samedi 16 décembre 2017

"Poème bleu", de Samaël Steiner



Publié par les éditions Théâtrales, « Poème bleu » de Samaël Steiner est le troisième livre édité de son auteur.

Le texte qui donne son nom à ce court volume - « Poème bleu » - est précédé de « Nikhol », série de dix tableaux, entre lesquels s'interposent trois discours.

Cette pièce de théâtre possède elle-même un sous-titre, intitulé « Nikhol sous la surface de l'eau ».

Bien que l'écriture formelle des deux parties de ce poème dramatique diffère, en définitive, elles appartiennent bien au même cycle, puisqu'elles mettent en scène un unique personnage féminin, qui s'appelle Macha, et que la seconde partie est la suite de la première.

Il n'en demeure pas moins que l'auteur cherche toujours à brouiller les pistes : multiplicité de titres, comme énumérés plus haut, plusieurs noms qui reviennent, même s'ils ne désignent pas les mêmes choses : l'adolescente Macha, mais aussi, Nikhol, nom de l'entreprise familiale, qui devient presque le nom d'une personne.

Mais aussi : coexistence de plusieurs formes d'écriture : textes sans sauts de ligne, seulement séparés d'un slash, dans la première partie, puis monologue de Macha dans la deuxième partie.

En résumé, ces indices fuyants contribuent à l'image du titre : "poème bleu", comme l'eau, comme cet élément fluide qui glisse et s'enfuit, comme les séquences d'un même temps qui s’enchaînent, jamais tout à fait les mêmes et pourtant si semblables.

Voilà ce que nous donnent à voir les images d'un même film, ce même film.

Ici, la poésie est d'apparence narrative, et semble raconter une saga familiale, attachée à la fois à son île (symbole de chaleur immédiate) et à Saint-Pétersbourg (symbole de froid légendaire).

Même si ce rapport est le fait du hasard, l'histoire de Macha m'a rappelé celle de « Frankie Adams », récit de Carson McCullers, qui raconte aussi l'histoire d'une adolescente qui ressemble à s'y méprendre à son auteur.

C'est dire combien Samaël Steiner restitue bien ce que peut être le passage délicat de l’adolescence, avec sa soif de découvertes, et aussi, sa sensibilité à fleur de peau.

Au-delà du sujet apparent de ce livre, j'y ai bien sûr retrouvé les caractéristiques de l'écriture de son auteur, à savoir cette attention aux choses concrètes (loin des poètes lyriques hélas de tradition), ce désir de les voir complètement, de les toucher.

Et la poésie, plutôt que d'images fabriquées par le poète, naît de la juxtaposition d'images semblant tout d'abord réelles puis devenant ensuite irréelles. Ainsi, comme dit le grand-père de ce livre : "l'exactitude est une erreur de distance".

Extrait de « Poème bleu », de Samaêl Steiner :

« Jamais encore elle n'avait plongé seule / personne ne l'accompagne / elle a marché depuis la maison / la combinaison sous ses vêtements / comme une deuxième peau / elle pose son sac / la petite plage est déserte / se déshabille / se prépare / avec sa mère elle a pris l'habitude de chaque détail / elle sait précisément comment et où elle doit aller / sa mère ne s'est pas levée / ce matin / avec elle / la petite plage est déserte / elle n'a personne sur qui fixer les yeux / personne à observer pour comprendre / alors elle regarde le reste / cette portion de monde / autour / qui partage avec elle ce début de jour / elle sent un cri / à l'intérieur / qui voudrait dire / immensité – enfance – monde où es-tu ? - le silence m'empêche de vivre heureuse – quelque chose commence – je quitte la forêt – je voudrais traverser / avant qu'il sorte elle plonge / la surface ne se referme pas tout à fait / elle a accroché la longe au harnais / et à l'autre bout / à l’anneau scellé dans le bloc sur la plage / elle a plongé trop vite / ou trop tôt / sans attendre celles qui restent à la surface / assises sur la table / qui veillent au temps / au bon déroulement / elles arrivent / voient la corde tendue / comprennent / s'assoient avec colère / regardent la mer / tirent la corde / Macha comprend / tire la corde à son tour / deux coups / la journée commence / elles sourient / regardent la mer ».

« Poème bleu » de Samaël Steiner a obtenu en 2017 le Prix Jean-Jacques Lerrant des Journées de Lyon des Auteurs de Théâtre et a été mis en espace à la Médiathèque de Vaise à Lyon le 2 décembre dernier. Une lecture de ce texte aura lieu lors de la nuit de la lecture à Marseille, le 20 janvier 2018.

Le livre sera disponible en librairie à partir du 18 janvier prochain.

Si vous souhaitez en savoir plus sur « Poème bleu », de Samaël Steiner, qui est vendu au prix de      10 €, rendez-vous sur le site de son éditeur, Théâtrales : http://www.editionstheatrales.fr/

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