Publié par les Éditions Urtica, le "Journal", de Jan Bardeau couvre un temps assez court. En effet, si l'on se fie aux dates, il débute le 4 août 2018 et s'achève le 28 avril 2019.
C'est un drôle de texte, composite, qui, s'il décrit les états d'âme de son auteur, évolue au fil du temps, et ne s'attache pas toujours ou directement à la vie quotidienne.
Au début, c'est plutôt très philosophique (et donc j'ai du mal à suivre), mais très vite, au fur et à mesure des pages, la description de la lutte des classes prend le dessus, et là, du coup, je comprends tout.
Cette lutte des classes qui s'exprime semble, tout d'abord, tirée de la vie de l'auteur. Puis, comme si Jan Bardeau se rendait compte de l'inanité d'une critique sociale aujourd'hui (à peu près systématiquement étouffée par les médias), il la déplace de plus en plus dans un pays de science-fiction, en avant ou en arrière sur notre présent.
Et finalement, le livre s'achève sur plusieurs évocations printanières.
Quoi qu'il en soit, ce livre porte la marque du style de Jan Bardeau.
Un côté distingué et un autre foutraque, voire barbare, à la fois. Une façon très imagée de décrire la marginalité, avec beaucoup d'humour, mais sans illusions. Parfois, même, les histoires se finissent très bien, comme si tout cela - ces malheurs et déceptions - n'était pas très important, au regard de la totale absurdité de l'existence.
Extrait du Journal de Jan Bardeau :
"19 janvier 2019
Dans les séries télévisées, quand une importante pollution touche les populations civiles, immédiatement, les autorités, composées pour l'essentiel d'hommes et de femmes valeureux et intègres, installent un dispositif considérable afin de sauver le plus grand nombre de vies humaines. Lorsque les cuves de l'usine qui bordent notre commune de Hareng-sur-Atout furent déversées dans la Coulpe, la rivière qui serpentait doucettement au travers de nos champs par suite de la fermeture soudaine de l'entreprise et de la fuite de ses dirigeants, personne ne réagit. Un liquide vert, légèrement fluorescent, qui se révéla, bien après, contenir de très fortes teneurs en rosbiphate de berruyonium, se répandit, se diluant progressivement jusqu'à la Lie, dont la Coulpe formait l'un des affluents. Vitement, nous constatâmes notre intoxication par le produit : nous languissions, nous n'imaginions plus que de flâner, de rallonger et multiplier les libations, les querelles, entre nous Harengeois, dont le souvenir des causes dépassait souventement les possibilités de la mémoire, s'apaisèrent. Nous nous invitions mutuellement, nous bourrions d'accolades en guises de claques, et les poutous baveux remplaçaient dans les bouches les mots fielleux. Lorsque l'administration sanitaire envoya un expert sur place, celui-ci se borna à constater l'ampleur des torts causés et recommanda à la hiérarchie de circonscrire les lieux, empêcher toute divulgation dans les médias de la situation, couvrir le tout d'un couvercle bien étanche et oublier l'histoire, ce qui, apparemment, constitue la procédure habituelle en pareil cas. Rarement autant, l'indifférence des puissances ne nous bénéficie."
"19 janvier 2019
Dans les séries télévisées, quand une importante pollution touche les populations civiles, immédiatement, les autorités, composées pour l'essentiel d'hommes et de femmes valeureux et intègres, installent un dispositif considérable afin de sauver le plus grand nombre de vies humaines. Lorsque les cuves de l'usine qui bordent notre commune de Hareng-sur-Atout furent déversées dans la Coulpe, la rivière qui serpentait doucettement au travers de nos champs par suite de la fermeture soudaine de l'entreprise et de la fuite de ses dirigeants, personne ne réagit. Un liquide vert, légèrement fluorescent, qui se révéla, bien après, contenir de très fortes teneurs en rosbiphate de berruyonium, se répandit, se diluant progressivement jusqu'à la Lie, dont la Coulpe formait l'un des affluents. Vitement, nous constatâmes notre intoxication par le produit : nous languissions, nous n'imaginions plus que de flâner, de rallonger et multiplier les libations, les querelles, entre nous Harengeois, dont le souvenir des causes dépassait souventement les possibilités de la mémoire, s'apaisèrent. Nous nous invitions mutuellement, nous bourrions d'accolades en guises de claques, et les poutous baveux remplaçaient dans les bouches les mots fielleux. Lorsque l'administration sanitaire envoya un expert sur place, celui-ci se borna à constater l'ampleur des torts causés et recommanda à la hiérarchie de circonscrire les lieux, empêcher toute divulgation dans les médias de la situation, couvrir le tout d'un couvercle bien étanche et oublier l'histoire, ce qui, apparemment, constitue la procédure habituelle en pareil cas. Rarement autant, l'indifférence des puissances ne nous bénéficie."
La photo de couverture est de Jan Bardeau.
Si vous souhaitez vous procurer "Journal", de Jan Bardeau, qui est vendu au prix de 8 € (hors frais de port), rendez-vous sur le blog de l'éditeur : http://urticalitblog.blogspot.com/
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