lundi 12 octobre 2015

"Un grisé cependant", de Line Szöllösi


La poésie de Line Szöllösi est délibérément lyrique, autant vous prévenir tout de suite. A mes yeux, c'est une qualité.
Détail amusant : dans ce recueil intitulé "Un grisé cependant", et que publie Jean-Pierre Lesieur en complément à sa revue "Comme en poésie", les poèmes (tous en vers libres) raccourcissent au fur et à mesure que l'on avance dans la lecture du livre.
Le premier texte - "L'H" c'est celui de l'hortensia - se prolonge sur plusieurs pages. Quant aux autres textes, ils font une page, et à la fin, il y a deux poèmes par page. 
Ici, plus qu'ailleurs, la multiplicité des images visuelles vient de la multiplicité des mots employés. De ce point de vue, le titre du dernier poème de "Un grisé cependant" éclaire le reste du recueil, puisqu'il s'intitule "Éloge du vocabulaire".
La démonstration se vérifie particulièrement dans "L'h", dans lequel le mot hortensia appelle un monde entier. Il y a de la virtuosité là-dedans. Et aussi de la fantaisie, si ce n'est de l'humour. 
A lire ces textes, je me dis que Line Szöllösi cache sa sensibilité derrière ses pirouettes, et son ironie, épaulée par un sens aigu de l'observation, n'est pas pour me déplaire.  Car j'aime bien que le poème, reflet de nos états d'âme changeants, reflète également la diversité du monde.
Voici un poème extrait de "Un grisé cependant" :

"Le centre administratif

A découper suivant les pointillés
pour une remise en cause, je vins à ce chef-lieu
passée la forêt aux terres brûlées

découper
le cavalier seul, le pipe-line sur le bord du fleuve
les singes en liberté
et je fus taverne Flamingo
jouer au consul, vieux rêve de mescal

découper la seconde partie du jour
devant moi soudain le donia sur son alezan
et les bottes de cuir de l'homme qui l'escortait,
découper une sorte de balançoire mentale,
action répétitive, salutaire pour oublier

puis prendre un numéro de 1 à 100
à l'entrée, après le sas en plastique
découper la tête de l'employé
à moustache en forme de soutache
et le dossier bien mérité en main
découper la sous-préfecture
le bus du retour, méthodiquement
y compris les voyageurs
suivant fidèlement les pointillés
afin de supprimer les formulaires
et ce que trafiquent les registres
à l'abri de leurs grands ciels nuageux."


Pour commander "Un grisé cependant", de Line Szöllösi", vendu au prix de 6 €, rendez-vous sur le blog de la revue "Comme en poésie", http://comme.en.poesie.over-blog-com/

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