mercredi 29 janvier 2025

"Le tour de l'hexagone en 36 poèmes", de Frédérick Houdaer

 



Sous-titré "Manuel de dépaysement rapide & facile", "Le tour de l'hexagone en 36 poèmes", de Frédérick Houdaer, publié par les Éditions Les Vagues Satellites, n'a d'autre sujet que sa diversité. Le titre du recueil l'exprime bien, puisqu'à chaque poème, on change d'endroit, de décor. 

Il ne s'agit donc pas vraiment de poèmes de voyage, mais plutôt de stationnement. C'est déjà moins classique. Le principal ici ne réside pas dans des paysages inanimés, mais dans les êtres qui les peuplent et provoquent l'anecdote. Personnes et histoires pourraient à la limite se trouver ailleurs.
Alors, sont-ce des poèmes réalistes ? Pas totalement pour moi. 
Frédérick Houdaer, en accompagnant le délire de ses protagonistes, quitte la réalité ou y demeure.
Le lecteur n'est plus certain de savoir dans quoi il est tombé. Et c'est bien justement pour moi tout l'intérêt de ces poèmes.

Extrait de "Le tour de l'hexagone en 36 poèmes", le poème #21 :

"dans la salle des profs
deux enseignants parlent de digestion difficile
à un moment
l'un d'eux évoque Mishima
raconte sa fin spectaculaire puis
s'ouvre le ventre à l'aidez d'un compas
le fait vraiment
cris du collègue
hé ça va pas
c'est fasciste ton truc
le hara-kiri
c'est fasciste comme truc
le malheureux
penaud
n'a plus qu'à remballer ses intestins
il va jusqu'à nettoyer lui-même
le lino de la salle
pour ne pas occasionner un surcroît de travail
à la femme de ménage
mais ne sait comment sauver
le panneau de liège déjà couvert de tracts
  administratifs
et de cartes postales kitchissimes
à présent tout éclaboussé de sang
les règlements
les appels à concours et les souvenirs de vacances
peuvent être jetés à la corbeille
et vite remplacés
mais le panneau de liège ?"

La quatrième de couverture est de Patrick Dubost.

Si vous souhaitez vous procurer "Le tour de l'hexagone en 36 poèmes", de Frédérick Houdaer, qui est vendu au prix de 11 €, contact : lesvaguessatellites@gmail.com

lundi 27 janvier 2025

"On aura", de Georges Cathalo

 

Publié par "Encres Vives", "On aura" de Georges Cathalo est un unique poème d'une dizaine de pages. 

En fin de plaquette, il est précisé à son égard : "Ceci est la 2° version revue et corrigée d'un ensemble intitulé "On aura". Épuisé depuis 1992, cet ouvrage était paru en 1987 aux éditions de La Bartavelle."

J'ai surtout aimé le ton employé dans ce poème, simple résumé d'une vie, dans laquelle aucun des buts fixés n'a été rempli, et dans laquelle tous les échecs se sont révélés finalement être des réussites.

Une belle claque donnée avec le sourire donnée aux certitudes des commencements. 

En même temps, ce poème montre la vie dans toute sa variété.

Ainsi, chacune des courtes strophes, dont les premiers mots sont "On aura", poursuit tranquillement sa tranquille énumération.

Extrait de "On aura", de Georges Cathalo : 

"on aura baissé la tête
rasé les murs
avec les fantômes du doute

on aura pris
des nouvelles de la mort
celles des proches
ou celles des amis
qui sont toujours vivants

on aura cru résoudre
énigmes et problèmes
avec des solutions passagères
et des réponses illusoires

on aura trouvé
ce qui se tramait
derrière le rideau de scène
avant que la pièce ne commence

on aura perdu 
tout espoir d'espérance
dans une troublante confusion..."

La photographie de couverture est de l'auteur.

Si vous souhaitez vous procurer "On aura", de Georges Cathalo, qui est vendu au prix de 6,60 €, contact de l'éditeur : encresvives34@gmail.com

jeudi 16 janvier 2025

"Hraun", de Florent Toniello

 

Publié par Michikusa Publishing Luxembourg, "Hraun", de Florent Toniello est un livre de proses poétiques, accompagnées de photographies (sur certaines pages de droite) de Thomas Fleckenstein (dont celle de la couverture), qui évoquent l'Islande.

