samedi 22 juin 2019

"Le Violet de mes Yeux", d'Emmanuelle Le Cam


Publié par les Éditions Citadel Road, "Le Violet de mes Yeux", d'Emmanuelle Le Cam est l'histoire d'une relation, je veux dire, d'une histoire à deux, à demi-racontée, existante, ayant existé ou imaginée, d'une histoire du passé ou qui se poursuit dans le présent.

Le lecteur ne sait pas vraiment qui va s'en sortir le mieux dans ce rapport de forces, l'homme, la femme, ou l'androgyne ? On ne sait pas s'il faut rire ou pleurer dans cette histoire. En tout cas, elle s'est déroulée et une rencontre peut survenir encore.

L'écriture d'Emmanuelle Le Cam, dans ce mini-recueil, consiste à se se saisir de cette ambiguïté pour ne jamais la perdre, du début jusqu'à la fin de ce parcours désordonné.

Extrait de "Le Violet de mes Yeux", d'Emmanuelle Le Cam :

"La musique
que tu joues
viole le jour
le transforme
intime des
ordres

je ris
à peine
mes lèvres
restent fermées
au vent du nord

: j'écoute ce violon
imparfait 
que tu fais

sonner faux."

Si vous souhaitez vous procurer "Le Violet de mes Yeux", d'Emmanuelle Le Cam, qui est vendu au prix de 9 €, contact : citadel.road@gmail.com

lundi 17 juin 2019

"Les armes douces", de Corinne Lagenèbre


Publié par les Éditions p.i.sage intérieur, dans sa collection 3,14 g de poésie, "Les armes douces", de Corinne Lagenèbre, est un recueil de poèmes en vers libres résolument lyrique, non pas tant par le choix d'images bucoliques, mais par sa vision résolument panoramique du monde qui l'entoure, donc ample, et donc lyrique.

Il y a de l'épopée, là-dedans, mais sans la guerre, d'où ce titre : "Les armes douces".

Il y a aussi de la chanson dans ces poèmes, avec leurs reprises, ce qui permet au texte de se construire dans la longueur, de connaître un vrai développement avant d'aboutir.

Si détails il y a, ce n'est pas ramené ras la terre, mais demeure aperçu en surplomb, avec une hauteur de vue qui n'équivaut pas à du mépris.

Cependant, même quand ils se font plus intimes, les poèmes tendent à la généralisation.

Poésie des grands ensembles urbains (tout particulièrement en sa première partie, intitulée "Armes douces"), poésie des voyages (davantage dans la deuxième partie, intitulée "Désertions"), poésie de l'élan vital (dans sa troisième partie, enfin, intitulée "Résistances"), la lumière du dehors éclaire l'ensemble de ces textes, qui sont construits comme des immeubles de plusieurs étages.

Extrait de "Les armes douces", de Corinne Lagenèbre :

"L'arme anatomique

J'aime l'instant de la fêlure
le moment où ça craque,
où s'envolent les masques,
où l'on baisse la garde.
Le chef désarmé
par une parole qui fait mouche
cet homme dont les mots trébuchent
ce ministre troublé
qui tente en vain
de rattraper 
son lapsus.

Et toi si absorbé, impénétrable,
la minute où tu t'en aperçois,
où soudain ton regard se fige,
une rougeur furtive
embrasant ta chemise.
Le voilà l'instant qui éclate,
quand ta fierté en berne
te laisse sans défense,
paumes ouvertes pour recevoir du ciel

des armes douces.

Cette seconde où la femme raidie
dans un costume sombre
d'où elle donne des ordres,
touchée au vif bredouille.
Le point où cèdent ses barrages,
cesse un combat vaincu
pour laisser place
au désir nu
d'abdiquer,
paumes ouvertes pour recevoir

l'arme 
anatomique."

L'illustration de couverture est de Fotolia.

Si vous souhaitez vous procurer "Les armes douces", de Corinne Lagenèbre, qui est vendu au prix de 10 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.p-i-sageinterieur.fr/

"Bon pour accord", de Claire Rengade


Publié par les Éditions la Boucherie littéraire, dans sa collection "Sur le billot", "Bon pour accord", de Claire Rengade, est un ensemble de poèmes qui peut déstabiliser le lecteur non prévenu, de prime abord.

