié par les Éditions Liane, "Entre temps", d'Alain Crozier présente des poèmes caractéristiques de leur auteur.

Derrière la sobriété de ces vers courts, hachés, je suis toujours surpris, malgré moi, d'y découvrir des zones qui gardent leur mystère. Il est presque toujours question d'amour dans ces pages, mais parfois l'amour s'évanouit, avant de renaître un peu plus loin.

Les poèmes qui ferment le ban de ce livre, qui sont regroupés sous le titre d'"Échappé du tour", constituent une métaphore filée du temps qui passe sur un vélo.

Quant à la préface d'Aline Recoura, elle résume bien l'ambiance générale de "Entre temps".

Les illustrations (dont celle de couverture) sont d'Emmanuelle Rabu.

Extrait de "Entre temps", d'Alain Crozier :

Profondeur de la nuit

Dans la profondeur de la nuit,
Collés comme des chats,
Quelques secondes d'éveil commun.
Seule sort de ta bouche,
La profondeur de ton cœur,
En des mots bien ancrés. 
Simple pureté, beauté naturelle.

Si vous souhaitez vous procurer "Entre temps", d'Alain Crozier, qui est vendu au prix de 10 €, contact avec l'auteur : http://www.alaincrozier.com/

mercredi 21 septembre 2022

"Le Malaise et l'Échappée", d'Alexandre Poncin

 

Publié par "5 Sens Éditions", "Le Malaise et l'Échappée" d'Alexandre Poncin, présente l'enthousiasme d'un premier recueil.

Je veux signifier par là qu'est perceptible la soif de l'auteur de se mesurer à toutes les formes, en ne se laissant pas enfermer dans un thème apparent en particulier (malgré, par exemple, ces séries de "Variations sur la rose").

Ainsi, les deux textes publiés dans ce volume présentent une unité d'ensemble dans leur diversité.

Plusieurs formes s'y côtoient, poèmes en vers réguliers, poèmes en proses, composés de vers courts ou longs, ou poèmes plus longs.

Si j'ai assez nettement préféré les poèmes libres aux poèmes en vers réguliers, l'enthousiasme de l'auteur se communique au lecteur qui apprécie l'inventivité d'une bonne partie des poèmes publiés ici.

Bref, tout le contraire d'un recueil de parvenu (ça arrive), dans lequel l'ennui domine.

Extrait de "Le Malaise", d'Alexandre Poncin :

"L'âge adulte

Sur le chemin de terre
repose mer d'huile
une flaque tranquille
que l'âge adulte assèche

Dans le flanc d'un muret
se niche précieux
un peu de mauvaise herbe
que l'âge adulte déloge

Sur la terrasse 
se dessine fil d'Ariane
un sentier de fourmis
que l'âge adulte dénoue"

L'illustration de couverture est un dessin de Pierre Ausserre, intitulé "Cueillir une rose".

Si vous souhaitez vous procurer "Le Malaise et l'Échappée", d'Alexandre Poncin, qui est vendu au prix de 13 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://catalogue.5senseditions.ch/fr/home/500-le-malaise-et-l-echappee.html

Le livre est disponible à la commande dans toutes les librairies.

dimanche 4 septembre 2022

"Cette main qui tient le feu", de Tom Saja

 

Publié par les Éditions Exopotamie, dans sa collection Éclats, "Cette main qui tient le feu" de Tom Saja est son quatrième recueil de poésie publié en l'espace... d'un an (chez des éditeurs différents) !

Ce qui m'a plus intéressé dans ce livre, c'est sa progression. Ici, la véritable unité du recueil ne réside pas dans chaque poème en prose qui le compose, que l'on pourrait qualifier de séquence, mais dans l'ensemble des textes qui constituent une telle progression.

Ainsi, il s'agit d'un road movie très cinématographique, grâce aux images visuelles qui le situent dans l'espace. 

D'ailleurs, chaque texte va très vite. Il ne s'attache guère au moment présent, sauf dans la toute dernière partie. C'est cela qui m'a beaucoup plu. Au début c'est le passé, et à la fin du livre, c'est déjà le futur. Et au milieu, il y a ce lac, figuré à plusieurs reprises de manière abstraite.

La multiplication des points de vue semble également participer de ce rythme rapide : la plupart du temps, le "nous" l'emporte, mais pas mal aussi le "tu" (qui n'est pas tu), parfois le je (pas trop, lui a tendance à s'effacer) et enfin le "il", dans les derniers textes.

Ça va tellement vite que l'auteur donne l'impression d'emmener avec lui toute l'espèce humaine depuis la préhistoire : "Cette main qui tient le feu", littéralement. Avec l'amour des bivouacs de trappeurs à la manière de Jack London.

Cette odyssée, pour expéditive qu'elle soit (longue d'une centaine de pages), ne manque néanmoins pas de lyrisme, qui ajoute son élan à la progression de l'écriture.

En témoigne, par exemple, ce poème, extrait de "Cette main qui tient le feu", de Tom Saja :

"Certains jours
nous n'étions qu'un thé brûlant sur le rebord de la
cabane
qu'une montagne de pacotille sous la dent d'un
ogre
des pas dans le sable que les bourrasques effaçaient
aussitôt
du sang sur les ronces des raccourcis
une vague infime
une ride infirme sur le front d'un clown"

L'illustration de couverture est de Xarli Zurell.

