dimanche 15 septembre 2019

"Le bal des choses immobiles", de Joëlle Pétillot


Publié par les Éditions Alcyone dans sa collection Surya, "Le bal des choses immobiles" (beau titre) est le premier recueil de poèmes édité de Joëlle Pétillot, après plusieurs romans parus par ailleurs.

Il s'agit d'un assez court recueil de poèmes en vers libres, ou plus rarement, de poèmes en prose.

Pour résumer ce livre, je dirai qu'il s'agit d'un livre de poésie aux arêtes vives, entre ombre et lumière, mais avec un très net appel à cette lumière (comme un appel du large), ce qui fait basculer ces poèmes du bon côté des choses.

C'est une poésie de l’extérieur, donc, mais aussi d'images, avec le sens du détail, ou de chaque chose prise au singulier, comme si la nature était un tableau décoré.

Plus sourdement, le passage du temps est évoqué, ce "bal des choses immobiles".

Extrait de "Le bal des choses immobiles", de Joëlle Pétillot :

"Traîne

Il y a fleuve au cœur des paumes
Et de petits automnes roux
Circonscrits
Au dos de la main
Des pas inconnus
Imprimés dans la boue
L'oiseau qui vole droit au bout de son cri
Le presqu'obscur
D'un nuage passeur d'éclair
Un orage de mariée
Tire sa traîne au bout du monde
Vient la pluie serrée
Les gouttes plantées dans l'air
Comme des clous."

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Le bal des choses immobiles", de Joëlle Pétillot, qui est vendu au prix de 14 €, rendez-vous sur le site des éditions : http://www.editionsalcyone.fr/

"Du gladiator"

"Du Gladiator"est sous-titré "le Melog-la crécelle noire (fin de partie)", avec une photographie de Lydia Belostyck, en première de couverture.

Il s'agit d'un hommage - semble-t-il rendu par Jehan Van Longhenhowen (son nom n'apparaît qu'à la fin du texte) - à Jimmy Gladiator, poète anarchiste disparu cette année, un personnage de la poésie.

Le style, pas toujours facile à suivre, n'est pas un obstacle à la réalité de l'évocation des années passées avec Jimmy Gladiator. Il rend parfaitement l'ambiance d'une époque que l'on aimerait voir se prolonger dans l'écriture : celle du toujours contre et à l'attaque. Mais difficile...

Ci-après, deux extraits de "Du Gladiator :

"Ouvriers spécialisés de l'Inutile, rudes travailleurs des manufactures de l'imaginaire, saluant au passage l'ami Guillaume nous avions, fidèles à nos principes, une fois de plus erré dans notre beau Paris sans avoir le cœur d'y mourir avant que de nous achever dans quelque rade de ce qui bientôt ne serait plus Saint-Germain-des-Prés, là où aux alentours de l'aube un vague écrivaillon se piquant de poésie qu'après tant d'autres tu avais insulté la veille entreprit de soudain nous traiter de Surréalistes primaires, ce qui en adeptes effrénés de La Confession dédaigneuse ne manquera pas d'aussitôt nous faire éclater d'un immense rire, mais ce rire, outil de prédilection et prescience obstinée de ce rien -dandy qui en transparence toujours apparemment te collera à la peau, oui où était-il donc ce rire..."

"Oh Gladiator qui bien sûr jamais n'aura cessé de bander dans la reine... pourquoi ce soudain déclic lumineux au cadran du téléphone afin de m'apprendre que quelque chose de fort méchant serait en passe de se tramer sous ta voûte crânienne, et à présent voilà que tu t'enfonces, de plus en plus absent, dans ce marécage qui au fil des heures n'en finira plus de t'aspirer... Toi de la tenue en haleine et du style sans faille surtout n'en sors pas, camarade, plus amoindri, plus déconnecté encore que tu le fus ces dernières saisons !"

En l'absence d'indication de prix d'achat et de contact pour se procurer cet opuscule, je m’arrêterai là...

"À nu Paris", d'Igor Quézel-Perron


Publié par les Éditions Envolume, "À nu Paris", d'Igor Quézel-Perron est un livre composé de proses poétiques.

À première vue, il s'agit d'une visite touristique des différents quartiers de Paris, faite en général à pied.
Mais cette première approche du livre me paraît trompeuse. Car je défie le lecteur d'avoir une idée précise des endroits évoqués, s'il ne les a pas déjà visités auparavant.

D'ailleurs, une partie des textes composant "À nu Paris", d'Igor Quézel-Perron, ne renvoient à aucun endroit connu. 

Si traversée de Paris il y a, cette dernière est totalement subjective. L'ambiance qui s'en dégage n'est pas celle de l’endroit lui-même, mais de la vision que l'auteur y dépose. Si c'est "À nu Paris", c'est plutôt comme on déshabillerait du regard un corps féminin, par exemple.

