mercredi 15 mai 2024

"Quelques bois", de Pierre Gondran dit Remoux

 


Publié par PhB éditions, "Quelques bois" de Pierre Gondran dit Remoux nous donne à lire les poèmes d'un amour véritable pour la nature.

Je l'affirme de manière légèrement provocante, car l'auteur, dans ce livre, ne se cantonne pas à une description superficielle et idyllique de ces assemblées d'arbres, différentes selon les populations et régions d'implantation. 

Pierre Gondran dit Remoux traduit ses impressions intérieures, mais également les environs immédiats de la population décrite, par exemple : "Une pinède côtière à l'air térébenthine" ou "Un peuplement de feuillus envahi de ronciers", ce qui va nettement plus loin qu'un rapport à la nature complètement stylisé.

En effet, ces arbres peuvent être tristes et sombres, ce qui ne les rend pas pour autant laids.

Ainsi, le lecteur se retrouve transplanté dans la réalité des caractéristiques physiques et chimiques du terrain exploré. 

À cet égard, le texte présente présente plusieurs particularités formelles.

Le première séquence, plus nettement poétique, s'apparente à un poème en prose, dont chaque phrase sans majuscules est délimitée par deux points noirs en caractères gras. Elle figure sur chaque page droite du livre.
Lui succèdent, sur la page gauche derrière, des annotations d'ordre pratique ou théoriques : explications de ce qui est écrit sur la page précédente.
Parfois d'ailleurs, ce commentaire n'a pas de rapport évident avec le texte d'avant.

En tout cas, "Quelques bois" est un livre plutôt facile à lire, bien aéré entre ses différents "troncs".

Deux extraits consécutifs de "Quelques bois", de Pierre Gondran dit Remoux :





Si vous souhaitez vous procurer "Quelques bois", de Pierre Gondran dit Remoux, qui est vendu au prix de 10 €, rendez-vous sur le site des éditions : https://www.phbeditions.fr/Accueil.html

dimanche 12 mai 2024

"Sur mon chemin, le fleuve", de Marianne Duriez

 

Avec "Sur mon chemin, le fleuve", de Marianne Duriez, 201e Polder des Éditions Décharge, le lecteur part vraiment en voyage. Quand je dis "vraiment", c'est pour signifier qu'il ne s'agit pas que de tourisme ici !...

L'autrice met en vers (libres) des moments vécus (plusieurs années) en Afrique, avec comme point de ralliement, le fleuve Congo.

Il s'agit là de plonger dans l'ambiance d'un pays, dans lequel la beauté se mêle à la misère.
Ces poèmes, la plupart du temps descriptifs, font ressortir naturellement les impressions laissées par ces paysages, rencontres, évènements du quotidien, chez Marianne Duriez qui les revit. Un monde pauvre et multicolore comme jamais. On y est réellement !

Extrait de "Sur mon chemin, le fleuve", de Marianne Duriez, "De Mboua à Boméké" :

"L'eau luit et ondule,
Porphyrique,
Parée de nénuphars
Aux longues tiges helminthes aquatiques.

Délicate corolle, un lotus écartelé,
Offre au jour la fleur sacrificielle
Et tend son fier pistil vers le ciel.

La pirogue avance au rythme des rameurs
Trouve son chemin dans la forêt marécage
Entre les prairies d'eau et les racines
tentaculaires d'arbres séculaires.

L'eau luit et ondule,
Porphyrique
Par sa texture noire et ses reflets rouges.
Le soleil ici n'est qu'un faire-valoir
L'histoire déchue d'un monde illusoire.

Les pêcheurs invisibles ont laissé leurs nasses
Et leurs lignes en bambou
Un serpent vert ondoie le long d'un tronc
La canopée se referme sur cet écrin liquide.
De quel souverain pénétrons-nous le royaume ?"

La préface est de Florent Toniello et la couverture (photographie) de Marianne Duriez.

