dimanche 17 novembre 2024

"Trouble-miettes", de Julie Cayeux

 



Co-édité par "Décharge" et "Gros textes", dans la collection Polder, "Trouble-miettes" est un recueil de courts poèmes en vers libres de Julie Cayeux.
J'ai d'ailleurs confondu, dans ma tête de lecteur, ces poèmes en vers libres avec des proses poétiques tellement ils racontent une histoire, ou décrivent une action.

Le contraste est important entre forme et fond dans "Trouble-miettes".

Si chaque texte se décline avec souplesse (celle du style donné par les images visuelles qui le peuplent), un combat a lieu d'abord avec soi-même, puis avec l'extérieur.
Et pour mener ce combat de tous les instants, il faut faire preuve de beaucoup de souplesse avec son corps, en faire tout un monde.
C'est ce qui se passe ici, avec ces poèmes.
J'ai évidemment beaucoup aimé la qualité des images qui remplissent ces maux-là. C'est comme si elles éclaircissaient le propos, comme si ces cataclysmes intérieurs / extérieurs renouvelés à chaque page n'étaient pas si graves.
Ce "Trouble-miettes" joue bien un peu les "Trouble-fêtes" !

La couverture est d'Anne Sterenn. La préface de Florentine Rey.

Extrait de "Trouble-miettes", de Julie Cayeux :

"Aplatie sur le lit des murmures s'épinglent
à l'orée de sa bouche
Nous ne sommes pas dupes
hurle la télévision
Et ce qui dégouline, ce sont des yeux
   gommés
une image en plastique et mille vies
   cloquées
Des pensées moches comme des furoncles
explosant sous sa langue
Est-ce pire de s'habituer ou bien de
   renoncer ?"

Si vous souhaitez vous procurer "Trouble-miettes" de Julie Cayeux, qui est vendu au prix de 7 €, rendez-vous sur le site des éditions : https://www.dechargelarevue.com/-La-collection-Polder-.html

mercredi 23 octobre 2024

"Il y aura toujours", de Victor Ozbolt

 

Publié par les Éditions Encres Vives, dans la Collection Encres blanches, "Il y aura toujours", de Victor Ozbolt, est un recueil de poèmes en vers libres d'une trentaine de pages.

Munis de leur présentation plus singulière qu'il n'y paraît dans le milieu de la poésie (vers courts centrés, avec un espacement entre eux, et séparés en strophes), ces textes portent leur caractère sur eux.

Je veux dire par là qu'ils montrent ce qu'ils expriment. De l'espace en eux, soulignant leur côté aérien. De la simplicité également, à la fois dans l'écriture (pas si facile que cela à obtenir) et la perception. Comme une invitation au rêve permanente, à l'espoir surtout. 

De ce point de vue, le titre résume bien le sujet du recueil : "Il y a toujours" (un moyen de s'en sortir, ou de voir le bon côté des choses).

À noter qu'ici les vers sont vraiment des vers, plutôt que des phrases découpées en vers.

Extrait de "Il y aura toujours", de Victor Ozbolt :


"Contre-attaque


Malmenés fragilisés

C'est pourtant à cet instant

Qu'il nous faut contre-attaquer


Inverser les paysages

Convier d'autres créatures

Et d'autres chorégraphies


Éblouir en mélangeant

Les maillots et les miroirs

Les crampons et les comètes


Les ballons et les saphirs"



La couverture est de Lisa Noël.

Si vous souhaitez vous procurer "Il y aura toujours", qui est vendu au prix de 6,60 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://encresvives.fr/
Sinon, contact : encres.vives34@gmail.com

samedi 19 octobre 2024

"365 + 1", de Thibault Marthouret

 

Sous-titré "poésie d'anticipation", "365 + 1", de Thibault Marthouret, est son cinquième recueil publié, cette fois-ci par les Éditions de l'Attente, dans la série "Alimage".

Il est précisé, à l'intérieur de ce nouveau livre, que "l'auteur a bénéficié d'une résidence à la Factorie, Maison de Poésie / Normandie."

Tous les poèmes du recueil, qui sont au nombre de 365 (soit, pas difficile à deviner : un poème par jour), se proposent de faire le tour d'une année, même si cela est avant tout un symbole. Et tous les poèmes débutent par "Portrait de demain". 
S'il s'agit là de "poésie d'anticipation", je crois qu'on peut mettre dans cette expression toute la distance de l'ironie. Toute la distance pour se rapprocher du réel. Car "poésie d'anticipation" ne signifie pas surtout science-fiction. Si l'anticipation existe, elle découle directement du présent.
Ce n'est certainement pas un appel à la révolte, mais plutôt, et plus simplement, un appel à appréhender le monde dans son immédiateté et sa richesse.

Cette proximité du futur va de pair avec la proximité de l'espace. Des objets ou sensations familiers sont évoqués, mais tout n'est non plus bêtement réel. Ceci n'est pas une liste ! 
L'extrême variété de "365 + 1" est à souligner. Aux notations les plus brèves répondent des poèmes plus développés où les images en appellent d'autres, et où la critique d'états de fait est plus présente aussi.

Bref, le lecteur que je suis ne s'est pas ennuyé avec ces "365 + 1". J'aimerais parfois que le quotidien se pare de tels oripeaux. Sauf qu'il ne tient qu'à nous de l'habiter autrement, le quotidien ! 

À noter, en fin de volume, l'initiative originale d'ajouter un index thématique. Plutôt rare, pour un livre de poèmes !

La photographie de couverture est de Franck Pruja.

Extraits de "365 + 1", de Thibault Marthouret :

"166.
Portrait de Demain
ébouriffé : un chant d'oiseau
répond à l'écho d'un autre,
un troisième interjette;
la forêt tourmentée relaie le message
- les réseaux essentiels ont résisté.


167.
Portrait de Demain
en question qui ne se pose pas,
Demain sûr de soi, de lui, de toi, pris
pour acquis, solide
comme un roc que la nuit dilue.