Ce livre dans lequel le "je", très présent, n'est pas un héros, présente une affinité avec ce que j'ai pu écrire à certains moments, avec toutefois un regard sur le monde plus apaisé.

En tout cas, j'ai bien ri en lisant plusieurs de ces proses, dans lesquelles l'auto-dérision est toujours là. Il y a un brin de surréalisme là-dedans, des raccourcis saisissants, comme on dit.
Le chien du "je" constitue un personnage à part entière. Il y a aussi plusieurs femmes aux terrasses des cafés, dont cette Lola qui accompagne ou n'accompagne plus le narrateur.

La caractéristique principale du style d'Igor Quézel-Perron réside pour moi dans le fait que les phrases qu'il emploie sont courtes et construites simplement (sujet-verbe-complément). Cela donne à ces textes un style pressé (le stress de Paris ?), voire expéditif. Les personnes et les choses sont ainsi finalement renvoyées dos à dos.

Extrait de "À nu Paris", d'Igor Quézel-Perron :

"   Le rideau soulage. La lumière nous dit de partir. On applaudit. Après tout ce qu'on a payé. Les danseurs scrutent la salle et leurs pieds. Ils m'ont fait du mal. Quelqu'un lance un bravo pour qu'on le regarde. Les commentaires descendent le grand escalier. Un homme dit que l'ange noir est une allégorie. Sa femme lui demande où sont les toilettes. J'ai un regard pour celui qui se raclait la gorge. Quelqu'un démonte la prison. Je me demande ce que vont devenir les fleurs de prunier.

   Je m'endors dans le métro. Lola est assise à côté d'un des juges. Elle lit Voici. Le juge fait un pendu sur son smartphone. Il y a du monde. C'est bizarre de se toucher sans se parler. On pense à après. Le juge sort à Pont Marie. Je le suis quai de la Rapée. Je prends un air de cadre moyen quand il se retourne. Je pousse la porte de l'institut médico-légal. Quelqu'un me demande si je connais des morts. Je dis oui en signant le registre. Je fais une faute d'orthographe en écrivant mon nom."

J'ai beaucoup aimé les illustrations, nombreuses, de Louise Hourcade.

La préface de "À nu Paris" est signée de Pierre Josse, qui évoque plusieurs noms d'auteurs en parenté: Jean Rolin, Jacques Réda, Blaise Cendrars, Jean-Paul Clébert. J'y ajouterai peut-être celui d'Yves Martin ?...

Si vous souhaitez en savoir plus sur "À nu Paris", d'Igor Quézel-Perron, qui est vendu au prix de 16,90 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.editionsenvolume.com/

mercredi 11 septembre 2019

"À l'heure où les Fauves dorment", de Patricia Suescum


Publié par Citadel Road Éditions, "À l'heure où les Fauves dorment", de Patricia Suescum, est un recueil plutôt singulier, et ce, pour plusieurs raisons.

Qui sont les Fauves (avec majuscules), tout d'abord ? J'avoue que je ne suis pas certain d'avoir trouvé...

Ensuite, j'ai rarement lu autant d'interrogations en un nombre relativement restreint de pages : onze en à peine vingt pages.

On a l'impression que l'auteur a du mal à se situer à l'endroit adéquat de sa projection du monde, tel qu'elle voudrait qu'il soit. Ou bien alors, elle semble douter de sa vision.

Par ailleurs, le vocabulaire employé dans ces poèmes a une tendance à l'abstraction. D'où mon interrogation sur les Fauves, terme lui-même employé dans un sens qui ne doit pas être littéral.

Le vocabulaire sert à exprimer la révolte, ou plutôt le désir d'un autre monde, plus juste. Il ne s'agit pas d'une révolte désespérée.

Le rythme de ces poèmes renvoie d'ailleurs le lecteur aux vagues de l'océan, tant l'environnement extérieur, tel qu'il est, cette fois-ci, est intimidant et agité.

En résumé, "À l'heure où les Fauves dorment", de Patricia Suescum donne à lire une écriture chaleureuse, quelque chose d'irrésolu, mais qui ne perd pas espoir.

Extrait de "À l'heure où les Fauves dorment", de Patricia Suescum :

"Guetter les vrais échanges,
la fraternité de la réflexion,
l'équité du regard,
l'élévation jumelle

La dissociation,
les apparences multiples
n'engendrent pas plusieurs
vérités mais décalent l'angle
du discernement

Ta peau vaut-elle plus que la mienne,
existe-t-il une valeur contre la chute ?
Existe-t-il un rempart contre l'erreur ?
Et crois-tu vraiment
que je ne vais pas en rire ?

(L'attribut nuisible
à la clairvoyance)."