Si vous souhaitez vous procurer "Sur mon chemin, le fleuve", de Marianne Duriez, qui est vendu au prix de 7 €, rendez-vous sur le site des éditions : https://www.dechargelarevue.com/-La-collection-Polder-.html

"L'amour, sans une aile", de Marine Giangregorio

 

Publié par RAZ Éditions, dans sa collection RAZ/FRA/ITA, "L'amour, sans une aile", de Marine Giangregorio, est une suite de poèmes en vers libres (plus deux proses) figurant ici en version bilingue. La première partie comprend la version française, et la deuxième partie du livre, la version en italien, dans sa traduction par Auriane Sturbois.

Comme son titre le suggère en partie, "L'amour, sans une aile" consiste en une succession de portraits de femmes seules, de retour (au petit matin, souvent) d'amours malheureuses.

L'intérêt poétique de cette écriture est qu'elle oscille entre réalisme et idéal. Ainsi, une foule de détails contribue à donner à ces apparitions des formes vaporeuses, ce qui les rend plus légères : incertitude des contours (enfumés), lueurs de l'aube, chevelure et sperme (formes allongées) mêlés…

Et voici l'exception qui confirme la règle. Dans ce poème, il est question d'un homme, mais l'ambiance est la même que dans les autres textes :

"L'homme cerf-volant

Le regard porté par un fil
au bout duquel dansaient
ici et là
les couleurs d'une liberté
avortée de l'aube
de rêves taillés dans
les veines de l'enfance
À le voir avancer le pas
chaloupé, la bouche
engloutissant le ciel
habité d'une
étrange fougue
bousculant les passants
car le vent, le vent
tournait vite
on se demandait, qui
de l'homme ou du cerf-volant
tenait l'autre
vivant"

Si vous souhaitez vous procurer "L'amour, sans une aile", de Marine Giangregorio, qui est vendu au prix de 5 €, rendez-vous sur le site des éditions : https://razeditions.jimdofree.com/catalogue/collection-raz-fra-ita/

"Il fut un temps", d'Igor Quézel-Perron

 

202e Polder de la collection Polder des éditions Décharge, "Il fut un temps" d'Igor Quézel-Perron est placé sous le signe du conte, ou plutôt des contes. D'ailleurs, toutes les proses qui composent ce recueil commencent par "Il fut un temps".

J'ai aimé lire ce recueil pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, pour ses ambiances volontiers nocturnes, ces mondes clos (boites de nuit, trou, club numérique), comme si les contes étaient des rêves perfectionnés par l'écriture.
Ensuite, par la précision des faits décrits qui contribuent, avec leurs cascades de mots, à resserrer les décors.
Enfin, comme dans les poupées russes, il arrive souvent que ces contes sont des histoires dans lesquels le narrateur raconte des histoires.

Extrait de "Il fut un temps", "Extrémisme", d'Igor Quézel-Perron :

"Il fut un temps où j'étais à l'extrémité de tout. Je fuyais les milieux, les tièdes, les modérés. Je n'aimais que le lait brûlant, les colériques. Les mièvres m'épuisaient, je les prenais par le cou et je les secouais fort pour les décoiffer. Certains ne s'énervaient même pas, s'excusaient, c'était à désespérer. Dans la rue, je parlais fort, dans le métro, je jouais des coudes. Dans n'importe quelle conversation, je coupais la parole, je disais que moi il m'était arrivé des choses beaucoup plus importantes. Pendant le Covid, j'avais failli mourir dix fois. J'avais des ganglions gros comme des oranges sous les bras. Mes enfants étaient très malheureux pour une moitié, bénis des dieux pour l'autre. Ils avaient fait des études prestigieuses parce qu'ils me ressemblaient, ou très médiocres parce que moi, je respectais leur choix. J'avais un scooter plus rapide que toutes les motos, même les Allemandes. Mes malheurs étaient abyssaux, mes vacances proches d'un séjour sur l'Olympe. Je dinais dans des restaurants inconnus, au charme fou, comme chez les plus grands étoilés. Je connaissais des gens )à très haut niveau, que j'appelais par leur prénom tellement ils m'aimaient. J'avais eu des parents extraordinaires, qui m'avaient légué des valeurs d'acier. C'était certes grâce à eux que j'étais devenu qui j'étais, mais j'avais eu aussi de la chance dans la vie. Enfin, pas toujours, parce que j'avais traversé des épreuves terribles. Le soir, je rentrais chez moi, tellement content de ces journées. Je me faisais réchauffer un plat et je regardais Netflix."

