dimanche 27 février 2022

"613 nouveaux proverbes", de Pascal Lenoir

 

Le 9ème opuscule de "la vie secrète des Mots", est consacré à "613 nouveaux proverbes travestis par Pascal Lenoir", comme le précise l'auteur sur la première de couverture.

En effet, il s'agit d'un joyeux mélange de proverbes : parfois, souvent, deux bouts de textes tombés dans le domaine public sont rassemblés pour constituer une nouvelle phrase.

Ce qui s'appelle faire du neuf avec du vieux.

Pour moi, la lecture de ces 613 proverbes a d'abord été musicale car je n'ai pu m'empêcher de chercher la fausse note, qui ne pouvait qu'intervenir puisque ces nouveaux proverbes sont reconstitués à partir de la version initiale, davantage connue du grand public.

Du point de l'oreille - c'est très subjectif bien sûr - l'effet comique est venu quand j'entendais vraiment la fausse note, celle qui casse tout, et qui fait que la chute du proverbe est complètement différente.

Bien sûr, il n'y a pas que l'écoute. Il y a aussi la vue : ces proverbes travestis sont un appel à l'imaginaire, à de nouvelles images qui s'en vont peupler le cerveau. Là encore, les richesses du langage sont inépuisables.

Et enfin, remarquez que j'en parle en dernier, en tant que poète : ces nouvelles phrases amènent de nouvelles significations, pas si absurdes qu'elles en ont l'air, pas plus, en tout cas, que celles d'origine.

En voici plusieurs exemples :


"Pour vivre heureux, il faut être vieux de bonne heure".

"La vérité sort de la bouche des aveugles".

"Qui casse les verres s'enrichit".

"On ne saurait faire boire un âne qui dort sur une civière dorée".

"Le corbeau ressemble à l'ombre du cadran".

"Il faut que vieillesse se passe passe".


Il convient de noter également la diversité des polices de caractères qui casse la monotonie d'une lecture ordinaire. On peut dire d'ailleurs la même chose de la couverture. Les proverbes s'y prêtent bien, il faut le reconnaître.

Si vous souhaitez vous procurer ces "613 nouveaux proverbes", de Pascal Lenoir, vous pouvez adresser 2,28 € de timbres à l'auteur. Contact : maryse.delafollie@orange.fr

jeudi 24 février 2022

"La vie à l'envers", d'Olivier Cousin

 


Publié par les Éditions Gros Textes, "La vie à l'envers", sous-titré "Tentative fragmentaire de compter sur soi jusqu'à l'infini", est un recueil de 100 courtes proses épatantes.
En effet, durant tous ces textes, l'auteur joue le rôle du mort enterré dans son cimetière.

Évidemment, pour apprécier "La vie à l'envers", mieux vaut que vous appréciiez l'humour noir, sinon, je vous conseillerais volontiers une autre lecture.

Bien sûr, dans l'ensemble, elle n'est pas si mal que ça, "la vie à l'envers", Sauf que - ne rêvez pas trop - elle n'a pas que des avantages non plus.

Ainsi, Olivier Cousin s'amuse à peser le pour et le contre en vivant dans les os d'un mort. Et à la fin, il est difficile de savoir où sont le pour et le contre. C'est peut-être là que réside la réussite finale de cet ensemble de textes, qui ne sont pas aussi systématiques qu'ils en ont l'air.

Extraits de "la vie à l'envers", d'Olivier Cousin : un texte pour et un texte contre !

"migraine
avant j'étais tête en l'air (ma mère me le serinait une fois la semaine au moins). Maintenant, je suis tête en terre. Avoir la tête dans la fraicheur du sol a définitivement mis fin à mes migraines. La caboche dans la motte : voilà le remède contre les céphalées."

"relance
J'ai pris un bain de noirceur. Cela m'a fait un mal fou. J'étais fort mécontent de ma décision. Les choses ont tourné à mon désavantage tout comme il ne faut pas. J'avais besoin de repartir d'un mauvais pied. Et croyez-le ou non, je suis ragaillardi pour encore quelques siècles du côté des morts."