Si vous souhaitez en savoir plus sur "À l'heure où les Fauves dorment", de Patricia Suescum, qui est vendu au prix de 9 €, contact : citadelroad@gmail.com

dimanche 8 septembre 2019

"Ce n'est rien", de Daniel Ziv


Publié par Z4 Editions, "Ce n'est rien", de Daniel Ziv, est un drôle de récit pas forcément très drôle, mais dont j'ai apprécié l'ambiance décalée. Cette façon de dire que les pires désastres individuels (la maladie et la mort, tout simplement), ou collectifs (épidémie) ne sont rien, justement.

En effet, ce trait d'humour noir s'explique par le fait que le principal personnage de ce livre est le temps et qu'il en a vu bien d'autres, d'où sa tendance à la métaphysique !

Du coup, les autres personnages - des êtres humains - qui apparaissent, disparaissent et réapparaissent au fil des pages, ne sont que des fantoches, même s'ils ne sont pas antipathiques.

Il faut dire aussi que le temps se joue de l'ordonnance chronologique de ce récit, en manipulant les chapitres et parties du livre à sa guise.

Extrait de "Ce n'est rien", de Daniel Ziv (début du sixième chapitre de la première partie) :

"Aujourd'hui, demain. Tout donne l'impression d'évoluer. Toujours vivant, peut-être, alors, continuer à écrire.
Elle raconte qu’au moment de mourir on voit défiler ta vie. Ce n'est qu'un cliché, en revivant toute la vie on en arriverait au moment de ta mort et on revivrait à nouveau toute ta vie à l'infini. Ça ne permettrait guère d'avancer et qu'en serait-il des bébés - ça serait vite bien ennuyeux pour eux. Faites comme s'il paraissait car une chose est possible, c'est que ta mort soit déterminée par la vie passée. Passé comme une soupe trop claire dans les mauvais jours."

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Ce n'est rien", de Daniel Ziv, qui est vendu au prix de 14 €, rendez-vous sur le site des éditions : https://z4editions.fr/publication/ce-nest-rien/

"Une visite au D.15", de Pascal Ulrich

Publié par les Éditions Le Contentieux, "Une visite au D.15", de Pascal Ulrich, est sous-titré "L’hôpital des malades imaginaires".

Il s'agit d'un journal de bord poétique, écrit lors d'un passage à l'hôpital psychiatrique d'Erstein, près de Strasbourg, en 2006-2007.

Les poèmes qui composent ce recueil sont sobrement lucides, ils sont parcourus par des énumérations, et se situent finalement presqu'au bord du silence.

On le sait depuis, c'était presque le bout du chemin pour Pascal Ulrich, qui est décédé deux ans après avoir écrit ce texte.

Extrait de "Une visite au D.15", de Pascal Ulrich :

"Dans un bureau
devant moi
j'ai un paquet de viande
sans âme
et muni d'un doctorat
et d'un pouvoir
après tout très limité
car le vrai pouvoir
est ailleurs
et voilà tout
et pas chercher à comprendre
mais comprendre puis chercher
et voilà tout !
Il me demande d'aller droit
de penser moins...
Il me ferait presque rire
mais il est dangereux
minablement dangereux"

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Une visite au D.15 (l'hôpital des malades imaginaires)", de Pascal Ulrich,  qui est vendu au prix de 5 €, rendez-vous sur le blog de l'éditeur: https://lecontentieux.blogspot.com/

dimanche 1 septembre 2019

"La cendre de nos jours", de Georges Cathalo



Publié comme supplément à la revue "À L'index", dans la collection "Les Plaquettes", "La cendre de nos jours", de Georges Cathalo est un recueil de poèmes en vers libres, consacré aux mensonges d'une pensée que l'on peut qualifier de libérale, en même temps qu'au vocabulaire à la mode : "neutrino", par exemple.

Le titre de chaque poème amène sa thématique, le ton employé variant entre la dénonciation et l'ironie.

J'ai apprécié la lecture de ces poèmes pour leur bon sens terrien, pour leur côté "arrêtez de nous faire prendre des vessies pour des lanternes". Il y a là dedans une logique que l'on n'aimerait partagée par plus de personnes que l'extrême majorité d'entre elles.

Cette même qualité se retrouve d'ailleurs dans le style des poèmes, sobre et direct. De ces poèmes, on peut dire qu'ils ont les pieds sur terre.

Extrait de "La cendre de nos jours", de Georges Cathalo, "Devant" :

t"u crois t’échapper
loin devant tout le monde
mais autour de toi
le décor est en trompe-l’œil

si tu t'arrêtes tu verras
ce que tu ne savais plus voir

pas plus ce qui est ici
que ce qui est plus loin
pas plus le proche que le lointain

tu te crois toujours devant
alors que tu fais du surplace."

L'ensemble des poèmes est accompagné de cinq collages de Marie-Claude Cathalo.

Si vous souhaitez en savoir plus sur "La cendre de nos jours", de Georges Cathalo, qui est vendu au prix de 12 €, contact : http://lelivreadire.blogspot.com et http://poesiealindex.blogspot.com