"Nous avons marché", de Yannick Torlini, est un recueil
de poésie de révolte essentielle.
Une révolte mâle et mate, indifférenciée.
D'ailleurs, dans deux des trois parties qui composent ce livre,
l'auteur emploie le nous plutôt que le je. Et quand il parle de Tarik, il
s'agit encore d'un archétype de réfugié, dans les yeux de qui chacun d'entre
nous devrait être capable de se reconnaître.
Ainsi, ce que j'aime tout particulièrement dans "Nous avons
marché", c'est cet appel à l'action continuel et inconditionnel, qui est
lancé contre tous les assis. Cela change des vieilles poésies lyriques qui
célèbrent plutôt l'immobilisme. C'est la poésie du vivant contre celle des
morts, Mais c'est aussi la poésie de la mort, car celui qui veut agir est
condamné à tourner en rond, dans sa langue comme dans sa vie. Et peut finir par
être tué ou pire, par être de nouveau enfermé.
"Nous avons marché" est également un texte obsessionnel.
Le lecteur ne peut que remarquer immédiatement ses itérations. Dans la première
partie, "nous avons marché", dans la deuxième, "Tarik a vingt
cinq ans", dans la troisième partie, "nous avons fui".
A la première partie, "Tenir registre", j'avoue avoir
préféré la deuxième, intitulée "Tarik (manuel d'exil)", qui esquisse
l'histoire d'une tierce personne, ainsi que la dernière : "S'échapper
échapper" où plus subtilement, l'écriture, tout autant que par itération,
progresse par glissements, inversions , et semble avancer dans une espèce de
nappe sonore.
Par exemple : "Nous avons fui nous avons la lumière laissé passer, respiré
étouffé la lumière comment, lorsque plus rien ne parle et la lumière et du soir
au matin et bien moins que la brèche, refermée. Nous avons couru loin et l'espoir
lorsque nous avons fui l'espoir, nous avons couru, oui. Loin si loin comment le
corps n'a pas suivi comment, quelle distance quelle limite, lorsque la pensée
plus loin que les murs les barreaux ignore, la pensée lorsque la pensée et le
simple désir de s'échapper échapper fuir, le corps le trou la grotte s'échapper
échapper fuir. Ce monde où le jour jamais le jour la lumière, jamais, la
lumière. Ce monde où".
"Nous avons marché" est finalement un recueil de poésie
qui ne se laisse pas distraire par la poésie. Et c'est sans doute cette
exigence là qui lui donne toute sa valeur.
Pour vous procurer ce livre, vendu au prix de 15 €, rendez-vous
sur le site de l'éditeur http://www.al-dante.org/
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