Un sacré duo
pour un sacré recueil de poésie ! Cet empilement de chroniques pourrait faire croire que tous les recueils
se valent à mes yeux mais celui-là est sans doute parmi les meilleurs des
meilleurs que j'ai chroniqués jusqu'à présent.
Il y a quelque
chose de très précieux dedans : deux vieux de la vieille qui nous montrent ce
qu'on peut faire avec des images en poésie. Et ça marche plutôt très bien !
Avec "La
mort c'est nous", j'ai l'impression de faire le plein d'images comme on va
faire son plein d'essence, ce qui est, au passage, beaucoup plus drôle !
Catherine
Mafaraud-Leray a un style aisément reconnaissable, tout feu tout flamme.
L'aiguille de sa boussole ne peut être que celle de la liberté. Ses poèmes
n'ont pas de balises ou du moins ils n'ont pas des balises habituelles. En les
lisant, on se dit que tout peut s'écrire, que les possibilités dans ce
domaine sont encore immenses. Voilà des textes qui déménagent ! J'aimerais
en lire beaucoup des comme ceux-là, je l'avoue.
Malgré tout, je
préfère les poèmes de Michel Merlen, qui, à mes yeux, font mouche au moins dans
les trois quarts des cas. Là aussi, il y a des images mais il y a surtout
beaucoup de retenue, comme si sa voix tempérait l'autre voix, ce qui n'est
qu'une question d'écriture, bien entendu.
Les images sont
ici distribuées aux lecteurs comme des graines aux pigeons, une à une, avec
économie. C'est le parfait dosage entre poésie visuelle et simplicité des constats, sans artifice, y compris dans la
simplicité. Je crois bien que Michel Merlen est l'un de mes poètes préférés.
Ici, les
deux poètes nous parlent essentiellement d'amour et de mort, et leur
regard rétrospectif rend hommage aux gens qu'ils ont aimé ou qu'ils aiment. Et
là, ce n'est pas comme à la télé, c'est du sérieux ! "La mort c'est
nous", ou comment braver la mort, à sa manière !
Deux poèmes
exemples :
Le premier de
Catherine Mafaraud-Leray :
"DANS UN
CHAMP DE COTON BLEU
Mourir au bord
d'un banc
Des oiseaux
Plein les
oreilles
Crever au drap
du lit
Intouchable
Sur un
paillasson de rêve
En finir aux
gencives d'un fossé
Dans la boue
Quand crépite
la lumière
Clamecer sans
drapeau
Hirsute
Derrière une
stupide colonne militaire
Claboter
Du plus haut de
la Tour de Dubaï
Eclaboussée
d'aube en soleil
Faire son trou
avec un gang de mésanges et de
portraits
Dans un champ
de coton bleu
Où deux jeunes
cerfs s'embrassent lentement."
Et le deuxième
de Michel Merlen :
"LE CHEVAL
Avec mes mains
endormies
un cheval bleu
s'envolait
sur des
prairies de rêve
les arbres
gardaient le secret
dans le ciel il
lançait des étoiles
c'était
l'écriture du ciel
et si l'on
chantait
le cheval bleu
revenait
avec sa
crinière sourire
ses pattes
d'avenir
et son regard
qui n'était pas
celui d'un
cheval."
Pour en savoir
plus sur ce recueil à deux voix pour le prix d'une, allez faire un tour sur le
blog des éditions Gros Textes, http://grostextes.over-blog.com/