Mention spéciale aux images en noir et blanc de Scorre (dont celle de la couverture), qui illustrent parfaitement leur sujet.

Si vous souhaitez vous procurer "La vie à l'envers", d'Olivier Cousin, qui est vendu au prix de 7 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://grostextes.fr/publication/la-vie-a-lenvers/

"La dernière ballade du vieux poète", de Jean-Pierre Lesieur

 


Publié par les Éditions Gros Textes et par la revue Comme en Poésie, "La dernière ballade du vieux poète", de Jean-Pierre Lesieur, est un recueil de poèmes en vers libres, peut-être son dernier, à en croire le titre.

L'auteur y parle de sa vieillesse, et à travers celle-ci, de la vieillesse, en général. 

Cet ensemble de textes est touchant car les choses y sont dites simplement. Le bilan d'une vie, ce n'est pas grand chose et en même temps, ça concerne tout le monde un jour, ne l'oubliez pas.

L'illustration de la couverture est de Nicole Gonon.

Extrait de "La dernière ballade du vieux poète", de Jean-Pierre Lesieur :

"Un crayon de tristesse

Je n'écris pas avec un crayon de tristesse
sur le fait qu'un jour prochain peut-être
vous apprendrez par la voix d'un ami autre
que j'ai quitté ce monde de voix de poésie.
Et puis le temps passera plus personne
ne dira rien de mes poèmes sans rime
personne n'osera mettre derrière mon nom
poète des bas quartiers et du haut de mots
Le grand silence qui m'a toujours accompagné
s'installera pour toujours dans le ravin
où mes cendres ne serviront pas même
à écrire des poèmes dans l'au-delà du vent.
L'oubli qui n' arien à voir avec la qualité
qu'on accroche parfois à ceux qui ont trimé
dans les dictionnaires d'herbes rares et vertes
pour tenter d'abdiquer l'afflux des vains rêves
viendra empailler les mains de l'éternité.
Je n'écris pas avec un crayon de tristesse
que tout disparaître à la petite semaine
sans rien laisser à la vaine descendance
de ceux qui n'ont jamais levé le petit doigt
pour tourner les pages d'un seul de mes livres.
Je n'écris pas avec un crayon de tristesse
je disparais de l'horizon de votre mauvaise vue."

Franchement, à qui ce poème ne pourrait-il pas s'appliquer ?

Si vous souhaitez vous procurer "la dernière ballade du vieux poète", de Jean-Pierre Lesieur, qui est vendu au prix de 10 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://grostextes.fr/publication/la-derniere-ballade-du-vieux-poete/

dimanche 20 février 2022

"La chair du soleil", d'Évelyne Charasse

 


Le deuxième recueil d'Evelyne Charasse a été publié avec l'aide de l'association "Le 122".

Intitulé "La chair du soleil", il comprend trois parties, respectivement "Cœur claudiquant", "Soleil touareg" et "L'ogre des jours".

La poésie d'Évelyne Charasse est aisément reconnaissable par ses deux caractéristiques principales : la verticalité de ses poèmes : des textes très courts, composés d'une phrase, la plupart du temps, qui sonnent comme une évidence et le rapport constant de l'humeur (tristesse ou joie) aux éléments (nuit ou soleil).
Ces deux caractéristiques me semblent d'ailleurs liées.
En effet, la verticalité des poèmes est une façon d'être debout dans la vie, d'aller au contact de l'extérieur.

Ainsi, dans ce recueil, le lecteur passe de l'ombre à la lumière, quand il va de "Cœur claudiquant" à "Soleil touareg" et "L'ogre des jours".
Encore convient-il de mesurer ce constat. Si "Soleil touareg" décrit les retrouvailles avec l'énergie de vivre après la tristesse de "Cœur claudiquant", "L'ogre des jours", qui donne à lire une version moderne du petit chaperon rouge, met en garde avant tout contre les apparences des rires du loup. 
Quant à "L'ogre des jours", n'est-ce pas celui du temps qui passe ?