La préface est de Chloé Landriot, et l'illustration de couverture de Joseph de Rosen.

Si vous souhaitez vous procurer "Il fut un temps", d'Igor Quézel-Perron, qui est vendu au prix de 7 €, rendez-vous sur le site des éditions : https://www.dechargelarevue.com/-La-collection-Polder-.html

lundi 15 avril 2024

"Ma douleur planétaire", d'Anne Barbusse

 

Publié par les Éditions Tarmac, "Ma douleur planétaire", d'Anne Barbusse est un recueil de textes écrits pendant la période des confinements. Ces suites de poèmes en vers libres, dont le mètre ample s'apparente à celui des versets, sont polarisées sur deux axes essentiels : la vie dans les jardins ou sur les axes de communication et dans les zones commerciales.

Bien entendu, l'opposition entre la nature et ce qui semble rester de la ville est totale.
D'un côté, autosuffisance et écologie. De l'autre, soumission et pollution.

J'ai apprécié de lire ce livre. Car, comme c'est rarement le cas, la nature est décrite par quelqu'un qui essaie de se l'approprier par l'action, à savoir la culture d'un potager. Pas tout à fait pareil pour moi. Fini les p'tites fleurs, ici !

En tout cas, transparaît la volonté positive de constituer un autre monde, même s'il est incomplet. Un propos militant, donc. À la fin du livre, d'ailleurs, l'opposition entre les deux nature et le commerce est de plus en plus brutale : peut-être le signe d'un retour à la normale, c'est à dire, à l'activité consumériste.

Le style de "Ma douleur planétaire"' est riche de mots. C'est du tout feu tout flamme ! Ça change de la plupart du temps !

Un fragment extrait de "Ma douleur planétaire", d'Anne Barbusse :

" les éoliennes sont femmes foudroyantes, arrimées
à la terre évidée, démises

sur le monde éparpillé parmi les fruits non cueillis et
les vergers abandonnés du capitalisme stérile qui
s'arroge la part des rois,

                                demain je craindrai
les leaders instinctifs, , la pluie ouvrira les roses et
l'automne sera un cri,

                                d'une femme vomissant
douleurs et rêves sur le soir, l'envers de la colère
à la couleur éparpillée et bordeline
des oiseaux finissants, sous le ciel la rage est celle
des bêtes intempestives et le réel éclate
sur le dos des oiseaux,

                                   c'est ainsi que les révoltes
ondoient, mûres et fleuries, comme des reines
multiples que les hommes craignent à reculons,

c'est là que crucialement les femmes se lèvent et osent,
après des soumissions excellentes et sournoises
habillées dès le matin avec les mots des
petits pouvoirs et des chefs,

                                        pourtant au jardin
l'humidité d'octobre dessine la branche
des silences et je sème à l'appel de la terre
noire, lourde, grouillante (…)"

L'illustration de couverture est de Jacques Cauda.

Si vous souhaitez vous procurer "Ma douleur planétaire", d'Anne Barbusse, qui est vendu au prix de 20 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.tarmaceditions.com/ma-douleur-planetaire

dimanche 24 mars 2024

"Supplique pour la fin des nuits sans lune", de Laurence Fritsch

 

Publié par les Pierre Turcotte Éditeur, dans sa collection Magma Poésie, "Supplique pour la fin des nuits sans lune", de Laurence Fritsch, comme l'indique le texte d'ouverture, " se décompose en deux révolutions de 27 poèmes (comme les 27 jours de la révolution sidérale de la lune)".

