Troisième livre de Murièle Camac
publié par les éditions N&B, « Regarder vivre » est moins marqué
par le soleil que les deux précédents ("Vitres ouvertes" dans la collection Polder de la revue Décharge et "La mer devrait suffire" aux Editions Henry). C'est même plutôt le contraire qui se
produit là.
En effet, s'il est souvent encore question
d'escapades, ces dernières ont notamment pour cadre le froid (« Hiver ») ou le
« vent » (d'Irlande).
Le plaisir de lire les poèmes (la
plupart du temps en vers libres, plutôt qu'en proses) qui composent
« Regarder vivre », au-delà de ces considérations atmosphériques,
n'est pas forcément facile à expliquer pour le lecteur.
Reste cependant au moins une
constante. La poésie est ici souvent spatiale.
Rien à voir avec le courant
initié par Pierre Garnier (le spatialisme), si ce n'est que le corps se trouve
souvent plongé dans des espaces qui le dominent. Corollaire des voyages ?
Non pas seulement, mais plutôt sensation de n'être pas exactement à sa place
là où l'on est.
L'impression dérangeante qui en
découle est familière aux poètes, et explique en partie qu'ils écrivent.
Mais pour caractériser les poèmes
de Murièle Camac, il faut aller plus avant, souligner les références qui les
traversent, dont la discrétion fait le charme, ainsi que leur diversité, qui
loin de se limiter à la culture classique (mythologie, histoire), embrasse à
la fois l'actualité et parfois même de plus mauvais genres (science-fiction, voire cinéma).
Le style de ces textes est
également diversifié, derrière leur apparente simplicité, allant d'un registre familier, de refrains vers des raccourcis saisissants,
ce qui crée des effets de surprise, toujours bienvenus en poésie, et donnant
l’impression que des collages ont été faits comme avec colle et ciseaux.
Le sismographe - si je peux
l'appeler ainsi - de ces poèmes est lui aussi étendu, passant de la révolte à
la nostalgie en traversant l'auto-dérision, avec un fonds commun de
sensibilité, le genre de qualités qui fait que le monde devrait pouvoir
continuer à avancer. Un espoir, fragile, qui ne se brise jamais...
Extrait de "Regarder vivre" :
"Un midi que je me trouvais chez moi
et qu'un papillon affolé s'était
laisse enfermer dans mes yeux
il s'est mis à faire nuit
verte une nuit verte
il n'y avait plus lieu
de distinguer les nuages des arbres
la pluie des plantes
je me trouvais chez moi
ce n'était pas la maladie qui faisait voir la nuit si verte
couleur de fièvre et de rêve
il y avait bien dans l'esprit de l'orage un désir de durer
de devenir terrestre
comme il y avait
peut-être
dans l'épuisement
de la conscience
un désir
de se disperser
dans l'orage"
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