168.
Portrait de Demain
parce qu'hier, nous t'avons assez vu,
trop vu, vu au présent et conservé
comme une dent de lait,
une mèche de cheveux blonds et bouclés
à l'intérieur d'un médaillon,
préservé comme un oignon blanc,
passé au formol, passé à la saumure,
Hier restauré, Hier patrimonialisé.
de patrimoine usés, sclérosés,
nous te portons aux nues,
nous n'osons plus avancer,
devenir autre chose que des touristes
ou des gardiens de musée,
nous suffoquons dans tes filets,
dans tes rets de passé réécrit, fantasmé,
projeté sur l'avenir comme ces toiles de maître
qui flottent, ectoplasmiques,
sur les murs des anciens bunkers,
des anciennes fonderies. Aujourd'hui,
nous faisons la queue
pour qu'on nous trompe l'œil."

Si vous souhaitez vous procurer "365 + 1", de Thibault Marthouret, qui est vendu au prix de 17 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.editionsdelattente.com/book/3651/

dimanche 13 octobre 2024

"Ohitza", d'Anne Barbusse, Louis Ausquichoury et Loan Diaz

 

"Rencontre par la poésie et par l'image" : voilà qui résume bien ce livre, publié par le collectif Poetisthme.

Anne Barbusse et Loan Diaz ont écrit les textes du volume, bien longtemps après que les photographies aient été prises, dans les années soixante et soixante-dix. Louis Ausquichoury, auteur de ces instantanés, souvenirs d'un géomètre voyageur, les a léguées à Loan Diaz qui ne voulait pas qu'elles restent dans l'ombre.

Cela aurait été dommage, car ces photographies constituent un document précieux sur la vie des pays visités, hors Occident : Cameroun, Sénégal, Soudan, Égypte, Jordanie, Israël, URSS. 

J'ai beaucoup aimé ces photos. Pour leurs couleurs tout d'abord : dominante de bleu sombre et de noir. Le fait aussi que les personnes dessus ne sont pas toujours bien visibles. Cela ajoute à l'aspect sauvage des images, à leur spontanéité, désormais figée par le temps.

Car on est ici aux débuts du tourisme de masse. Alors, ces photos, il fallait les faire parler. Ce à quoi s'emploient Anne Barbusse et Loan Diaz, chacun à leur manière.
À l'objectivité apparente (description de l'image) d'Anne Barbusse répond l'intériorité de Loan Diaz. Deux manières différentes de voir et d'interpréter, mais qui dénoncent / déplorent le complexe de supériorité de nos pays face à l'Afrique et le Proche Orient, ainsi que le totalitarisme de l'ex-URSS.

L'avant-voir (ou préface) est de David Paigneau.

Extrait de "Ohitza", d'Anne Barbusse et Loan Diaz (la photographie correspondante est "transcrite" en première de couverture) :

"entre l'eau du fleuve large et la craquelure des terres
homme en blanc marche de dos ne sait pas
un muret de béton draine la réalité
toutes les lignes de fuite convergent vers la droite
y compris
les quatre fils électriques
(puis cela débouchera plus tard
sur le global warning)
l'homme fuit vers la ligne de fuite fuit
le photographe part vers l'avenir ne sait pas
le vent engouffre l'étoffe blanche
la terre vierge l'eau lisse s'offre à la captation des
énergies
le monde semble encore pur

[Anne Barbusse]

un autre riverain des marges, né pour déborder les frontières, celles que tu n'as jamais pu colorier qu'en franchissant les pointillés et les traits.

est-ce pour rejoindre les autres évadés des cartes, est-ce pour perpétuer cette pleine-enfance que tu es si souvent parti ?"

[Loan Diaz]

Si vous souhaitez vous procurer "Ohitza", d'Anne Barbusse, Louis Ausquichoury et Loan Diaz, qui est vendu au prix de 20 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://poetisthme.cargo.site/

lundi 7 octobre 2024

"L'embrasement des siècles", d'Héloïse Combes

 


C'est par le conte et par le rejet du conte que le lecteur entre dans "L'embrasement des siècles", d'Héloïse Combes, publié par les Éditions "Sous Le Sceau Du Tabellion".

Voici déjà l'enfance décrite puis l'échappée de l'histoire familiale, bref, une vie qui semble être racontée par ordre chronologique. 

La deuxième partie, intitulée "la femme du feu des forêts (poèmes bruts)" nous replace justement "brutalement" dans le présent par la description d'un incendie. À partir de là, la nature devient de plus en présente en ces pages. Elle n'a d'ailleurs pas toujours valeur de refuge, contrairement à ce que l'on pourrait croire. La narratrice d'abord besoin de s'y habituer, avant de l'aimer plus particulièrement. C'est qu'ici est décrite vraiment ce qui semble être une nouvelle vie.
La nature est également relation amoureuse.

À noter, en fin de volume, cet hommage rendu à la mémoire de Christian Bobin.

Dans chacune des parties de "L'embrasement des siècles", la passion l'emporte largement sur la toile de fond que constituent la faune et la flore, ce qui n'empêche pas à ces dernières de nimber l'existence d'une aura fantastique.

Extrait de "L'embrasement des siècles", d'Héloïse Combes :

"C'est par amour
Que je n'ai point cédé à tes caprices.
C'est par amour
Que j'ai quitté ta cour il y a ces années.
Des larmes ravalées serrées dans mes poings
Et mes poings serrés dans mes poches
J'ai pris la route des forêts.

Comment t'en vouloir ?
Une vie de femme
Demande plus de courage
Qu'une vie de roi.

L'affront que je taisais,
J'ignorais que tu avais porté
Son sceau avant moi.

J'ignorais l'existence
De la fillette aux yeux violets
Qui jadis allait sautillant
Sur le chemin muletier
Parmi les asphodèles.

J'ignorais en toi l'orpheline
Aux genoux cagneux, aux bras maigres
Qui pleurait sans un bruit
Dans le couloir du pensionnat ?

J'ignorais tes rêves d'alors,
Tes espoirs foudroyés
Ce jour où, enfant nue,
Cet homme étranger t'a saisie au poignet.

Il était jardinier
Au service de tes parents.
Est-ce pour venger sa terre, son sang
Qu'il a brandi
Son arme de chair ?

Les yeux violets
Ont tourné en dedans."

Les illustrations des pages intérieures sont de Georges Lemoine.