Si vous souhaitez vous procurer "Cette main qui tient le feu", de Tom Saja, qui est vendu au prix de 17 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://exopotamie.com/collections/livres/products/cette-main-qui-tient-le-feu

mardi 9 août 2022

"Des rives humaines", de Delphine Évano

 


Publié par Jacques André éditeur, dans sa collection "Poesie XXI", "Des rives humaines" est le deuxième recueil de Delphine Évano, après "Peau de mère", paru en 2016 chez le même éditeur.

Ce livre se caractérise avant tout par la puissance de son style, sa précision aussi.

Appartenant au genre de la poésie engagée, "Des rives humaines" est pour moi une vraie réussite. Cette réussite s'explique par les caractéristiques stylistiques énumérées ci-dessus (puissance, précision), mais également par la justesse de ton adoptée. Ici, pas de sentiments faciles, une écriture très serrée pour décrire l'inacceptable : les conditions des vies des migrants  (dans la première partie du livre intitulée "D'ailleurs et d'ici : tectonique des peuples"), auxquelles s'opposent notre vision des choses, si l'on peut encore parler de vision des choses à propos de notre soumission générale à la société de consommation (deuxième partie : "Permafrost : solidarités électives").

Enfin, le recueil se termine en sa troisième partie : "Lauze et pouzzolane : demain", par un appel à la révolte et à la lucidité.

Il convient d'ailleurs de souligner la métaphore filée dans les titres des chacune des parties de "Des rives humaines". L'autrice prend de la hauteur pour comparer les mouvements des hommes à des mouvements géographiques, les ramenant ainsi à une perspective plus générale, à leur interdépendance globale.

Extrait de "Des rives humaines", de Delphine Évano :

"GAVAGE

chaque jour le retour du même et cette fixité qui envahit
une hébétude au ventre plein
un effacement des contingents de la mémoire
le sommeil coupeur de phrases
les débrayages de la pensée télé-média-conso
assurent au quotidien l'attrait sur le chaland qui déserte l'arène
plus rien à dire plus rien à faire
sauf l'opportunité de ne rien dire de ne rien faire
pris à l'étau des bras qui tricotent et détricotent au chaud devant
l'écran
la métamorphose sèche des roses sur le tapis"

Si vous souhaitez vous procurer "Des rives humaines", de Delphine Évano, qui est vendu au prix de 13 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.jacques-andre-editeur.eu/livres/des-rives-humaines/

dimanche 7 août 2022

"Gestes perdus", de Pierre Gondran dit Remoux

 


Publié par l’Association francophone de Haïku, dans sa collection Solstice, « Gestes perdus », de Pierre Gondran dit Remoux, est un recueil de ces petits poèmes de 17 syllabes, unis par le thème des souvenirs de l’auteur, qui a vécu son enfance à la campagne, dans le Limousin.

La lecture de ce livre, petit par le format, m’a intéressé avant tout par la précision, presque technique, de ses souvenirs.

Je veux exprimer par là qu’à aucun moment, dans ces poèmes, l’enfance ne se retrouve noyée par le sirop du lyrisme ou le vague de l’abstraction.

Chaque poème évoque, au contraire, un aspect de la vie à la campagne, qui était remplie de plein de choses, de ces « gestes perdus » qu’ignorent aujourd’hui les gens de la ville (pensant peut-être détenir la clé de la complexité!) : nourriture des poules, fauchage des prés, poissons à vider, lapins à écorcher, préparation des légumes et des champignons, pêche….

Pour l’enfant, il s’agit d’un paradis pour l’observation et le lecteur comprend ici que cela n’a pas été vécu de l’extérieur par Pierre Gondran.

Enfin, le recours à la forme brève du Haïku fait que ces souvenirs semblent de nouveau vécus au présent.


Extraits de « Gestes perdus », de Pierre Gondran, dit Remoux :


les ombres s’allongent
au rythme régulier et 
tranchant de sa faux

***

des girolles orange
elle coupe le bout du pied
un si vieux couteau

***

au bord du ruisseau
un bracelet de têtards
à ma cheville

***

l’odeur entêtante
des fruits rouges qui mijotent -
qui frappe au carreau ?


Si vous souhaitez vous procurer « Gestes perdus », de Pierre Gondran dit Remoux, qui est vendu au prix de 8 €, rendez-vous sur le site de l’éditeur : www.association-francophone-de-haiku.com

mercredi 6 juillet 2022

"Poèmes écrits sur du papier", d'Arnaud Talhouarn

 


Publié par les Éditions Le Coudrier dans la collection Coudraie, ce premier recueil d'Arnaud Talhouarn recèle quelques énigmes.

Le titre "Poèmes écrits sur du papier" pourrait sonner comme une évidence, sauf qu'aujourd'hui, avec l'informatique, il est de moins en moins certain de laisser des "Poèmes écrits sur du papier".

Tout de même, ce titre non dénué d'humeur demeure étonnant, même s'il suffisait d'y penser.

De plus, ce terme de "Poèmes écrits sur du papier" renvoie plutôt à ce qui s'apparente à des réflexions sur la portée toute relative de l'écriture, même si la fin du volume louche sur les poèmes en prose.

Ainsi, l'unité du livre est avant tout visuelle, l'expression se faisant toujours par la prose et non par le biais des vers, même libres.

Par ailleurs, il est assez amusant que quelques-uns des titres des textes de "Poèmes écrits sur du papier" renvoient à des poèmes de Rimbaud : par exemple, "Royauté" ou "Bannières de décembre", qui est un décalque de "Bannières de mai". Il y a là comme une filiation revendiquée, en toute discrétion.

