samedi 28 décembre 2013

"Démolition", de Jean-Christophe Belleveaux


Mais pourquoi donc préférais-je toujours la poésie de l'insatisfaction ? Comment mon cerveau est-il fabriqué ? Quand tout va bien, je m'emmerde et quand tout va mal, ça me va mieux. Et le pire est que ce recueil a été écrit pendant une résidence d'auteur ! Au moins, pour une fois, on est pas dans la couleur locale !
Quoique le tout va mal doit être nuancé. Je parlerai plutôt d'insatisfaction, comme au début de cette chronique. Rien de politique, là dedans. Juste une insatisfaction générale et qui prend le monde à témoin, l'émiette, l'atomise jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien, comme si l'explication de ce monde pouvait exister dans l'infiniment petit.
Plutôt que le mot démolition, c'est le mot déconstruction que j'emploierai...l'auteur s'y reprend d'ailleurs à quatre fois, nombre de parties de ce recueil, pour déconstruire son environnement...
Bien sûr, la place de l'auteur au milieu de ce monde trop vaste est en jeu. Bien sûr, le poète n'y trouve jamais sa place, malgré les périodes d'accalmie. ça se sent aussi que Jean-Christophe est un voyageur. Il faut toujours qu'il aille chercher ailleurs. Et c'est justement ce que j'aime. Ce mouvement perpétuel en vue d'un équilibre qui demeure introuvable. Mais tant pis, je préfère quand ça cherche, comme si l'auteur allait trouver la solution du bonheur et de la connaissance avant moi, le lecteur. En fin de compte, il n'y a pas de solution, mais il y a la recherche qui demeure en mémoire.
Dans "Démolition", comme dans les derniers recueils que j'ai lus de Jean-Christophe Belleveaux, l'auteur s'amuse davantage avec le langage, il s'amuse de ses faux semblants. Et après sa dernière pirouette, il dévoile le vide qui perdure.
Pour la route, un poème extrait de "Démolition" :

"mon monde est trop plaintes, ma poitrine en déborde
ça dégouline,
ruisselle hors de la tartine,
geint, se répand,
ça bouillasse avec les cendres
plutôt répugnant

relis Vigny, Alfred de
La mort du loup
va, gobe la stoïque leçon
"Fais énergiquement ta longue et lourde tâche"
obtempère à la simpliste et fatale géométrie
qui joint le point A au point B

je fore vers mon nadir
insoucieux de l'alarmiste sonar

l'entropie mesure
le degré de désordre d'un système
par rapport à son état initial probable

entropie croissante
certes"


"Démolition" est illustré par Yves Budin (et les illustrations collent au sujet sans vouloir y coller absolument), habitué des Carnets du Dessert de Lune, l'éditeur. Il est disponible au prix de 11 €. Pour plus de renseignements, http://www.dessertdelune.be/

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