mercredi 31 décembre 2014

"Maux croisés", de Patricia Paul


"Maux croisés" est un recueil, le premier publié par Patricia Paul, qui porte bien son nom. 
Pour le résumer en quelques mots, "Maux croisés" regroupe des poèmes d'inspiration autobiographiques, récits de rencontres plus ou moins avortées, qui semblent appartenir au registre badin, voire coquin, mais évoquent en fait avec réalisme des souffrances filiales ou amoureuses.
Dans ces poèmes, la décrépitude ou la disgrâce physiques sont souvent décrites, ainsi que la trivialité du corps en son fonctionnement naturel.
Les textes de Patricia Paul sont, de manière générale, écrits en vers à peu près réguliers (ce qui n'est pas un problème !), ou du moins rimés, et retrouvent la rythmique de la poésie classique.
Cependant, ici, le recours aux jeux de mots (comme dans le titre du recueil) et à des mots familiers ou actuels fait basculer les poèmes dans le registre de l'ironie.
Il y a aussi de la chanson dans ces textes, ce qui constitue une originalité dans le paysage poétique actuel, qui demeure en majorité très (trop) écrit, à mon sens...
Il reste que derrière ces nombreux éclats d'esprit, rôde un pessimisme qui en fin de compte, reste permanent.
C'est du moins ce que je ressens en tant que lecteur.
A titre d'exemple et pour vous faire découvrir "Maux croisés", ce poème, intitulé "Docile" :
"Je n'ai pas omis d'tremper
L'cul de la louche dans la soupière
J'ai pressé mon sachet d'thé
Avec le dos d'ma cuiller
Je me suis toujours couchée
Sans caleçon ni chaussettes
Et j'ai proprement posé
La capsule de ma Danette
Je me suis rendue complice
De tes recettes à la gomme
J'ai utilisé ta pisse
Pour doper les géraniums
Je n'ai pas corné les pages
Des romans de Marguerite
J'ai bavé sur tes images
De vulves effleurées par Klimt
Malgré un flegme héroïque
Et une vraie douceur d'agnelle
Il a fallu qu'la vieille bique
Mette ses deux pieds dans l'écuelle
Las que Dieu me le pardonne
J'ai été vulgaire et conne
D'avoir collé des Simpson
Sur le char de ta madone"
Pour commander ce recueil vendu au prix de 17 €, qui est édité par les éditions Solange Brault de Bournonville, vous pouvez contacter l'éditrice, dont le mail est le suivant : brault.solange@ wanadoo.fr

mardi 30 décembre 2014

"T.X.T.", de Léon Maunoury




T.X.T. est un texte intense qui tire son titre de l'extension des fichiers textes informatiques.
Un titre qui en fait ne dit rien du contenu de ce recueil de poèmes en prose ou plus rarement en vers libres.
Avec T.X.T., le lecteur est d'emblée et sans relâche placé dans un univers sombre, que je ne parviens pas, malgré tous les préjugés du bon goût, à trouver désespérant. 
Car cette écriture traduit des mises en situation bourrées d'imagination, certes crépusculaires, mais surtout hors normes et qui sont bien sûr riches en images poétiques.
Sans faire de la typologie littéraire, la référence au surréalisme (et plus encore aux auteurs édités par Blockhaus Résistance), même si elle est fortuite, me vient ici naturellement. Et ce qui est rare est cher.
Ici il n'y pas de passé ni d'avenir et la mort semble impossible (car toujours paradoxalement menaçante).
Et puis à l'inverse, il est toujours possible de sortir d'un cauchemar en plongeant dans un autre cauchemar...
Un exemple de ces proses hallucinées :
"Les jambes se sont écartées, d'habiles employés aux mains gantées de latex m'ont extrait de cette chambre de chair gluante dans laquelle je me prélassais, à l'abri des bombes et des flics charognards. Ils m'ont suspendu dans la lumière blanche de l'hôpital, j'ai braillé pour protester, on m'a collé un sein énorme dans le bec. Je devais ramper, je devais échapper aux tirs ennemis. Ils ont saisi mon minuscule corps violacé et ont tranché le cordon, rompant d'un coup de scalpel mes rêves de paix tranquille, de chaleur onctueuse dans laquelle je n'aurai rien d'autre à faire que recevoir la vie comme elle vient, fluide, douce comme le lait. Un type m'a lu mes droits avant de m'inscrire dans le registre, j'étais un des leurs. Je n'avais plus d'autre choix que de baisser mes petits bras trop faibles alors pour lutter, j'allais passer ma vie à marcher, me nourrir, et chercher à tout prix le moyen de me rendormir."
Je précise que les illustrations de "T.X.T.", qui se composent d'une belle collection de têtes de vainqueurs (!), sont également de Léon Maunoury, pour qui création plastique et écriture semblent aller de pair...
Pour en savoir plus sur ce recueil vendu au prix de 6 € et édité par Poussière noire éditions (Alain Minighetti), https://www.facebook.com/pages/Poussiere-noire-editions/826894057329727
Et en ce qui concerne Léon Maunoury, https://fr-fr.facebook.com/leon.maunoury ou lon50manoury@yahoo.fr

mercredi 3 décembre 2014

"Le peuple des yeux", de Jérôme Pergolesi




Premier recueil édité de Jérôme Pergolesi sous la forme d’un petit livre de 17 cms X 11, « Le peuple des yeux » est une véritable réussite poétique, bien que dépourvue d’apparente unité thématique.
C'est que la poésie n'a pas besoin de thème pour exister. Ainsi, à première vue, le seul fil conducteur est ce "tu", à qui l'auteur s'adresse le plus souvent, et qui semble être un(e) autre que lui-même.
Dès lors, le lecteur est tenté de voir dans "Le peuple des yeux" une succession de poèmes d'amour, puis de séparation.
Cette hypothèse avancée, il reste que Jérôme Pergolesi évoque surtout ses (ou leurs) rapports avec l'environnement, pas toujours naturel, loin s'en faut.
Ce rapport fortement sensitif est la clé du recueil, qui crée la poésie. Ce rapport peut être agréable ou au contraire, douloureux. La communion avec les éléments peut être totale ou bien le divorce d'avec les choses se fait jour.
Dans cette optique, le "tu" n'est plus qu'un élément clé du paysage intérieur de l'auteur.
A noter, s'agissant du style, la musicalité de cette poésie ciselée de blancs :
  
"Elle court sensible
miniature
dans nos silences
elle qui
de ton ventre
offre en bouquet
oreille collée
ses premières
impatiences"
Voire l'apparente simplicité de certaines strophes ou poèmes :
"Je fais ce que je peux de moi
comme un virage en pente
si ce n'est la vie qui m'absente
lorsque je perds sans toi"
Bref, de la belle écriture, qui se fraye en douceur un chemin dans le sens :
"A contre courant, les lueurs
remontent la nuit blanche
Sur le rebord nos corps se penchent
Jusqu'au ciel, en rumeurs"
J'en profite pour signaler que la belle couverture du livre est également de Jérôme Pergolesi et que ce dernier anime une revue sur Internet qui s'appelle "17 secondes" : http://revue17secondes.blogspot.fr/
Pour en savoir plus et vous procurer "Le peuple des yeux", vendu au prix de 10 €, vous pouvez aller faire un tour sur le site de l'éditeur : http://thebookedition.com/