Dans trois quarts des textes au moins publiés ici, le message de l'auteur est clair : il cherche à se détacher de la croyance dans les traces laissées à la postérité par ses œuvres écrites.

Soyons lucides avec nous-mêmes à ce sujet : nous y croyons tout de même en partie, à la force de notre écriture. Bien obligés, pour pouvoir écrire ! Néanmoins, je partage le constat d'Arnaud Talhouarn, qu'il vaut mieux ne pas y croire, et que, de toute évidence, nos poèmes constituent un peu moins  qu'une goutte d'eau dans l'océan du monde tel qu'il est. Et les auteurs anciens qui nous font rêver ne sont que des symboles ! Belle piqure de rappel !

Le style de "Poèmes écrits sur du papier" d'Arnaud Talhouarn est empreint de ce détachement qui donne à son écriture un air de classicisme, un peu à la manière  des philosophes stoïciens, même quand il ne s'agit plus de réflexions, comme si le style philosophique se surimprimait sur la poésie.
On le comprend finalement : l'auteur parle d'un monde disparu, qui peut être aussi celui de l'écriture écrite sur du papier. Tel est le fil conducteur de ce livre.

Extrait de "Poèmes écrits sur du papier", d'Arnaud Talhouarn :

"VIII. Bannière de décembre

Tête féline triangulaire, vers mes mains comme le bloc de métal blanchi vers le marteau du forgeron, vibrant de plaisir sous mes caresses;

les os de ton crâne à plusieurs pans résistent sous une fourrure que je palpe et déforme comme les surplis de peau d'une gonade;

pariétaux à l'arête desquels mes mains peuvent suivre la dépression de la suture sagittale, orbites, mâchoire, pièces poreuses, frêles et cassantes comme des élytres, si légères qu'elles seraient bienvenues pour composer l'armature d'un cerf-volant.

À la force de ses mains calleuses, un enfant aux jambes musclées le maintiendrait en altitude, carcasse mobile au regard vide, planant au-dessus des pentes désertiques de montagnes balayées par un vent miauleur.

Animal nocturne et imprévisible, ton squelette le sera restitué. J'empaumerai ton crâne, et le cliverai comme on rompt une boule de pain.

Une moitié tournée vers l'Orient - direction de la nuit, des destructions - l'autre vers l'Occident - lieu de la lumière et des renaissances ou, pour mieux dire, des résurrections.

Crocs pointés en direction de la terre."

L'illustration de couverture est de Nolwenn Camenen et la préface de Jean-Michel Aubevert.

Si vous souhaitez vous procurer "Poèmes écrits sur du papier", d'Arnaud Talhouarn, qui est vendu au prix de 20 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://lecoudrier.weebly.com/poegravemes-eacutecrits-sur-du-papier.html

samedi 2 juillet 2022

"Les nocturines", d'Yve Bressande

 

Écrire comme une envie de pisser : jamais cette image n'aura été si justifiée qu'en parlant de "Les nocturines" (joli jeu de mots pour un joli titre, au demeurant).

En effet, ce recueil d'Yves Bressande, publié par Milagro Éditions, comprend de courts poèmes qui évoquent ces instants de la nuit, découpés en saisons, durant lesquels le poète se lève pour aller pisser.

Il en profite, le poète, pour faire le tour de son domaine extérieur (ce qu'il y a autour de lui) et intérieur : l'occasion rêvée pour faire preuve, lorsqu'on est pris en flagrant délit d'impudeur, d'humour et d'autodérision sur sa condition d'humain limitée.

Avec ces poèmes, Yves Bressande ne s'embarrasse pas de fausse poésie. Il va droit au but. Faut dire qu'il y a déjà assez de poésie dans la réalité :

Extrait de "Les nocturines", d'Yves Bressande :

"21 juin - 01 h 66

Fête de la musique des poules
à peine nuit que déjà
circulez braves gens
pas moyen de s'endormir
descendre à poil dans le jardin
penser trop tard à la caméra du voisin
il aura mon cul en photo"

Le dessin de couverture est de Paula Cohen.

Si vous souhaitez vous procurer "Les nocturines", d'Yves Bressande, qui est vendu au prix de 15 €, rendez-vous sur le site des éditions : https://milagro-editions.com/livres/les-nocturines/

lundi 13 juin 2022

"Autour du pot", de Marc Tison

 

Publié par les Éditions MTNGMT, dans sa collection "Les phonations flexibles", "Autour du pot", de Marc Tison, est un recueil de poèmes futuristes et spatialistes, qui sont surtout remplis d'espoir.

Futuristes, parce que les poèmes ont pour décor un espace urbain ultra moderne (déjà le nôtre !), et spatialistes, parce qu'ils décrivent de grands ensembles et montrent de vastes perspectives.

Alors que d'habitude la ville est connotée de manière négative, quand le stress, la pauvreté et la surveillance dominent, ici, l'apport de ces poèmes est bien de considérer la ville comme un réservoir de solidarités possibles, porteuse d'espoirs, d'une sorte de "Soft power", plutôt que d'une révolte assassine.

Marc Tison donne vie à ces espaces que nous traversons chaque jour. Pour une fois qu'il n'est pas question des seules nature et campagne dans des poèmes au conformisme désuet !