L'argument de départ de ces courts poèmes en vers libres est donc scientifique et fait appel à tous ces rêveurs de poètes qui ont la tête dans les étoiles et sont pas mal dans la lune.
Mais pas de clichés ici. Il est question de la véritable impression profonde que produit un ciel nocturne sur nous. Sauf que cela va encore un peu plus loin. Le titre du livre "Supplique pour la fin des nuits sans lune" résume sa préoccupation.

En effet, la présence de la lune, même si étrange, rassure aussi. Il s'agit d'un phare, comme d'ailleurs écrit à un endroit, d'une sorte de bouée toute blanche à laquelle se raccrocher dans ce vide au-dessus de nos têtes.

Ici, au contraire, il sera question de la nuit, de cette lune à l'envers, des visions qu'elles nous inspirent. Signes d'angoisses, voire de déséquilibres, de cauchemars, d'hallucinations, de fantasmes…
Le symbole d'une nuit noire est inépuisable pour l'imagination de l'être humain. Un ciel nocturne peut provoquer des troubles dans le cerveau. Car la nuit ne fait que révéler l'incertitude qui nous accompagne, telle une ombre.

Laurence Fritsch, dans ses poèmes, démultiplie ces effets troubles. Elle fait feu de tout bois, ou plutôt de tout mot. L'écriture est intrigante car justement, le lecteur ne sait pas toujours très clairement de quoi il est question. Et c'est justement cette part de confusion qui ressort avant tout. Et le champ lexical, dans sa variété, mais avec sobriété, montre le grand écart des âmes ici chahutées.

Extrait de "Supplique pour la fin des nuits sans lune", de Laurence Fristch :

"clair de lune
à travers les volets entrouverts
projetant sur le parquet
son échelle enchanteresse

illusions de l'enfance

confuse trame
fuseau sans quenouille
dormir pour l'éternité
dans un cercueil de verre
sans tendresse

quelle part d'ombre
dans la nuit ?"

L'illustration de la couverture est une photographie de l'autrice.

Si vous souhaitez vous procurer "Supplique pour la fin des nuits sans lune", de Laurence Fristch, qui est vendu au prix de 14 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.pierreturcotte.com/product-page/fritsch-supplique-pour-la-fin-des-nuits-sans-lune

"La brèche par le mur", de Marie Alcance

 

Deuxième publication de Marie Alcance après "Devant l'ailleurs", que j'ai eu le plaisir d'éditer en 2021, à l'enseigne du Citron Gare, "La brèche par le mur" est un ensemble de plusieurs poèmes publiés par les Editions du Petit Rameur.

Marie Alcance, pour décrire cette brèche, part du registre de l'intime. 

Dans un sens ordinaire, le terme de brèche aurait plutôt une connotation négative, celle de fissure dans un mur, par exemple. Mauvais signe quand quelque chose s'en échappe, comme quelque chose qui se perdrait.

Mais dans ces poèmes, la brèche me paraît avoir une toute autre signification. La brèche, c'est ce qui permet de s'échapper, de passer à travers une épaisseur. C'est un appel à la légèreté, à la liberté sans doute aussi. Voilà ce qu'exprime Marie Alcance, avec la lutte que cela suppose, à travers une succession d'images naturelles.

Extrait de "La brèche par le mur", de Marie Alcance :

"loin des routes sans cesse
il faut beaucoup de souffle
je m'entraîne
à écarter un monde
qui se resserre

quand bien même
cette dignité d'aller
la chevelure emmêlée à la treille
l'épaule à la brique
la jambe au mortier

en rêvant une danse
sur la brise souple
d'un violon reverdi"

Les illustrations  sont d'Aloïs (pour la couverture) et d'Anicet (pour l'illustration de "Conte", en page intérieure) Fouquet.

Si vous souhaitez vous procurer "la brèche par le mur", de Marie Alcance, qui est vendu au prix de 5 €, rendez-vous sur le site des éditions : http://www.petitrameur.com/la-breche-par-le-mur.html