Cependant, comme l'écrit si bien Évelyne Charasse :

"Parfois
Les larmes
Taries
Font 
Le lit
d'un renouveau".

"La chair du soleil" contient une préface de Pierre Léoutre.

La photographie de couverture est de l'autrice.

Si vous souhaitez vous procurer "La chair du soleil", qui est vendu au prix de 7 €, contact : evelyne.charasse@gmail.com

samedi 19 février 2022

"Livres", de Philippe Jaffeux

 


Pour parler de "Livres", de Philippe Jaffeux, qui est publié par les "Edicions Paraules", je vais partir de la phrase figurant sur la quatrième de couverture : "Livres tente d'évoquer la présentation de deux livres en un seul".

En fait, "Livres" fonctionne comme un ensemble de paires de pages : il y en a cinquante dans ce livre, ce qui donne cent pages au total.

Sur la page de gauche se trouve l'essentiel du texte. Et sur la page de droite, se trouvent les trous du texte présent sur la page de gauche.

Cependant, si ce volume est présenté en une succession de paires de pages, comme toujours, avec Philippe Jaffeux, il s'agit plutôt d'un flux de phrases qui se succèdent sans délimitation précise (à la page).

Et l'intérêt de cette présentation inhabituelle, c'est qu'elle oblige le lecteur à une gymnastique visuelle, qui rend sa lecture plus active.
En effet, le lecteur est contraint de déplacer ses yeux de la page de gauche vers la page de droite, avant de revenir sur la page de gauche puis de repartir.

En bref, "Livres" peut donc être résumé comme étant une suite d'accidents textuels (les fameux "hasarts").

Bien sûr, si ce texte rappelle en apparence un célèbre "Coup de dés" (de Mallarmé), son dessein est fort différent. Il n'y a pas ici la vision d'un monde extérieur ou la description d'un contenu sonore (matérialisé par des différences dans les tailles de caractères).

Le flux beaucoup plus régulier est celui de la pensée qui pourrait être comparé à celui d'une intelligence artificielle. 

Et la forme de l'écriture, ces trous dans les pages, constituent le sujet du livre : celui des accidents d'un texte, comme infiniment varié d'une phrase à l'autre.

Ainsi, cette poésie est tout fait surréaliste, par ses images, dans son résultat, sauf que dans chaque phrase, un mot (par exemple : lignes, écritures, phrases, lecture, écrit) ramène à ce qui n'est pas qu'un simple alibi : la forme du texte.

Fond, forme : les deux se mélangent comme dans un cercle et de cette coexistence, de ce frottement nait la tension qui irriguent les phrases, parfois franchement énervées, comme si elles provoquaient leurs propres accidents.

Vous pouvez le constater : avec "Livres", de Philippe Jaffeux, la boucle est entièrement bouclée.

Quelques phrases de "Livres" de Philippe Jaffeux (extraites de pages de gauche), avec leurs trous, pour ne pas abîmer la présentation du livre tout en vous donnant une idée de son contenu :

"Une envolée de trous capture des phrases qui convoquent une..."

"Les signes d'une absence consolident la construction d'"

"Les apparitions intempestives d'une disparition s'exercent sur l'obstination d'un dispositif..."

"Une angoisse dissonante orchestre la composition d'une..."

"Des mots s'éloignent de leurs lettres pour éprouver un contact avec l'image d'"

Si vous souhaitez vous procurer "Livres", de Philippe Jaffeux, qui est vendu au prix de 15 €, rendez-vous sur le site des éditions : https://editions-paraules.com/philippe-jaffeux

mardi 8 février 2022

"À la fin des fins", de Mathias Lair

 


Publié par les Éditions Les Lieux-dits, dans sa collection "Les Parallèles croisées", "À la fin des fins", de Mathias Lair regroupe, de fait, deux courts ensembles de poèmes, celui qui donne son titre au livre, suivi de "Pourquoi pas / Ne serai poète".