Drôle de pays que celui-là, peu densément peuplé, du fait de ses conditions géographiques particulières. Évoquer l'Islande revient donc à parler de ses paysages "originaux". Ce à quoi s'attelle Florent Toniello ici.

À chaque prose correspond son élément naturel (géologique, animal), chaque titre de prose étant rédigé en Islandais, avec la traduction de ce même titre en français en fin de texte. Le petit jeu consiste évidemment à deviner ce qui est évoqué !

Ainsi, les textes de "Hraun" constituent à la fois une mise en situation renouvelée, ainsi qu'une prouesse de langage. En effet, l'auteur rentre véritablement dans la peau de la chose évoquée, à la première personne du singulier, comme s'il s'agissait de son propre corps. Il détaille les sensations possibles entraînées par le contact avec l'environnement. Or, les paysages d'Islande, tourmentés, se prêtent à merveille à ce genre de turbulences.
Bien sûr, on ne saura pas, à moins d'un progrès scientifiques certain, si ces sensations sont vraies. Du moins, elles semblent tout à fait réelles, dans leur personnification. 

Au final, la qualité de ces proses étonne, le langage se collant à la réalité, cherchant à la rattraper. Il en résulte une langue riche écrite au présent de l'instant saisi. C'est bien, me semble-t-il, le but le plus sérieux d'une écriture. Ces descriptions intérieures ont lieu dans un même souffle, d'où des textes sans majuscules, dans lesquels les mots sont tout juste séparés par des points et des virgules.

Extrait de "Hraun", de Florent Toniello, le texte qui donne son titre au livre :

"d'abord le jaune cru, l'orange vif, le rouge qui chante. sente ponctuée de nuances, lents contours d'obstacles vains, ravines encombrées de viscosité. me grille à la simple odeur, fumet décapant à l'ascension placide. hauts survols quiets, seule ici-bas pour affronter le coulis suis, collée à la terre. les fuites sont épuisées, racines et mycéliums en avant-poste de désolation. frôle les boursouflures, projections paresseuses d'inexorable avancée. goûte les flammèches, titille les rives. silence aigu dans le rift, glougloutements en goguette, embrasements épars dans un champ d'étincelles. hésite encore. la fonte déboule sans me prêter attention, trempée soudain suis. effort d'adaptation, du mucus à foison, m'arrache à la torpeur contemplatiente. sonde la profondeur. évalue au jugé. tohu-bohu brûlant de fusion fruste. noyade écartée, flottement réussi, plongée franche. dans un cocon de l'infini, telle une hibernation ardente, exploratrice en route pour des parsecs. remue calmement, libérée du poids des parasites grillés. à fond guidée par le courant intraitable, me replie sur mon appendice, gouvernail opportun. transport lent mais précieux, communion vulcanienne qui défie les distances, à la dérive suis, continent impur dans un carcan impétueux. me cogne contre les écueils, absorbe la chlorophylle imprudente, lape le bouillon mixte de corps brûlés. émerge un instant. delta aux branches multiples, embranchements labyrinthiques, jetée dans la bouche d'un torrent qui atteint les mille bras suis. nul répit, bords à peine solidifiés, sourds, dégouline, suinte mon guide ardent, braises mouvantes qui vaporisent les bains liquides étourdis, m'interroge sans retenue. souffre adoré, ardeur prenante, fumerolles, crépitements, labile chemin emprunté en confiance. me tords de la chaleur reçue, me craquelle sans jamais m'ouvrir. pulsions de l'écarlate à l'incarnat, explosions diffuses. geysers qui pétaradent à qui ira le plus haut. à l'assaut de la rive en contrebas, franche dans le coulage incarné suis.

LAVE"

Si vous souhaitez vous procurer "Hraun", de Florent Toniello, qui est vendu au prix de 15 €, rendez-vous sur le site de son éditeur : https://michikusapublishing.com/book-shop/