Si vous souhaitez vous procurer "L'embrasement des siècles", d'Héloïse Combes, qui est vendu au prix de 18 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.sceaudutabellion.fr/catalogue

"Nous les derniers vivants", de Chloé Charpentier

 
Publié par les Éditions Tarmac, "Nous les derniers vivants", de Chloé Charpentier, est un recueil de poésie qui étonne d'emblée par sa variété, à travers une centaine de pages bien remplies.

Formellement, tout d'abord, les poèmes en vers libres sont entrecoupés de séquences en prose ou de dialogues.
Ce recueil est surtout coiffé d'une préface qui donne le ton du livre, n'hésitant pas à faire part de convictions personnelles. On apprend à l'école et au travail à être le plus objectifs possible. Eh bien ici, on réapprend la subjectivité : expression d'émotions, d'un idéal (un gros mot aujourd'hui).

"Nous les derniers vivants" est surtout un hymne à Gaïa, la Terre, c'est à dire à la nature, mais également à la vie simple qui l'accompagne. Tout le contraire de ce qui pourvoie à la révolte en ces pages : société de consommation, appauvrissement de la nature, vies en villes elles-mêmes appauvries, individualisme et avant tout, absence totale d'imagination, enfin, pauvreté des laissées pour compte de la société.

Bref, le monde le plus ordinaire dans lequel nous vivons : apoétique, avec des acteurs qui sont plongés la tête dans le téléphone portable.
Dans ces poèmes en vers libres, là encore, Chloé Charpentier n'hésite pas à faire éclater sa rage, ce qui est assez rare dans le monde des lettres, d'ordinaire (trop) bien élevé (mais pas dans l'empathie).

À l'arrivée, le résultat est une belle poésie lyrique qui se lit comme elle respire : naturellement.

Extrait de "Nous les derniers vivants", de Chloé Charpentier :

"Les enfants ne meurent plus de la tuberculose
les mères ne meurent plus en couche
et les hommes ont perdu le goût des blessures
            de guerre

Non tout cela est passé
pour nos cœurs plus justes

Les hospices de la Démocratie ont eu raison
            des morts

Soyons fiers mes frères
ornons nos écus et nos insignes
ô puissance - puissance de notre civilisation -
prodigue en art et économe
tout compte pour nous
car nous savons compter

Pour un euro dans une cave clandestine
on coud des habits à Paris
on ramasse des fruits ou des cabosses en
            Afrique
on fabrique des gadgets au lithium
bonne affaire sur la main-d'œuvre
on s'offre des séjours en Thaïlande avec de petites
            friponnes
on ramène des panses décontractées et des
            colliers de fleurs
tous ceux-là et tous ceux-ci
que nous saluons d'un sourire apaisé

Nous sommes bien au-delà de la misère du
            monde
nous avons érigé des textes de loi
plus limpides que les eaux baptismales
enseignés dans l'amour dans la joie et dans la
            paix

Nous sommes horlogers
de la grande horlogerie

Calés dans la vie comme en un vaste champ
regardez le soleil se coucher au loin
et soyez certains de sa courbure intacte
de son feu qui inonde les quatre coins du
            monde

Prenez-en la mesure et prenez la nôtre
sous notre couronne
nous régnons sereinement"

La couverture est une Encre de Chine de Clémence Pierrat.

Si vous souhaitez vous procurer "Nous les derniers vivants", de Chloé Charpentier, qui est vendu au prix de 20 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.tarmaceditions.com/nous-les-derniers-vivants

mercredi 18 septembre 2024

"Vivre farouche", de Théophile Bruno

 

Publié par les Éditions Camp-Volant, "Vivre farouche" est le premier recueil de Théophile Bruno, qui a pris le temps de faire mûrir cet ensemble.

Livre à la fois dense et décanté, à travers ses poèmes en vers libres courts, dans la majorité des cas, "Vivre farouche" est un récapitulatif des rencontres qu'a faites l'auteur au cours de ses pérégrinations.
Mais cela va plus loin.
Au-delà de ces portraits vécus, règne l'ambiance du dehors. En parlant d'ambiance, elle n'est justement pas feutrée. Elle est même plutôt révoltée contre les uniformes et l'uniforme. 
La déploration sur la destruction de l'environnement y est également souvent présente.
Mais là encore, ces seuls constats ne suffisent pas à épuiser le contenu des poèmes publiés ici.
Car il y a dedans (si l'on peut parler de vers qui se situent à l'extérieur), une soif d'épure qui a le goût de la liberté. Et c'est cela le plus important à retenir, me semble-t-il.

Extrait de "Vivre farouche", de Théophile Bruno :

"Elle a connu le vent silex
et la pluie noire

elle n'a cure de se retourner
pour ces faux envols de vagabond

pour adresser une parole
ou
pour encourager d'un mot
ces paumés à tête d'ange
qui cherchent ce lac

où se reflète le ciel
où plongent

les adolescents sans taches"

Les crédits photographiques des pages intérieures sont dûs à Hanne Peeters, Chloé Charpentier et Théophile Coinchelin.

Si vous souhaitez vous procurer "Vivre farouche" de Théophile Bruno, qui est vendu au prix de 12 € (+ frais de port de 2,50 €), rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://editionscampvolant.wixsite.com/monsite?fbclid=IwY2xjawFZL8NleHRuA2FlbQIxMAABHbmgrzT0xFE2fOZh4PYwMqxnCcQlc0cR5PaSg4ziDc-YSKCCwSkPv6Jv_A_aem_jIKjHWKm3X08quMt3sCdgA

mardi 10 septembre 2024

"L'Automne ou le Sac de Rome", de Wisielec

 
Sous-titré "Vaudeville punk en trois actes & 1527 ennéasyllabes", "L'Automne ou le Sac de Rome" (titre qui demeure énigmatique, surtout pour "le Sac de Rome"), de Wisielec, est publié par les Éditions Aethalidès.

Dit autrement, il s'agit d'un long poème satirique écrit en vers de 9 syllabes. Je précise, en outre, que ce poème est divisé en 3 actes plus un envoi (avec une communication en prose qui s'intercale entre l'acte I et l'acte II). Le tout en 102 strophes de 15 vers chacune.

