samedi 3 mai 2014

"Rester debout au milieu du trottoir", de Murièle Modély




A la lecture de "Rester debout au milieu du trottoir", deuxième recueil publié par Murièle Modély, je me dis que s'il y a une poésie réaliste, c'est bien celle-ci.
Dans ce recueil, l'auteur s'intéresse exclusivement aux rapports hommes femmes, dont on devine qu'ils ne nagent pas dans l'opulence matérielle et qu'ils sont bien paumés.
Souvent d'ailleurs, les femmes sont des prostituées et les hommes sont violents et pas très courageux. Bref, un univers plutôt macho. Et une poésie des villes, plutôt que des petites fleurs de la campagne.
Vivre en couple dans ces conditions n'est pas chose rêvée, ce qui n'empêche pas aux rêves d'essayer de se déployer, en vain.
Mais pour autant, ces poèmes ne sont pas des lamentations. Ils sont empreints d'une dureté que je trouve naturelle. Ils ont ça en eux. Et franchement, cette vie dure n'est pas si insupportable qu'elle en a l'air. Est-elle magnifiée ? Pas davantage. Elle est comme ça, tout simplement.
Ce monde là, également rempli de non-dits, trouve dans les poèmes en vers qui composent "Rester debout au milieu du trottoir" une forme adéquate : des vers et des strophes courts également, parfois décalés dans la page pour des dialogues sans guillemets, des passages en italique. C'est une poésie des raccourcis en images.
En résumé, l'écriture de Murièle Modély a une poigne d'enfer.
Et à lire ce recueil, je me dis qu'elle ne devrait pas s'arrêter en si bon chemin.
Ci-dessous, un poème choisi parmi tant d'autres, aussi puissants :
 
"Se souvenir ne mène à rien
 
Avant lui
Avant la montée dans les escaliers
Avant l'appartement dans lequel ils étouffent
Avant les poings rageurs qui tapent à la porte
Avant les hurlements à l'intérieur du crâne
Avant la peau qui plisse, les commissures qui tombent
Avant le ventre vide pour mieux se tordre encore
 
Il y a eu un jour
une fillette rousse qui attrapait des mouches
qui créait des étoiles
en appuyant très fort les doigts sur ses paupières
 
Si elle plisse les yeux en serrant des mâchoires
Elle ne l'aperçoit pas dans le tain du miroir".
 
A signaler enfin les photographies doucement suggestives de Bruno Legeai.
 
Pour vous procurer "Rester debout au milieu du trottoir", vendu au prix de 12 €, écrivez à l'éditeur : contact@editionscontre-ciel.fr, ou "Contre-Ciel", 80 route de l'Europe, 59122 Oost-Cappel.

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