jeudi 17 septembre 2015

Jan Bardeau & compagnie


Drôle de vie que celui-là. Drôle dans tous les sens du terme. Drôle comme original et comme marrant (et en même temps pas marrant).
C'est l'histoire d'un mec perdu dans les méandres d'une ville trop immense pour lui. Car elle est partout, cette présence féminine (car la ville est féminine). Elle c'est aussi une femme, elle c'est encore une senteur, ou bien une fleur, quelque chose qui donne envie de bouger, même si ce n'est que les yeux. 
Car bien entendu, dans une ville, il y a aussi les méchants anonymes. Ceux qui hantent les pavés. Nous-mêmes, quand nous voyons la misère allongée sans bouger le petit doigt, ou quand nous nous subordonnons à la machine bien huilée de l'emploi salarié.
Heureusement que cette soif de liberté redonne des couleurs à ce qui n'en a pas d'ordinaire. Et l'auteur s'amuse avec les choses de la vie, en leur donnant des dimensions minuscules par la parole. 
C'est que Jan Bardeau écrit sous les contraintes. Celles-ci sont de plusieurs sortes : ne jamais utiliser les auxiliaires être ou avoir, ne jamais utiliser dans deux textes différents les mêmes verbes et substantifs.
Ceci étant dit, ces contraintes n'entament pas la volubilité de l'auteur. Sauf peut-être, que plus on avance dans le recueil, plus les textes deviennent étranges. Et la contrainte apparente (qui n'en est pas une), c'est de constater l'existence de nombreux jeux de mots basés sur des assonances. Et à la fin, le lecteur découvre le babil du nouveau-né, avec le vocabulaire en plus :

"Ouf, le ruisseau t'embaume baba, baba bois, bois baba, les douleurs s'estompent, leurs morsures guettent toutefois, baba là-bas t'extirpe de toi, baba, sous le bât, oh baba, l'onde féconde délate la graisse de l'usine, baba, et ton ancienne faconde exploserait presque le béton de ta parole d'ouvrier, baba, le bois ramage et grignote et gigote, baba, ouf, sous l'ombrage des frondaisons, baba, ils ne te rabattront pas, ne te choureront pas ton choix;
baba ne balbutie pas, il souhaite adieu;
plus de baba".

Bref, une véritable expérience d'écriture qui se caractérise par sa richesse créative.
Alors, me direz-vous : qu'en est-il du "Et compagnie" ? Dans ce recueil qui fait partie de cette collection pilotée par Walter Ruhlmann, la compagnie c'est celle des illustrations de Sébastien Russo, de l'expressionnisme en BD, que j'aime beaucoup. Quant à la couverture, elle est superbe et est traversée par l'homme qui ne riait jamais (mais qui nous fait rire) : Buster Keaton.

Pour vous procurer "Jan Bardeau et compagnie", vendu au prix de 5 € (+ frais de port), vous pouvez aller faire un tour sur le blog de l'éditeur (Walter Ruhlmann de mgv2>publishing) : http://mgv2publishing.blogspot.fr/ 

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