Il me semble essentiel de préciser toutes ces données qui montrent que le lecteur a affaire à un brillant exercice de style dans laquelle la rigueur a un rôle important à jouer. Exercice littéraire (et de calcul !), donc, qui concerne un sujet littéraire. Et quel sujet littéraire ! Le meilleur de France. Excusez mon ironie. Il s'agit des déjeuners d'attributions des prix Goncourt et Renaudot. Les deux académies sont donc au parterre ! Et ce n'est pas triste.

Alors, je vous préviens tout de suite, comme le fait d'ailleurs l'auteur : "Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé serait purement fortuite."
Eh bien, heureusement, parce qu'il se passe quelque chose d'exceptionnel, dans ces deux déjeuners d'académiciens parallèles : drogue, dont la prise entraîne des situations ridicules, provoquant même la scatologie. 
Et pour couronner le tout, les Gilets Jaunes pas très loin, ainsi qu'une attaque terroriste en fin d'après-midi.
Parmi les personnages de cette farce, Virginie et Frédéric, membres et semeurs de troubles des deux académies.

Il est difficile d'aller plus avant dans le détail de ces cent strophes, sans en écrire des tartines, car tout est dans le style et les clins d'œil nombreux. Le livre contient d'ailleurs, en sa dernière partie, un glossaire d'une vingtaine de pages qui éclaire les références de ce texte, la plupart d'entre elles m'étant demeurées inaperçues lors de la lecture.

Je ne suis pas certain que le monde littéraire sorte tellement grandi de cet épisode. Mais c'est bien fait pour lui. À force d'être à côté de la plaque et de s'en moquer ! 
En tout cas, voilà comment j'interprète "L'Automne ou le Sac de Rome". Le style est brillant, dense et riche : arme de précision apte à traduire les mille éclats de voix, surprises, retournements de réunion au sommet !

Extrait de "L'Automne ou le Sac de Rome", de Wisielec :

"13

"Bon, admet-elle, un acteur porno
" Aime exhibitionnisme extrême,
" Et s'accomplir comme joueur pro
" Requiert talent et constance même.
" Très peu sont oints de ce rare chrême…
" Cela, bon sang !, explique pourquoi
" Tant d'écrivains aux vers en détresse
" À Saint-Germain soignent l'entre-soi :
" N'ayant ni la fesse ni l'adresse
" Pour dompter la bite ou le cuir roi
" Ils font carrière en la paraphrase !
- Bernard, ce vote est long d'une toise !
" S'il m'est permis un succinct recez",
Se récrie, avec égard, Françoise,
" Puis-je courir me "poudrer le nez" ? "

L'image de couverture est une reproduction d'une fresque du peintre Raphaël, intitulée "Banquet des noces d'Amour et de Psyché".

Si vous souhaitez vous procurer  "L'Automne ou le Sac de Rome", de Wisielec, qui est vendu au prix de 19 €, rendez-vous sur le site des Éditions : https://www.aethalides.com/wp-content/uploads/2024/08/Wisielec-LAutomne-Extrait.pdf

dimanche 25 août 2024

"Le bourriquet Vlan-Vlan", d'Étienne Paulin

 


Nouveau recueil d'Étienne Paulin publié par les Éditions Henry, "Le Bourriquet Vlan-Vlan" est un recueil de proses poétiques pas tout à fait comme la plupart des autres que je suis amené à lire.
En 2010, j'avais publié un court extrait - qui s'intitule "La bielle" - de ce nouvel opus dans "Traction-brabant".

Je souligne bien entendu ici leur côté décalé qui apparaît d'emblée dans le titre du livre, qu'il m'est impossible d'expliquer. Ce qui ne m'empêche pas de l'apprécier : une histoire d'âne, sans doute, ce "Bourriquet Vlan-Vlan".

D'ailleurs, chacune des proses de ce livre comporte un titre, toujours imprévisible, si ce n'est fantaisiste. Et cela va bien au-delà. Car chacun des textes semble repartir de zéro après le texte qui le précède, affirmant ainsi son irréductible indépendance poétique. 

De plus, à chaque fois, semble être racontée une histoire, au demeurant complètement foutraque, qui tourne court. 
L'intérêt du lecteur tient au fait qu'il cherche à débusquer les ressorts de cette narration, pour savoir comment les mots, dans leur richesse, tiennent ensemble de manière imprévue, avant que l'argument de la prose s'évapore dans une pirouette.

Ci-après "Régiment", extrait de "Le Bourriquet Vlan-Vlan", d'Étienne Paulin : 

"Il y a beaucoup de pleutres et je suis le premier. On m'appelle. Entrez, pleutre.

Le baraquement est sommaire, peu limpide.

- Au moment de la tourbe ?
- Pour sûr.
- Et les airelles, les avez-vous saisies au vol ?
- J'ignore.

L'entretien est aisé. Le commodore m'aiguille de ses questions fleuries. Je répond peu, mal, ses attentes sont comblées. L'adjudant accélère ses supputations, jubile. Lorsqu'il me parle du miel, tout s'éclaire : l'histoire de la courge et du cerf !

Le pilote du planeur, cent ans, s'était pris à feindre. Son passager, la courge, à qui l'on a refusé le pilotage pour une histoire de drap, sciait les angles. Ils se posèrent dans un champ d'avoine et déjeunèrent, mal vus par une aurore australe."

La vignette de couverture est d'Isabelle Clément.

Si vous souhaitez vous procurer "Le Bourriquet Vlan-Vlan", d'Étienne Paulin, qui est vendu au prix de 13 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://editionshenry.com/?a=632

mercredi 24 juillet 2024

"Epistola", de Claude Billon

 


En voilà, un livre de poésie qui ne ressemble pas aux autres !
Nous étions plusieurs à attendre la publication de textes de Claude Billon qui s'est fait désirer durant pas mal d'années.
Cette fois-ci, les pendules sont donc remises à l'heure.
Publié par les Éditions Baz'Art Poétique, dans la collection "Les poètes d'à côté", "Epistola", de Claude Billon est un drôle de volume.
"Epistola" semble désigner des lettres. Mais cela va ici bien plus loin. Le lecteur peut y voir des adresses à la population, pour la réveiller de son apathie. Car, pour moi, ces "Epistola" sont autant d'hymnes à la vie, à la liberté, à la simplicité, à l'univers de… Jules Mougin, le facteur (comme l'auteur) d'ami.