Ici, les poèmes sont brillants, car axés sur la lumière et la verticalité. Le style de l'auteur, aisément reconnaissance, participe beaucoup de cette fête moderniste.

Extrait de "Autour du pot", "Souvent", de Marc Tison :

"Des harangues hallucinées oppressent le sens commun d'humanité
L'asservissement des peuples de nature
Dans les vents de foehn et de poussières

Que s'élèvent et ses dispersent ces humeurs disloquées
Sur le couchant démesuré du soleil
Qui abrogera nos hontes

Des fleurs poussent dans les fissures des trottoirs
Malmenés par les contrastes thermiques irrévocables
Des mégapoles affolées
Incontrôlables

            Où est l'engagement cellulaire de nos gestes
            Qui récuse nos artefacts
            Où sont les pensées de nos nerfs
            Qui flambent les détestations

Les rêves éloquents s'évadent
Fécondent en fragments de mémoire l'attente
Des jours inertes

On voudrait s'aimer mais il est trop tard

Souvent."

La mise en page et le calligraphisme de ce recueil sont de Jean-Jacques Tachdjan.

Si vous souhaitez vous procurer "Autour du pot", de Marc Tison, qui est vendu au prix de 10 €, rendez-vous sur le blog de l'auteur : https://marctison.wordpress.com/publications-librairie/

samedi 28 mai 2022

"Kaïros", de Nathanaëlle Quoirez

 


Publié par la revue Décharge dans sa collection Polder, "Kaïros", de Nathaëlle Quoirez est un recueil publié qui sort de l'ordinaire.

En effet, chaque poème de ce recueil, associé à des heure et minute bien précises, celle de son écriture ou de la révélation qui la précède de peu - d'où le titre "Kaïros" - m'a paru être un précipité de poésie, qui décourage l'analyse.

La signification de chaque poème résiste et pourtant, j'y reviens en lecture, car il y a des passages qui me saisissent et aussi parce que les images s'y succèdent avec exubérance.

Ça devient rare, une poésie coup de poing comme celle-là, qui explore le spectre d'une révolte essentielle.
Et pourtant, la poésie devrait être un espace de liberté, dans lequel tout est permis.

Et finalement, je me laisse emporter par le flux de ces poèmes qui, souvent, bousculent les mots dans leur confort, notamment par l'insertion de néologismes.

Extrait de "Kaïros", de Nathanaëlle Quoirez :

"22 h 24

le bien du monde
petit chagrin de paume
d'enfant tout déchiré
que dans le sang qui cogne
que bruit trop fort de cœur
alors j'ai de visage
une couleur pétale
défigurée par la passion
je suis une héliotrope
au cul des prophéties
on m'a versée dans le futur
sans me sevrer de la présence
je demande eau et pain
le sucre à la cuillère
et la main pour bâillon
car je suis un mot de vérité
qui silencie et fait peur au vacarme
je tiens une taverne de pleurs et de tarlouzes
au noce du croissant c'est-à-dire à la nuit
ne me regardez pas par le trou d'équipage
j'appellerai les flics à vos secousses d'intrusion
elles viendront hordes bodybuildées
mes pousseusses de fontes
à caractère verbaliser
pistolet de marquage
sur la cuisse du porc
de vous nous sommes les exclues
et vous avez gardé nos larmes
je prie contre vos cooptations
contre votre servage d'idiotie
je somme la pluie de caillasser
sachez que mon dieu n'a qu'une seule religion
s'entourer près du feu d'un chant traditionnel."

La préface est de Milène Tournier, l'illustration de couverture de Quentin Désidéri.

Si vous souhaitez vous procurer "Kaïros", de Nathanaëlle Quoirez, qui est vendu au prix de 6 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.dechargelarevue.com/Polder-194.html

"Prolégomènes au huitième manifeste", de Jehan Van Langhenhoven

 


Nostalgie, quand tu nous tiens !

Publié par les Éditions de l'Harmattan, dans sa collection "Poètes des cinq continents", "Prolégomènes au huitième manifeste", de Jehan van Langhenhoven, est un hommage rendu au surréalisme et à ses poètes précurseurs (Rimbaud, Lautréamont par exemple).

Ce livre, divisé en deux parties, respectivement dénommées "Prolégomènes au huitième manifeste", suivi de "Du surréalisme raconté à Mamadou Slang et à sa bande au Rendez-vous des amis", fonctionne à la manière d'une rétrospective cinématographique, ce qui donne à ce livre une légèreté qui aurait pu lui échapper, dans un hommage plus frontal, monolithique.

Dans les fragments en prose (ou en vers) qui composent chacune des deux parties du livre, sont cités des vers d'œuvres surréalistes et/ou des anecdotes de quelques temps forts du mouvement.

La deuxième partie est encore plus originale puisque, comme son titre l'indique, une tentative d'explication du surréalisme a lieu auprès de plus jeunes générations.
Cette tentative n'est pas totalement vaine, car même si les repères culturels sont différents, l'état d'esprit peut toujours se retrouver, avec cet amour de la liberté, irréductible, du moins dans la tête.

À signaler également que dans ce livre, les récupérations du mouvement surréaliste (la bourgeoisie de ses fondateurs, le stalinisme d'Aragon et d'Éluard) ne sont pas escamotées, mais plutôt soulignées avec humour.

Avec ses "Prolégomènes au huitième manifeste", Jehan van Langhenhoven prêche un converti.

