On ne peut pas dire le contraire : parfois fond et forme se
correspondent. Quand il s'agit, comme ici, de parler du travail, cette
obligation, cruelle pour certains et ennuyeuse pour la plupart, les secousses
successives qu'il faut mettre pour y aller et faire sa journée, peuvent être
traduites par ces phrases coupées, ces reprises, ces parenthèses et ces
incises.
Publié après "Nous avons marché", "Camarade"
de Yannick Torlini est un recueil plus accessible à la lecture immédiate, par
l'usage formel de courtes proses. A vrai dire, je l'ai lu d'une traite et sans
ennui.
Le "Camarade" de Yannick Torlini me rappelle un peu
celui de Christophe Manon. Mais il est tout à fait différent de cet autre
camarade, en ce sens qu'il n'appelle pas à la révolution qui fait rêver. Et si
révolution il y a, c'est sa forme primaire qui subsiste, celle de la révolte
individuelle.
En parlant au travailleur et en parlant en son nom, l'auteur
décrit surtout la cruauté du travail salarié, avant, pendant, après. Ses
dégoûts, ses dommages et ses séquelles.
Les derniers textes du recueil donnent d'ailleurs dans une
fragmentation de plus en plus radicale, les mots ou morceaux de phrases étant
séparés par de longs traits de suspension (ça m'a fait penser à l'effort
solitaire du skieur de fond, c'est peut-être bête mais c'est comme ça !).
Une écriture au couteau, dans laquelle aucun des mots employés ne
paraît être de trop. Et à travers le travail, c'est aussi le lyrisme (autre
générateur d'illusions), qui semble être combattu de toutes ses forces par
l'auteur.
"un autre matin il n'y a pas d'heures, un autre matin un
autre travail, toujours le même, si le geste changé n'est que toin
ressassement, à la glaire de fatigue, au sang qui songe tes restes. reste,
camarade, reste travaillé, reste en vie pour-tant".
Pour vous procurer ce
recueil, vendu au prix de 14 €, écrire à l'éditeur : éditions Isabelle Sauvage,
Coat Malguen, 29410 Plounéour-Ménez.
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