Nostalgie d'une époque révolue, avec toujours l'espoir dans le recommencement du soleil, de la lumière. Ce qui n'empêche pas à la lucidité de s'exprimer, sur nos maux politiques et sociaux. Décidemment, en cette époque où les poètes sont plutôt des élégiaques, quand ils ne nous enterrent pas vivants, Claude Billon refuse cette facilité. Il s'émerveille contre vents et marées. Dès lors, pourquoi ne pas se laisser emporter avec lui ?

Ces "Epistola" semblent se moquer de toute forme littéraire. Successions de proses denses, entre lesquelles s'intercalent quelques poèmes en vers libres. J'aime cette désinvolture apparente vis à vis de ce qui serait trop figé dans la poésie. C'est normal, en fait ! Si la poésie appartient à la vie, on ne sait pas quand elle s'arrête et quand elle finit…

Extrait de "Epistola", de Claude Billon :

"On s'est levés
ce matin avec de la promesse entre la tranche de pain,
jus d'orage et pommettes rieuses. Quoi donc ?
la passion jetée en vrac : ramasse les morceaux !
Soudainmentesque et tout habillé en préfet stupéfait
d'en faire une tonne comme la robe d'un ciel couillue de merlans
frits comme autant de gens futés qui croient savoir comme ils
savent comme on a déjà vu ce qu'on va voir ! À peine on agite
le monde réel et voilà qu'il tombe dans du baratin-baragouinage
c'est du beau coquilleux comme pour construire un mur et ça
vaut pas mieux que les soupers du Roi juste avant de faire
crever le Peuple hop-là ! mais là j'ai quasi rien d'autre à te dire
mon pote, crée ton bonheur : sois donc toi, natif d'autre chose
que ce brouillassier désir de remuer ciel et terre pour n'être 
adopté que par de l'ennui ! le gilet-jaune jamais plus englouti
par nos égouts, alors qu'il méritait le Yellow-show dans les
tanneries de Fès, faire honte à la kalash qui fait merveille contre
la guibole des mêmes, tout est muscle artiste sauf le mépris
de l'Art ! ces fions changés en étron contemporain, cette
mayonnaise Ch'timi servie à la Joconde qatarie, déesse
de la péninsule Renaissance, l'âme du monde
elle s'est reluquée
n'est-ce-pas ?"

On peut tout à fait dire de ce style qu'il est goûteux. Rarement à ce point la jouissance par les mots ne m'aura fait penser au plaisir éprouvé à manger de la bonne nourriture.

La préface est de Vincent Wahl. La photographie en première de couverture de l'auteur, de Dom Corrieras et les illustrations originales, de l'auteur.

Si vous souhaitez vous procurer "Epistola", de Claude Billon, qui est vendu au prix de 15 €, rendez-vous sur le blog des éditions : http://bazarpoetique.blogspot.com/

"Haïkus de la Belle saison", de Marie-Anne Bruch

 

Publié par les Éditions Encres vives, dans sa collection "Lieu", "Haïkus de la Belle saison", de Marie-Anne Bruch dévoile d'emblée, sur la première de couverture, son sujet : Paris / La Baule. Avec une photographie de l'autrice, en prime.

Ces haïkus réguliers par la fore (chacun, composé de 3 vers de 5, 7 et 5 pieds), constituent en effet des "choses vues".
Choses et parfois humains, saisis dans leur environnement.
Chaque scène ordinaire est rendue singulière par le regard de Marie-Anne Bruch qui en révèle l'éclat, en pointe de ver, pourrai-je dire.

Ces poèmes se lisent bien, d'ailleurs. Quoi de plus difficile que la simplicité ?

Plusieurs extraits de "Haïkus de la Belle saison", de Marie-Anne Bruch :

"Au petit matin
pluie tombant dans les flaques
- Les yeux cernés.

*

"Regard de défi
d'une petite trottinette
- Le bus impassible.

*

Rues de banlieue
les chats disent bonjour
- Pas les voisins.

*

"Orage d'été
- Le ciel fissure
ma rétine.

*

Qu'est-ce que l'écume ?
La salive de la mer
quand elle mord le vent."


Si vous souhaitez vous procurer "Haïkus de la Belle saison", de Marie-Anne Bruch, qui est vendu au prix de 6,60 €, contact de l'éditeur : encres.vives34@gmail.com

mardi 9 juillet 2024

"Fond vert", de Frédérick Houdaer

 

Publié par "Le feu sacré Éditions", "Fond vert", de Frédérick Houdaer est, pour moi, un grand classique.

Ayant vécu durant ma jeunesse à la campagne (et ayant effectué le chemin inverse de la campagne à la ville), je me souviens de ces parisiens qui venaient s'installer dans le Morvan.
Avec ma famille, on faisait des paris sur la durée au bout de laquelle ils allaient repartir pour la grande ville. Car la campagne c'est beau l'été, mais ça fatigue à la longue. Surtout qu'en plus, normalement, il y a l'hiver…

Frédérick Houdaer vit en poésie cette expérience de l'installation depuis Lyon dans un village de Saône et Loire. Le moins que l'on puisse dire est qu'il ne cache pas ses embarras, maladresses, perplexité face à ce que tout la campagne l'oblige à faire.
Le bilan ne me semble pourtant pas négatif. D'abord, l'auteur se place en posture d'accueil (c'est mieux pour accepter). Ensuite, la beauté de la nature est parfois décrite. Enfin, dans ces pages, la solidarité entre voisins peut aussi exister.

Bien sûr, l'humour est très présent dans ces textes.
Mais il n'y a pas que cela. En décrivant son environnement par petites touches, Frédérick Houdaer offre un portrait de la campagne plus réaliste que celui dressé par les poètes qui veulent la célébrer, en la décérébrant.