Extrait de "Du surréalisme raconté à Mamadou Slang et à sa bande au Rendez-vous des Amis" :

"Le Surréalisme, c'est Aragon désireux de gifler un mort, iconoclastie majeure, et Breton, sublime éclaireur sans relâche à la manœuvre systématiquement ratant ses rendez-vous avec l'Histoire. Le surréalisme c'est Salut les gars de Ménilmontant tout le monde en piste… le juke-box de nouveau faisait rage et pour eux le surréalisme c'était moi… Ptérodactyle attardé encombré de bons mots et de citations au cœur d'un monde où le livre, comme le politique - à l'exception du refus du bourge ! - et L'Histoire ne pouvait que s'avérer interdit de séjour. Aussi comment, mesurant la totale inadéquation et pourquoi impudeur de mes paroles, ne pas ici enfin me souvenir du Capitaine Nemo proférant : Mon électricité n'est pas la vôtre…"

Si vous souhaitez vous procurer "Prolégomènes au huitième manifeste", de Jehan van Langhenhoven, qui est vendu au prix de 9 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.editions-harmattan.fr/livre-prolegomenes_au_huitieme_manifeste_ente_de_jehan_van_langhenhoven-9782343235059-70717.html

"Joseph Karma", de Denis Hamel

 


Publié dans la collection "Derrière les pages du Semainier", par les Éditions du Petit Pavé, "Joseph karma", est, comme le précise la quatrième de couverture, "un récit autobiographique en partie fictionnel."

Pour une fois, vous me reprocherez peut-être de ne pas trop me fouler, mais je continue de citer cette quatrième de couverture qui dit très bien les choses, et à laquelle je ne pourrai rien ajouter de plus précis : "Le narrateur y conte les déboires, déconvenues, désillusions du personnage éponyme, un anti-héros, double de l'auteur Denis Hamel."

Si je parle donc de ce livre, c'est parce que j'ai aimé le ton employé par l'auteur dans ces pages : écriture sans fard, mais précise, pas d'apitoiement, ni de haine contre une société si peu "compréhensive", ce qui pourrait pourtant se concevoir.

À titre d'exemple, ce passage : "Il y eut d'autres déceptions, d'autres ratages, et les choses allèrent de mal en pis. Non seulement il était de plus en plus solitaire et isolé, mais il renonça bientôt à faire le moindre effort pour sortir de cette situation."

Cependant, si Joseph Karma ne cherche pas des excuses quant à sa vie. de manière en apparence paradoxale, c'est sans doute dans le domaine artistique que ses opinions sont les plus tranchées et sévères. Mais là encore, cela peut se comprendre, d'autant plus qu'il y a effectivement du vrai là-dedans :

"Sa poésie [celle de Joseph Karma], plutôt classique, était en contradiction totale de la plupart des éditeurs et revues subventionnés, qui privilégiaient un formalisme basé sur la primauté du signifiant et dénigraient les notions d'émotion et d'expérience vécue, dans la lignée des objectivistes américains et de la poésie conceptuelle [...]"

En annexe à ce récit, est publié un "Échange avec Denis Hamel, par Loan Diaz, pour la revue Poetisthme (mai 2021)."
L'illustration de couverture est de Marie-Anne Bruch.

Si vous souhaitez vous procurer "Joseph Karma", de Denis Hamel, qui est vendu au prix de 12 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.petitpave.fr/petit-pave-joseph-karma-890.html

"Un nerf de famille" et "Broutilles", de Tom Saja

 



Il m'a été impossible de "départager" ces deux recueils de Tom Saja, publiés en même temps. C'est pourquoi je parle ici de tous les deux.

"Un nerf de famille" a été publié par les Éditions Balade à la Lune, tandis que "Broutilles" a été publié par Bruno Guattari Éditeur, dans sa collection Cahiers [appareil].

Formellement, ces deux livres n'ont rien à voir.
"Un nerf de famille" est composé de courtes proses, et tient plus du recueil conceptuel, car derrière le nerf, dont il est partout question ici, se cache bien autre chose.
"Broutilles" est, quant à lui, composé de poèmes en vers libres, et comporte cinq parties, qui n'ont pas de rapports apparents entre elles.

Au-delà de ces différences, "Un nerf de famille" et "Broutilles" ont, à mes yeux, un point commun essentiel, puisque le thème sous-jacent de ces deux livres me semble être les origines.

Tom Saja explore ainsi son côté "bandit," rebelle, sauvage, qui m' a rappelé l'exploration de Rimbaud dans "Une saison en enfer".

Cependant, que ce soit dans "Un nerf de famille" ou dans "Broutilles", il n'y a rien de dramatique dans cette recherche, rien de vital. Ou bien alors, ça passe en douce, avec philosophie, avec, tout de même, quelques formules qui claquent bien.

Alors qu'il s'agit seulement des deuxième et troisième recueils publiés par l'auteur, je suis étonné par leur sens de l'équilibre, la précision de l'écriture aussi. Dans ces deux textes, il n'y a rien de trop, mais tout de même ce qu'il faut.

Extrait de "Un nerf de famille", de Tom Saja :

"je me souviens, j'étais dans le paradis et des gens m'en ont sorti. des gens avec des blouses des pinces et des cernes sous les yeux. ils m'ont sorti parce que c'est leur métier que je puisse continuer hors du paradis."