Même si chacun des recueils a sa thématique particulière, à travers le volume entier est tiré un bilan avec des récurrences : de l'impossibilité d'être libre dès la naissance, du fait que nous ne sommes pas grand chose et que là, réside justement peut-être une infime part de liberté à reconquérir avant la mort.

L'autre préoccupation majeure du poète est le refus de tout lyrisme, de toute facilité dans l'écriture.

Enfin, parfois se fait jour une idée politiquement pas correcte : la colère qui peut être synonyme de libération.

Bref, si vous espérez de ce livre qu'il vous brosse dans le sens du poil, vous pouvez attendre longtemps !

En tout cas, il y a une identité forte entre le fond et la forme car l'écriture de Mathias Lair n'est que cassures. 

À l'intérieur d'un même vers, les mots sont séparés en deux quasi colonnes. Ainsi, la correspondance visuelle entre les vers se fait horizontalement, mais aussi verticalement. Et les mots sont tour à tour écrits en caractères normaux et en italique, ce qui d'ailleurs, brouille la disposition trop facile en colonnes.

Ainsi, même dans le style de l'auteur, se montre le refus de tout laisser aller. Ce refus n'est pas que formel. Il contribue pleinement à rythmer la lecture en un deux temps obstiné.

Extrait de "À la fin des fins", de Mathias Lair :

"Je suppose    au temps
d'enfance
non pas victime
d'un crime    voulu
mais défait    par la force
des choses    comme
une machine    démontée
sur l'établi        d'existence
des pièces    éparpillées
rouages et    dents fils
et bobines    plus ou
moins électriques    que faire
de ce fatras

Si vous souhaitez en savoir plus sur "À la fin des fins", de Mathias Lair, qui est vendu au prix de 12 €, l'adresse postale des éditions est la suivante : Les Lieux-Dits éditions, Zone d'art, 2 rue du Rhin Napoléon 67000 STRASBOURG.

dimanche 6 février 2022

"Refuser l'aurore", de Robert Roman

 

Publié par les Éditions Le Contentieux, "Refuser l'aurore", de Robert Roman est un recueil de proses poétiques. Des proses oui, mais pas des proses comme les autres, puisqu'il s'agit de rêves, dans l'ensemble récents (ils ont eu lieu des nuits de 2016 à 2021), que l'auteur restitue en ces pages.

Ce qui m'a le plus intéressé dans ce livre, c'est la précision de ces rêves, qui constitue de véritables histoires en miniature, gardant une cohérence dans leur incohérence.

Tout le monde ne fait pas des rêves comme cela, j'en suis certain. Ou du moins, peu de personnes savent aussi bien accueillir les rêves par l'écriture que l'auteur.

Extrait de "Refuser l'aurore", de Robert Roman :

"Mécanique du rêve

Il faisait nuit quand nous nous sommes garés contre le trottoir de droite. De l'autre côté, se trouvait le bâtiment où je ne travaillais plus depuis presque une dizaine d'années. Pourtant, c'était bien là où je devais me rendre après que mon épouse m'eut déposé. J'allais sortir de la voiture quand je vis un jeune garçon manipuler notre rétroviseur extérieur côté droit. Ignorant notre présence, il brisa l'accessoire et en leva le petit miroir mais ne parut pas pressé de quitter les lieux. D'un bond, je fis le tour de la voiture et lui arrachai la glace des mains. Il n'y eut aucun commentaire de sa part et trois secondes plus tard, il avait disparu. Je décidai alors de réparer sa bêtise mais le miroir ressemblait étrangement à mes lunettes de vue. J'eus alors un mal fou à les accrocher au balai d'essuie-glace, lui aussi endommagé…"

Dans la postface, Robert Roman décrit son rapport au rêve depuis l'enfance.

Les photographies (dont celle de la couverture) sont de l'auteur.

Si vous souhaitez vous procurer "Refuser l'aurore", de Robert Roman, qui est vendu au prix de 10 €, rendez-vous sur le blog des Éditions : https://lecontentieux.blogspot.com/p/prochaine-parution.html