Extrait de "Fond vert", de Frédérick Houdaer :

"agenouillé au milieu de la rhubarbe
je glane les bouts de verre
au-dessus de ma tête
d'autres vitres menacent de tomber
la maison a deux cents ans
et elle fait son âge
un troupeau de panses cornues
l'encercle
avec la lenteur d'une armée de morts-vivants
un tracteur les frôle pour
lâcher une diarrhée d'herbe
sans parvenir à les effrayer

dans la ferme en contrebas
la volaille remplace le chien pour
prévenir du passage d'un véhicule

entre mes murs de pierres et d'humidité
je passe une bibliothèque au xylophène puis
à la même page d'un vieux dictionnaire
je trouve muse et muscle
chaque article est agrémenté d'une riche iconographie
tout cela sent le travail soigné
et le papier moisi"

Si vous souhaitez vous procurer "Fond vert", de Frédérick Houdaer, qui est vendu au prix de 12 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://lefeusacre-editions.com/commander/

dimanche 23 juin 2024

"Le clown d'enterrement", de Fabrice Marzuolo

 

Publié par les Éditions Gros Textes, "Le clown d'enterrement", de Fabrice Marzuolo est son premier recueil publié chez cet éditeur, après la co-édition en 2007 de "La diligence ne passe pas avec les aboiements" (Polder, chez Gros Textes et Décharge).

Je retrouve les poèmes de Fabrice Marzuolo comme une vieille connaissance : nous avons été publiés en même temps en 2007 et nous avons co-écrit "la partie riante des affreux" en 2012 (premier recueil des éditions du Citron Gare). Ce qui commence à faire pas mal d'années.

Cela me fait donc du bien de lire de nouveaux poèmes de Fabrice, au style aisément reconnaissable.

Et ce, pour plusieurs raisons.

Ils ne sont toujours pas nombreux, les poèmes à affirmer leur peu de cas de l'espèce humaine, à cette époque pourtant de moins en moins réjouissante (guerres de plus en plus proches, abus de pouvoir politique, égo des (ha)auteurs surmultipliés par les réseaux sociaux, alors que ce n'est pas ça qu'on leur demande à tous).

Comme si la plupart des auteurs refusaient de voir la vérité en face.

Mais il y a aussi autre chose de moins immédiat qui me plait dans ces poèmes, et qui tient à leur construction. J'ai toujours l'impression que Fabrice Marzuolo jongle avec les mots "façon puzzle" (avec les histoires également), avant d'en ramasser les différents morceaux et de les réunir en fin de parcours. Comme une résolution, au sens musical du terme : transformation d'une dissonance en une consonnance.

Extrait de "Le clown d'enterrement", de Fabrice Marzuolo :

"Le raccourci

Plutôt que dans l'été ou l'hiver disons
le défilé d'incertaines saisons
passer du temps à sacrifier le présent
si peu en vérité
pour qui pour quoi
pour des lendemains
qui chantent si faux
autour d'une jeunesse
vidée de ses vingt ans
comme poulets de leurs entrailles
où tomber parmi d'éternels ados
qui donnent envie d'être sourd
plus vite que leur musique
ou encore atterrir au milieu des vrais vieux
que le très juteux jeunisme
a dégauchis en clowns heureux
ceux-là carrément réhabilitent
la peine de vivre"

L'illustration de couverture est de Jacques Cauda.

Si vous souhaitez vous procurer "Le clown d'enterrement", de Fabrice Marzuolo, qui est vendu au prix de 7 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://grostextes.fr/publication/le-clown-denterrement/

jeudi 20 juin 2024

"Poèmes ronds", de Gorguine Valougeorgis

 


Publiés par les Éditions Gros Textes, dans sa collection "La Dipso", ces "Poèmes ronds" de Gorguine Valougeorgis étonnent par leur diversité.

Ici, il n'y a pas de forme préconçue d'écriture. Mais tout de même, c'est la prose qui domine plus que le vers. Le lecteur a l'impression que la prose vient chercher le vers, qu'elle le déguise en versets.

Et quand la prose l'emporte sur plusieurs lignes, ce qui est fréquent, c'est sans un souffle de ponctuation, mais avec la scansion des répétitions, des énumérations.

À cette diversité répond celle des paysages, des couleurs. Gorguine Valougeorgis en profite pour évoquer quelques souvenirs, tout en racontant son quotidien, sa découverte de l'Île de la Réunion.

Mais ni la forme, ni les thèmes ne me semblent ici les plus importants. C'est surtout l'occasion pour l'auteur de lancer un appel à la tolérance, une vertu presque démodée par les temps qui courent.

Cet appel à la tolérance commence par l'attention portée aux autres, et pas même juste à leurs dents (Gorguine est dentiste) !

Ainsi, ces "Poèmes ronds" conviennent bien à un monde dans lequel rien ne tourne jamais vraiment rond.

Le recueil se termine par "Les notes de l'exil", l'exception qui confirme la règle : courte suite de poèmes en vers libres en forme de conte (qui finit mal). Ou quand l'homme détruit l'arbre.

Extrait de "Poèmes ronds", de Gorguine Valougeorgis, ce beau poème (même s'il ne traduit pas forcément l'ambiance de l'ensemble du recueil) :

"trop vivre

pieds nus derviches ne laissent traces que cloques et noir charbon de leurs pas

chacun nourrit de son souffle retient dans une incandescence lancinante les braises

si tu danses avec moi elles prennent feu par fusion quelle mort lumineuse c'est à chaque fois

les neiges noires et tristes de bord de route fondent enfin comme la peur de tomber comme la peur de trop vivre"

L'image de couverture est de Nathalie Lothier.

Si vous souhaitez vous procurer "Poèmes ronds", de Gorguine Valougeorgis, qui est vendu au prix de 7 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://grostextes.fr/publication/poemes-ronds/

mercredi 19 juin 2024

"Un temps de fête", de Guillaume Decourt

 

Deuxième livre publié par Guillaume Decourt aux Éditions de La Table Ronde, "Un temps de fête" est un recueil de courts poèmes en prose calibrés pareil, dont la vue fait plaisir au lecteur, synonyme d'ordre apparent.

Je l'affirme d'autant plus que le trait dominant du recueil est l'humour, voire même l'ironie. Donc il ne faut pas trop se fier à trop d'ordre, même si ces proses constituent autant de moralités (ou d'immoralités), viatiques pour des vies heureuses. D'où le titre…

Seulement voilà, parfois, ces textes ne finissent pas toujours très bien. Et en plus, ils ne témoignent pas forcément de tant de sagesse que cela. Enfin, ils semblent généraliser le particulier : noms de lieux, de nourritures, de marques disséminés au fil des pages.