Extrait de "Broutilles", de Tom Saja :

"ma barbe est fine encore
n'est pas né le rasoir qui
pourra la tailler
le coupe-chou qui saurait
reposer sur ma gorge
mon gras de poulet
sans tâter de la carotide
juste une goutte de sang
un filet de nectar rouge
et la terre tremblerait
avec mes ancêtres se retournant
dans leurs tombes
piaillant dans leurs cages thoraciques
s'arrachant les cuticules
à lacérer le bois de leurs cercueils
suppliant
de revenir à la ville
pour juguler mes velléités de
m'arracher à mes racines"

La photo de couverture de "Broutilles" est de Philippe Agostini.

Si vous souhaitez vous procurer "Un nerf de famille", qui est vendu au prix de 13,90 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.editions-ballade-a-la-lune.com/?pgid=kl9y0ffi-5506e2c4-388b-4bd9-b000-acb676d3037d
ainsi que "Broutilles", qui est vendu au prix de 10 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://brunoguattariediteur.fr

jeudi 28 avril 2022

"Fiefs", de Xavier Frandon

 

Publié par les Éditions du Cygne, dans sa collection "Le chant du cygne", "Fiefs" est le quatrième recueil publié de Xavier Frandon.

À cet égard, le titre de "Fiefs" renvoie à une réalité qui me parle : celle de chaque personne enfermée sans sa forteresse d'individualisme : voilà ce que donne la vie dans les villes, la majorité des personnes y habitant.

"Fiefs" de Xavier Frandon fonctionne donc comme une galerie de portraits réalistes, s'employant à montrer les contradictions de chaque personne, ses aspirations vers le haut, comme ses envies d'aller vers le bas.

Du point du style, "Fiefs" me semble être un retour aux sources (pour l'auteur, et par rapport à "L'adieu au Loing, que j'ai publié en 2016), vers plus de classicisme. Beaucoup de vers sont assonancés, et le rythme est très présent (au milieu du vers, par exemple).
Or, écrire une poésie classique avec un contenu moderne est quelque chose d'assez rare, aujourd'hui, pour être signalé.

Ainsi, le lecteur que je suis ne doute pas d'avoir affaire à de la poésie, même quand les vers ne sont pas rimés.

Extrait de "Fiefs", de Xavier Frandon :

"Même si la vie est complexe, difficile d'agir;
Il bosse de la nuit à la nuit, et le soir,
Il est saoul de fatigue. tout relâche, chez lui,
Ou dans un bar, où il embrasse ses amis.

Il laisse passer : ça passe. Après tout, c'est détente,
Pause connexe, et vide, à parler du boulot,
Mais un voyage ce serait super, et l'amour
Passe au loin : le Temps est si précieux.

Il prend l'air dans la nuit aseptisée de Paris.
Oh ! Voici une autre conversation sérieuse !
Il s'en fout, il se moque, essuie le sujet, passe

Du rire à l'obscurité. Puis, sans plaisir,
Une saine, et vague tristesse ramène le lendemain,
À neuf heures, le vieux petit garçon au bureau."

Si vous souhaitez vous procurer "Fiefs", de Xavier Frandon, qui est vendu au prix de 10 €, rendez-vous sur le site des éditions : http://www.editionsducygne.com/editions-du-cygne-fiefs.html

lundi 25 avril 2022

"Non- lieu", de Clément Bollenot

 

Publié par les Éditions de "L'Ail des ours", dans la collection Grand Ours, "Non-lieu" de Clément Bollenot, est une suite de 51 textes en prose.

D'emblée, ce qui m'a saisi et séduit, dans ce recueil, c'est sa qualité cinématographique, qui consiste à laisser se succéder des textes comme autant de plans, dont il n'est pas toujours facile de reconstituer la causalité. Il y a des blancs, des reprises entre les textes.

Et la poésie de situation qui s'en dégage, plutôt que de se concentrer sur l'unité du texte, repose sur l'ensemble des proses, avec cette impression de rêve éveillé, de regards qui se croisent et se font face, et qui n'émergent pratiquement pas de leur mutisme.

En tout cas, il n'y a pas de dialogues ici. Chacun préfère demeurer dans sa solitude. Individualisme des villes. Le personnage principal de "Non-lieu"' semble être d'ailleurs, non pas un être humain, mais ce train qui va à la rencontre des images.

Extrait de "Non-lieu", de Clément Bollenot :

"31
le train ne repart toujours pas.

là-bas, sur les murs de l'appartement, la femme jeune, solitaire, affiche les enregistrements du sismographe qu'elle a elle-même fabriqué, un stylo, la pointe posée sur le papier. lorsque le train fait vibrer la carcasse de l'immeuble, le stylo tangue de gauche à droite à gauche. les feuilles sont zébrées de gribouillis, on dirait les dessins d'un enfant de trois ans sur l'échelle de richter.

aujourd'hui, la page est blanche, le train doit être arrêté quelque part."

Les illustrations du recueil (dont celle de la couverture) sont de Juliette Choné.

Si vous souhaitez vous procurer "Non-lieu", de Clément Bollenot, qui est vendu au prix de 6 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.editions-aildesours.com/clement-bollenot-non-lieu/

vendredi 8 avril 2022

"L'usure du chagrin", d'Annie Dana

 




Publié par Vincent Rougier Éditions, dans sa collection des "Plis urgents", "L'usure du chagrin", d'Annie Dana, est un recueil bilan, même si ce n'est pas forcément le dernier de son autrice !

Chaque étape de sa vie, depuis l'enfance jusqu'à la vieillesse (peut-on encore utiliser ce terme, aujourd'hui que tout est atténué ? "Troisième âge" paraît beaucoup plus à la mode) est passée en revue.

