Publié par les Éditions "Le Pédalo ivre", "Soleil plouc" est le deuxième livre de Laurent Bouisset.
Le premier, je le connais bien, l'ayant édité à l'enseigne du Citron Gare.
Alors, commençons par dire quelque chose de simple et d'imprécis : "Soleil plouc" se situe dans la continuité, et en même temps, constitue une évolution, par rapport à "Dévore l'attente".
En effet, le lecteur y trouve ce qui fait l'originalité de l'écriture de Laurent Bouisset.
Un côté énervé, célinien (avec tout de même quelques points d’exclamation, des caractères en italique ou en majuscules, des points de suspension, marquant des changements d'intensité).
La différence avec Céline (pour citer cette référence d'ordre général), c'est qu'il y a là le vrai souci de l'humanité souffrante, son obsession même, et une lucidité constante par rapport à son impuissance à changer les choses.
En ce sens, "Soleil plouc" reprend "Dévore l'attente", là où il l'avait laissé.
Les poèmes, ici, digèrent davantage leur révolte, le temps aidant, devenant plus lyriques et adoptant un sourire lucide et lumineux qui vient sans doute de l'Amérique latine.
Ces poèmes donnent aussi plus dans l'humour. Ils trouvent surtout leur format naturel, leur respiration évidente, je devrais peut-être dire, leur "souffle". Cette manière de commencer à raconter une histoire en vers, puis de digresser. Et plus des mots sont ajoutés, plus l'auteur semble en retrancher, comme s'il cherchait à retenir une vérité, avant qu'elle ne s'échappe malgré tout.
Il faut préciser aussi que Laurent Bouisset pratique avec aisance la lecture orale, la performance, et donc il sait rythmer ses poèmes, les faire progresser, si la nécessité de leur développement est là (car à l'inverse, certains poèmes dans "Soleil plouc" sont très courts).
Extrait de "Soleil plouc", "Un sourire vrai" :
" Pour mes amis guatémaltèques
valeur entière à ce cliché
ce lent cliché que mentalement
du grand volcan
je suis en train de développer
parce que justement : il n'a rien d'immortel
l'impression essaimée par mes seuls yeux
aura la beauté d'être brève
et détachée du lieu bientôt
déjà je vois que se retire
un petit gant de brume molle
des hauteurs apaisées du grand cratère
déjà j'entends couler de l'eau
et je le découvre volatil, le caféier
mouillée de nuit cette prairie impertubable
dont l'herbe fuit,
les arbres courent et le vert sombre...
" Pour mes amis guatémaltèques
valeur entière à ce cliché
ce lent cliché que mentalement
du grand volcan
je suis en train de développer
parce que justement : il n'a rien d'immortel
l'impression essaimée par mes seuls yeux
aura la beauté d'être brève
et détachée du lieu bientôt
déjà je vois que se retire
un petit gant de brume molle
des hauteurs apaisées du grand cratère
déjà j'entends couler de l'eau
et je le découvre volatil, le caféier
mouillée de nuit cette prairie impertubable
dont l'herbe fuit,
les arbres courent et le vert sombre...
au bord sans bruit de disparaître
ou de rêver...
un cheval brun discret attend...
pour n'avoir rien voulu garder de ce tableau
pour avoir oublié le mot vouloir sur un caillou
j'ai regardé ma vie sans haine
j'ai goûté l'heure obscure intensément
debout, seul
égaré de mes projets
face au silence assis
du géant rocailleux en arrière-plan
qui sans peine aurait pu
me terrasser de suffisance
mais préférait, je crois
régner sas morgue
massif et léger face au temps
un peu de pluie chaude approchait, je me souviens...
ou je croirai m'en souvenir un jour, faible nuance...
alors j'ai semé pour conclure
un sourire vrai dans la terre calme
avant d'emprunter le chemin du soir
allégé d'un volcan entier et le pas lent"
Si vous souhaitez en savoir plus sur "Soleil plouc", de Laurent Bouisset, qui est vendu au prix de 10 € (+ 3 € de frais de port si achat par correspondance), rendez-vous sur le site de l'éditeur (le Pédalo ivre) : http://www.lepedaloivre.fr
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