Si le bonheur ne tient qu'à quelques particularismes, le lecteur peut se dire : je ne suis pas prêt d'atteindre le bonheur, si c'est bien cela qu'il me faut, ou bien, au contraire, le bonheur ne tient pas à grand chose, décidemment.

Il s'agit de recettes, en quelque sorte !

D'un point de vue stylistique, et comme leurs formes le suggèrent, les textes se referment parfaitement en quelques lignes, après avoir traversé un espace temporel parfois long. Résumés de vies de peu. Là encore : prenez le au second degré. Et reconnaissez plutôt que si le bonheur repose sur des objets, chacun a la possibilité d'y accéder par ses propres voies.

Extrait de "Un temps de fête", de Guillaume Decourt :

"L'ANNÉE DU LAPIN

Bonne nouvelle, c'est l'année du lapin. L'année de toutes les réussites. L'année du tiercé. L'année du jackpot. Nous sommes sous les agréables auspices de la Française des jeux mais j'ai dû sacquer notre nouveau steward parce qu'il se tripote. Je me sens bien. Notre crack devance tous les autres sur le turf. Nous nous installons à Hawaï. Ici personne ne m'a lu. Les enfants font du surf. Il fait bon vivre à Honolulu."

Si vous souhaitez vous procurer "Un temps de fête", de Guillaume Decourt, qui est vendu au prix de 14 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.editionslatableronde.fr/Catalogue/(parution)/nouveautes

"Sein du jour", de Christian Bulting

 

Publié par la revue Chiendents, "Sein du jour", de Christian Bulting, est une suite de poèmes aux vers courts et centrés sur la page. Elle déroule le fil de l'histoire d'un amour entre un homme et une femme. 

Une relation écrite au jour le jour, à la première personne du singulier. Côté face, c'est une ambiance à la "Cantique des cantiques" : amour sensuel, voire charnel. Côté pile, c'est la fin de cet amour et son rappel, qui se délitent sur plusieurs pages.

Ici, comme les corps sont (mais à) nu(s), les vers sont dépouillés, rendus à leur plus simple appareil. Rien n'est caché. Tout est à l'os. Pas besoin de compliquer les choses. Même quand elles sont dites simplement, elles paraissent encore compliquées. Comme si un mystère devait absolument se cacher derrière…

Extrait de "Sein du jour", de Christian Bulting :

"Quand elle a posé sa tête
Sur mon épaule
La dernière nuit
Quelque chose avait changé
Et je ne savais pas quoi

Quand elle a posé sa tête
La dernière nuit
Jamais ce geste
N'avait été si tendre
Si détaché

Quand elle a posé sa tête
Sur mon épaule
La dernière nuit
Elle savait que c'était la dernière
Je l'ai su aussi"

Si vous souhaitez vous procurer "Sein du jour", de Christian Bulting, qui est vendu au prix de 8 € (+ 3 € de port), rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://lepetitvehicule.com/index-de-nos-auteurs/christian-bulting/

dimanche 16 juin 2024

"Gargouille", d'Hélène Miguet

 

Publié par les Éditions "Sous Le Sceau Du Tabellion", "Gargouille" d'Hélène Miguet est son troisième recueil édité, après, notamment, "Des fourmis au bout des cils", publié à l'enseigne du Citron Gare.

On ne croirait pas, au départ, qu'une gargouille puisse être un objet poétique : eh bien si !

Ce n'est pas tant l'objet lui-même qui est poétique que son regard imaginé sur le monde. Ce regard est privilégié avant tout par la position qu'elle occupe : du haut des églises, qui donne sur les rues plus ou moins commerçantes des centres-villes. 
Du fait de son architecture de rattachement, religieuse, moyenâgeuse, la gargouille pourrait avoir le regard méprisant des puissants, ou réactionnaire des aristocrates.
Ici, pas du tout.
C'est que la gargouille a aussi ses propres problèmes. Elle est seule tout là-haut, elle subit les intempéries, et a le temps d'observer les hommes : fourmis sur le sol. Pas que du beau à voir.
Alors, la gargouille dénonce, elle se révolte surtout contre le destin ordinaire des humains.
Et là, tout est dans le style. Les images visuelles, bien sûr, y sont nombreuses. Mais surtout, le style de la gargouille se place lui aussi en surplomb du langage des médias. Un peu de tenue voyons !

Je lis rarement des poèmes comme ceux-là, qui savent garder cette hauteur de style. Plus sombre, plus "tout feu, tout flamme" que "Des fourmis au bout des cils", "Comme un courant d'air", "Gargouille" creuse le sillon des précédents recueils.
Les poèmes publiés ici explorent toutes les facettes de cette révolte et placent la poésie au milieu de celle-ci. Rien à faire. Elle qui est qualifié d'inutile, comme d'habitude, a là un rôle à jouer. Et sa place est tout près des êtres, c'est-à-dire en bas, sur le pavé.

Extrait de "Gargouille", d'Hélène Miguet :

"Un jour on m'a collé un funambule en ligne de mire



on a mis le grappin à dix centimètres de ma grimace
puis tendu le fil en travers de la place        ça m'a rappelé
les saltimbanques de ma jeunesse

je croyais que le monde en avait fini avec les montreurs
d'ours et les équilibristes    en avait assez de tout ce
cirque    monde civilisé qui cache ses baladins et ses 
bonimenteurs au ministère rue Saint-Honoré patron de 
la Culture et des choux pâtissiers

mais j'ai vu la foule aux yeux ronds briller au plus grand
exercice de style    j'étais réconciliée    l'humanité tient
à un fil

mon funambule avait la classe des acrobates    bras libres
et chevilles nues    je l'aimais sans raison    pour sa
nuque raide et le gouffre à ses côtés    pour l'énergie
du talon aux nuages donnée sans retour comme un baiser

j'ai pensé Genet comme ton amour était plus haut que
chaque forêt du monde


il s'en est allé vers le soleil    point résolument noir sur
l'horizon ouvert

avant d'empoigner son balancier il m'avait chuchoté

qu'il avait une blessure à mettre en lumière

*

Petit pêcheur de vides assoiffé de terre ferme

sur ton fil apatride

sèchent les secrets d'or que tes entrailles renferment"

La préface de "Gargouille" d'Hélène Miguet est de Clément Bollenot. L'illustration des pages intérieures est de Christian Mouyon.