Un moment, le lecteur se dit que les plus jeunes devraient lire ces poèmes pour éviter de se planter de la même manière que nous, une fois adultes. Puis finalement, on est obligé de reconnaître que ça ne leur servira pas de leçon.

D'ailleurs, ce petite livre n'est surtout pas une leçon, mais plutôt une interrogation suspendue dans le présent, dans lequel le sens de la vie et la pérennité de l'amour continuent à poser question.

Pourtant, l'illusion d'un recueil définitif a fonctionné. Car les choses y sont dites avec simplicité, mais surtout élégance.

Extrait de "L'usure du chagrin", d'Annie Dana :

"Nous avons perdu le fil de nos vies
En nous refusant de les vivre
Par une volonté opiniâtre
D'entretenir une illusion
Nous rejetions les conseils bienveillants
Au nom d'une lucidité
Que nous imaginions sans limite
Mais sur le chemin escarpé
Où nous nous traînions en aveugle
Aucun lendemain ne nous appartenait plus
Déjà nos visages ignoraient les miroirs
Aucun ne s'en trouvait qui put refléter l'âme
Toute fin suppose un moyen
Pensions-nous
Et nous affrontions la démesure
Sans trembler"

La préface est de Mathias Lair et les illustrations de Vincent Rougier.

Si vous souhaitez vous procurer "L'usure du chagrin", d'Annie Dana, qui est vendu au prix de 16 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.rougier-atelier.com/?product=pu63-lusure-du-chagrin-annie-dana-livret-1

dimanche 3 avril 2022

"Une femme c'est un indien", de Murièle Camac


Je connais bien l'écriture de Murièle Camac. Après avoir été l'un de ses premiers lecteurs, j'ai édité son quatrième recueil, intitulé "En direction de l'ouest", en 2019.

Cinq recueils en dix ans, tous publiés chez des éditeurs différents : preuve objective d'une qualité d'écriture, et en même temps, pas de publications pléthoriques, mais des apparitions régulières. Tout cela, pour moi, signifie quelque chose.

Il reste que j'ai été bufflé par le contenu de ce cinquième livre : "Une femme c'est un indien", publié par les Éditions Exopotamie, qui "passe la vitesse supérieure" et constitue une nouvelle étape significative dans ce parcours poétique.

Ici, en effet, l'identité du style - aisément reconnaissable - de Murièle Camac, est doublé d'un véritable dessein. De ce point de vue, ce livre est le plus engagé de son autrice.

En faisant de la femme un indien, Murièle Camac en dresse un portrait sociologique, rempli d'ironie, mais aussi de véhémence, à l'égard de ces autres qui sont les hommes. À ces premiers le costume et le pouvoir que ça sur-tend. Aux femmes la différence de "l'indien dans la ville", cette sauvagerie qui n'est pas la liberté.

En même temps, ce portrait de la condition féminine n'est pas figé. Il montre comment la femme se libère au fur et à mesure que la chronologie avance, même si cette libération n'est évidemment pas certaine.

L'écriture de Murièle Camac est plus que précise. Elle est pointilliste. Elle utilise le registre familier et en même temps, parsème ses poèmes de références littéraires. Les textes sont concentrés, les images n'y sont pas distribuées à tout va. Bref, le lecteur est souvent surpris par cette écriture qui sait aller vite et bref.

Au décalage de l'ironie répond le décalage de l'écriture. Avec des mots simples, faire du nouveau.. qui se lit bien !

"Une femme c'est un indien", c'est pour l'instant (après plusieurs mois, tout de même !), ma meilleure lecture poétique de cette année 2022.

Extrait de "Une femme, c'est un indien", de Murièle Camac, son premier poème, à la valeur de programme, extrait de "Tapisserie" (titre de la partie du recueil) :

"Il était une fois un indien, une femme -

une femme c'est différent - différent d'un homme.
Une femme c'est un Indien :
Un indien, donc quelqu'un de complètement différent.

Une femme, avant d'affronter la torture, doit savoir
chanter son chant de mort.
Elle chante :
sa quête,
son départ,
ses vêtements repasses,
sa plongée nue dans la mer,
son île, son gel, son sommeil.
Le mouvement et la reconnaissance d'un rien.

Il était une fois un Indien, et elle chante.
Personne d'autre qu'elle-même n'est là pour entendre
son chant de mort - il ne s'adresse qu'à elle-même.
Personne d'autre qu'elle-même ne la lira.

Quand on a fait cela, on peut affronter le pire.

Une femme enferme son chant de mort dans ses
tiroirs, et puis elle va danser.
Toutes les danses lui sont possibles.

On entend son rire : elle se moque du pire."

La photographie de couverture est de Karine Rougier.

Si vous souhaitez vous procurer "Une femme c'est un indien", de Murièle Camac, qui est vendu au prix de 17 €, rendez-vous surs le site de l'éditeur : https://exopotamie.com/collections/produits/products/une-femme-cest-un-indien

jeudi 24 mars 2022

"Au royaume de ON", de Denis Guillec

 


Publié par Cactus Inébranlable éditions, "Au royaume de ON", de Denis Guillec est une suite de poèmes au ton mordant, de la "poésie pamphlétaire".

Les poèmes qui composent ce recueil sont tous bâtis sur le même modèle, puisqu'ils commencent par le même début de vers : Au royaume de ON.

