Il
est des livres qui sont faciles à lire et je ne les aime pas toujours, les
trouvant trop superficiels.
Il
est des livres qui sont difficiles à lire et que je n'aime pas lire, car ils
sont tout simplement illisibles, expérimentaux pour le plaisir de n'être pas
compris et d'en foutre plein la vue aux profanes.
Et
enfin, il est des livres qui valent la peine d'être lus, même s'ils sont
difficiles à lire.
« Deux »,
de Philippe Jaffeux, publié par les éditions Tinbad, appartient pour moi à cette dernière catégorie de livres.
Comme
toujours chez l'auteur, il s'agit d'une suite de phrases qui peuvent être lues
dans le désordre, même si elles sont dites par deux personnages n°1 et n°2 et
même si elles sont destinées au théâtre, comme précisé sur la couverture.
Le
temps est ici circulaire, c'est celui de l'informatique, de l’immatériel. Il
n'y a ni passé, ni futur, le temps se contente de s'enrouler sur lui-même.
À
l'infini, presque, les deux personnages parlent de l'absence de ce Il. Très
vite, bien entendu, le lecteur comprend que ce Il n'apparaîtra jamais, tel un
Dieu, seul point commun avec lui, en l'absence de toute transcendance.
C'est
pour cette raison que ce texte m'a parfois fait penser au « génie »
d'Arthur Rimbaud, dans son énonciation. Il est celui qui peut tout faire, même
si finalement, il ne fait rien, cette certitude amusante se renforçant au
fil des pages.
Et
finalement, cette absence de
« Il », n'est pas un problème, car l'important, c'est que le « Nous » apprend très
vite à se situer par rapport à ce « Il ». Malgré ses incapacité
(aphasie) et immatérialité (alphabet comme seule image à offrir), le
« Nous » acquiert sa dynamique dans ses interlignes, ce qui fait de
l'ensemble de ce livre quelque chose de lumineux.
Dans
ce dialogue à bâtons rompus qui s'étale sur deux cent trente pages, j'ai juste regretté les quelques phrases bâties sur des répétitions d'assonances, le lecteur ayant l'impression qu'elles ne relèvent que de la virtuosité du jeu de mots.
Il n'en demeure pas moins que se dégage de ce livre une richesse presque
invraisemblable. La phrase, en nous entortillant avec elle, exprime à elle
seule le tout du monde. Ce livre est une mine de formules, dont aucune ne peut
se dégager par rapport aux autres, puisqu’il s'agit du résultat de
l'instant : recomposition continue et instantanée d'un monde, malgré
l'absence.
Extrait
de « deux », de Philippe Jaffeux :
« N°1 :
Ses lettres sont des organes qui sentent le point commun entre nos yeux et nos
bouches. Nous habitons les voyages d'une parole qui ressemble à une image de
notre hôte. Il déconstruit notre représentation parce que nous intégrons nos
visions au moment de sa transparence.
N°2 :
Le creux de nos existences s'organise autour d'un vide qui caricature son
absence. La peau de notre langue recouvre la sensibilité de nos voix avec ses
désirs inaudibles. Nos yeux musclent l'écoute d'un aveuglement qui répond à son
aphasie éblouissante. »
Si
vous souhaitez en savoir plus sur « Deux », de Philippe Jaffeux, qui
est vendu au prix de 21 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.editionstinbad.com/
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