Si vous souhaitez vous procurer "Gargouille", d'Hélène Miguet, qui est vendu au prix de 17 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.sceaudutabellion.fr/catalogue

vendredi 14 juin 2024

"Cyclitude", de Jean-Claude Touzeil

 

Ils ne sont pas si courants, les recueils de poésie sportive.

Publié par les Éditions Gros Text'es, "Cyclitude", de Jean-Claude Touzeil est un recueil de poèmes en vers libres qui dresse un panorama du cyclisme professionnel ou amateur, au passé comme au présent.

Une façon aussi de rappeler que les compétitions existent aussi dans le sport amateur et que ce n'est pas forcément signe de mauvaise ambiance ! Bien sûr, le cyclisme, c'est également la randonnée ou l'entraînement !

"Cyclitude" montre qu'au-delà des controverses justifiées sur le dopage (dont il n'est pas question ici, ce qui aurait été un contresens), l'image des sportifs exerce une influence positive sur les passionnés de la Petite Reine.

Dans ces poèmes aux vers très courts, la bonne humeur est de mise (loin du spleen des poéteux). La nostalgie aussi.

Extrait de "Cyclitude", de Jean-Claude Touzeil :

Les illustrations sont de Claude Leplingard-Gosselin (dont celle de couverture), avec la participation de jiPeG, pour les "petits vélos".

"Chez les cadets

Odeur de musclor
à flotter dans l'air
massage approximatif
plus de cent Don Quichotte
au départ
trois abricots
dans le maillot
du vent dans la plaine
et l'envie d'en découdre

Chez les cadets
braquet imposé
46 X 14
environ 7 mètres
à chaque coup de pédale
quand même

Pour le sprint
ça frotte fort
dans le paquet
chargé d'étincelles
on frise la gamelle
un bras se lève
du côté de la ligne
et le reste est
classé deuxième
ex aequo !"

Si vous souhaitez vous procurer "Cyclitude", de Jean-Claude Touzeil, qui est vendu au prix de 8 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://grostextes.fr/publication/cyclitude/

mercredi 5 juin 2024

"D'ordinaires cascades", de Thierry Roquet

 

Publié par les Éditions "Aux cailloux des chemins", dans sa collection "Nuits indormies", "D'ordinaires cascades", de Thierry Roquet est une suite de poèmes en vers libres avec ou sans titres.

Les textes en italique se mélangent aux textes en caractère "normal". Les textes en italique renvoient très souvent à un état de crise d'une personne hospitalisée pour dépression (figure féminine ? Compagne ?). Les autres textes sont plus paisibles, mais n'écartent pas pour autant les notions d'échec, d'impuissance face à la dureté de la vie quotidienne traversée par la violence, voire la mort : au travail, dans les transports en commun.

Au final, malgré ces aller-retour entre poèmes plus ou moins sombres, dominent en ces pages l'acceptation, plus que la révolte, et la bienveillance, plus que la critique. 
Soit au final, un réalisme dépouillé avec parfois, un vers surprenant qui surgit sans crier gare !...

Extrait de "D'ordinaires cascades", de Thierry Roquet :

"L'autre jour, je lisais un poème de Pessoa.
Un beau poème.
Une phrase m'est restée en tête.
Une phrase sortie du lot.
Jusqu'à me faire oublier le reste du poème.
Un beau poème.
C'est souvent comme ça dans la vie.
J'avais sur moi mes vieux habits.
Ceux qui se portent sur des ancrages obsessionnels.
Une phrase m'est restée en tête.
Je n'y penserai bientôt plus.
Sans doute penserai-je à autre chose.
À quelque chose qui n'a strictement rien à voir.
C'est souvent comme ça dans la vie.
Cette fausse permanence des choses ordinaires.
Les fresques sont labiles."

Si vous souhaitez vous procurer "D'ordinaires cascades", de Thierry Roquet, qui est vendu au prix de 12 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.aux-cailloux-des-chemins.fr/d-ordinaires-cascades

dimanche 26 mai 2024

"Toi, moi, miroir, etc", de Morgan Riet

 


Publié par Christophe Chomant Éditeur, « Toi, moi, miroir, etc » de Morgan Riet est un recueil de poèmes en vers libres et proses qui, comme le précise l’auteur, dans sa préface, a pour un départ un échange de textes et d’images avec le photographe, Cédric Cahu, en vue d’une exposition sur le thème de la réflexion.

Il est à noter que ce thème de la réflexion est naturellement associé à l’image, puisque l’image de l’autre en tableau, en photographie ou en réel amène automatiquement la réflexion. Interagir avec l’image c’est déjà réfléchir.

Morgan Riet, avec « Toi, moi, miroir, etc » ne cherche pas à nous enfermer dans ce thème, il est vrai, très large.

Le titre le montre assez, qui constitue un début de liste.

La réussite de ce livre est justement qu’il laisse libre le lecteur, malgré sa thématique fixée au départ. Dès lors, si une parenté entre les textes publiés ici est soupçonnée ici, elle n’oblige pas le lecteur à se focaliser sur le sujet des poèmes.

Peut-être est-ce dû au fait que c’est le caractère évanescent de la réflexion qui ressort avant tout ici…

Extrait de « Toi, moi, miroir, etc », « Autre méthode d’ouverture », de Morgan Riet :

« Ouvrir
le dictionnaire
et fixer de nouveau
le mot « miroir »
droit dans les lettres.
Après quoi, en poursuivre
selon son inclinaison, les reflets
plus ou moins nets
qui nous viennent sous les doigts.
Et de la sorte, dériver, dériver -
l’esprit radeau -
tant et plus,
plongé dans la brume
épaisse du volume en main -
          et tout cela,
en espérant qu’au moins
l’un de ces poissons d’encre,
          qui y dansent
          en tous sens,
voudra bien se laisser surprendre
au-delà de ce jeu. »

La photographie de la couverture est de Cédric Cahu.

Si vous souhaitez vous procurer « Toi, moi, miroir, etc. », de Morgan Riet, qui est vendu au prix de 16,50 €, rendez-vous sur le site des éditions : http://chr-chomant-editeur.42stores.com/store/Boutique http://chr-chomant-editeur.42stores.com/store/Boutique