Et tous ces textes poursuivent le même but : dénoncer le modèle dominant de notre société, et plus largement des pays dits développés, qui s'est renforcé avec la crise de la Covid.

Les caractéristiques de ce "modèle" sont les suivantes : dictature du matérialisme de la technologie et des statistiques, absence d'humour et de fantaisie, organisation à outrance de notre univers en échange de l'envol des libertés.

Dans "Au royaume de ON", il n'y a pas un poème, dans son style direct, qui ne fasse pas mouche dans la tête du lecteur.

Extrait de "Au royaume de ON", de Denis Guillec :

"Au royaume de ON, on a des preuves
                                           des preuves physiques
                                                               chimiques
                                                               mathématiques
                                                               logiques
                                                               juridiques
au royaume de ON, on sait."

La couverture est un dessin de l'auteur.

Si vous souhaitez vous procurer "Au royaume de ON", de Denis Guillec, qui est vendu qui est vendu au prix de 8 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://cactusinebranlableeditions.com/produit/au-royaume-de-on/

"COVID... et autres petites contrariétés", de Salvatore Sanfilippo

 

Ils sont nombreux les textes écrits sur l'épidémie de Covid. On constate que confinés, les écrivains ont eu davantage le temps de faire ce qu'ils avaient déjà l'habitude de faire tout le temps avant l'épidémie !
Cependant, ils sont rares, surtout en poésie, les textes qui parlent de la Covid avec humour.
C'est pourtant le cas des poèmes de Salvatore Sanfilippo, ici publiés.

Dans ce petit volume d'une soixantaine de pages, l'auteur prend notamment un malin plaisir à mettre à jour les absurdités induites par les limitations mises en œuvre à l'occasion des confinements ayant eu lieu en 2020.

Et le résultat est amusant, sans que les poèmes basculent pour autant dans la critique frontale. Ne pas oublier que les confinements étaient aussi destinés à nous protéger !

Extrait de "COVID... et autres petites contrariétés", de Salvatore Sanfilippo :

"Je me suis fait arrêter par les flics

Je me suis fait arrêter par les flics
J'avais oublié mes papiers
J'avais un coup dans le nez
Le contrôle technique pas à jour
Les pneus lisses
Le pot polluant
Mais ils m'ont laissé filer

J'avais mon
masque

Est-ce que si je braque une banque
Avec un masque
En respectant les gestes barrières
On me laissera faire ?"

L'illustration de la couverture est de l'auteur.

Si vous souhaitez vous procurer "COVID... et autres petites contrariétés", de Salvatore Sanfilippo, qui est vendu au prix de 8 €, contact : sanfi@laposte.net

dimanche 13 mars 2022

"Pile poil", de Frédérick Houdaer

 


Publié par les Éditions Gros Textes, "Pile poil", de Frédérick Houdaer est un recueil de poèmes, en vers tout à fait libres, qui se lit bien, sans prise de tête. Et c'est déjà beaucoup !

L'auteur écrit les vers comme il écrit en prose, mais avec des retours à la ligne plus fréquents, et malgré cette "contrainte", ses textes sonnent avec naturel. Ils paraissent détendus et le sont probablement !

S'agissant du contenu de "Pile poil", de Frédérick Houdaer, j'y vois deux axes principaux, même s'il s'agit toujours d'une poésie de situation - entendez par là : dont la teneur nait d'une situation précise du quotidien.

En effet, je distingue des poèmes plus délirants, dans lesquels gambade l'imagination et d'autres plus polémiques, sur le monde littéraire - même si le qualificatif est exagéré - mais disons plutôt, au contenu critique non équivoque.

Et je dois avouer qu'à mes yeux, ça vise "Pile poil" juste.

En témoigne, pour moi, ce "Est-ce ainsi que les hommes riment ?

"l'année précédente
j'ai protesté contre l'absence de poètes
programmés
à ce festival du livre
j'ai marqué le coup
en organisant un commando
de lanceurs de haïkus trash
cette année les organisateurs du salon
pleins de bonne volonté
m'écrivent pour m'assurer qu'ils ont
corrigé le tir
et m'inviter à venir constater sur place
je les prends au mot
me rends à leur barnum
j'assiste à une lecture assise
de poèmes d'assis
pour public assis
le principal responsable
ce poète-depuis-cinquante-ans
comme il aime à se définir
à défaut de montrer une chair de poète
il parle depuis sa chaire de poète
très fier de ne faire de la poésie
qu'une affaire de mots
il se veut intraitable sur ce dernier point
le lyrisme sans couille qui caractérise ces poèmes
il le déclare atténué ou en mineur
le pire
c'est sa fierté d'avoir enseigné aux États-Unis
pendant un tiers de sa vie
quand il parle
C'est un prof que l'on entend
pas un poète
et quand il lit ses poèmes américains
je reste sidéré qu'il n'ait pas pris
le quart du dixième de ce qu'il y a de bon à prendre
dans la poésie américaine
avec son affaire de mots
il réduit les paysages qui l'inspirent
à une galerie de tableaux

quant au public et à ses réactions

un public de poésie
est comme n'importe quel public
quand il a affaire à un nom"

Bref, vous avez compris !

"Pile poil" est dédié à Philippe Bouvier. La quatrième de couverture est de Patrick Dubost.

Si vous souhaitez vous procurer "Pile poil", de Frédérick Houdaer, qui est vendu au prix de 7 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://grostextes.fr/publication/pile-poil/