En effet, ces poèmes semblent composés de vers écrits sans continuité. Il sautent allègrement du coq à l'âne, sans prévenir (pas de ponctuation) et utilisent également quelques néologismes (des noms transformés en verbes).

Toutefois, ce livre, dont le titre fait référence à l'écrit (c'est bien là l'un de ses paradoxes, comme on le verra après) - le bon pour accord constitue en effet l'étape précédant la signature d'un contrat - mérite d'être lu avec davantage d'attention.
C'est que d'habitude, l'espace dans lequel les mots se déploient est celui de la page blanche, d'où cet impératif intériorisé de début, de développement et de fin.

Sauf qu'ici, l'espace de développement du poème est celui de la parole. C'est l'espace du dehors, d'une scène de théâtre, comme de la rue. L'important est que les mots viennent. Et peu importe s'ils viennent mal, dans des tournures de phrases approximatives, maladroites, gauchies, ou que les locuteurs soient plusieurs à parler en même temps.

Ainsi, la poésie est restituée dans son immédiateté. Elle ne vient pas des images, ni d'une situation considérée comme poétique. Elle est bien plus actuelle, contemporaine, puisqu'elle découle de la parole saisie au vol.

Extrait de "Bon pour accord", de Claire Rengade :

"que ton chagrin s’entende
qu’il te dépasse qu'il déborde
si tu n'as pas de cœur il faut pleurer
poussez-vous à pleurer
on ouvre la mer avec ça
n'importe quelle version

on a pensé en colimaçon
des colimaçons dans des colimaçons
le même numéro
le même moment
les mêmes numéros de tout
je me fais escroquer par moi-même
il faut porter plainte tu dis

je me tromperas tu te tromperais
en général"

Si vous souhaitez vous procurer "Bon pour accord", de Claire Rengade, qui est vendu au prix de 11 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://laboucherielitteraire.eklablog.fr/

Ce livre est disponible, sur commande, dans toutes les bonnes librairies de France et de Navarre.

samedi 15 juin 2019

"L’écœuré parlant", suivi de "Cahier limite", de Pierre Andreani


Ils ne sont pas si faciles que cela à suivre, les poèmes de Pierre Andreani. Mais au moins, ils dégagent une sacrée énergie. Et ça, c'est précieux. Parce que souvent, on s'endort vraiment, dans la lecture des recueils de poèmes.

Par contre, si vous aimez la sobriété du haïku, je crois bien que ce livre ne sera pas pour vous.

Ce texte-là me semble être un constat d’échec par rapport à la réalité, par rapport à l'apparence qu'elle projette. Et cela me semble être le constat de base, pour qui veut faire de sa poésie quelque chose de vivant, voire de vital. 
Car l'existence est lourde dans son ensemble, et nos habitudes encore plus. 
Alors, si l'on veut découvrir autre chose en écrivant, il faut secouer le verbe, inventer toutes sortes de situations qui se transforment en impasses et s’en dégager aussitôt. Voilà ce que les mots de Pierre Andreani m'inspirent.
Sans cette succession de visions rapides, il n'y aurait pas cette richesse du langage, à tendance surréaliste (dans la vitesse de la pensée surtout, plus que dans la quantité d'images). Et vice-versa, également.
C'est au prix de l'imagination que la poésie se sort de l'ennui. Et dans ces poèmes-là, il y a, pour moi, un vrai dessein poétique.

Extrait de "L’écœuré parlant", de Pierre Andreani :

"Je reconnais mon nid, c'est une cage humide
dans un drôle de bouge, plein d'infanticides.

Hantise qui démarre à nouveau, dégustation sauvage
de tous les monstres hideux, de l'Afrique Occidentale
à l'Europe des vieilles pierres, réduction des passions.

Les sacrifices s'enchaînent sur les enfants bien nés.

On se dit : il ou elle a été puni(e), c'est bien fait !
On pleure quand même, dans les replis des draps.

On regarde sa vie, on s'éprend du malheur...
Que les autres sont riches et que soi, on se meurt,
que la mère et l'enfant sont ruinés, éloignés.

Ça continue vers la programmation simultanée
des foires régionales, les vocables du marché municipal,
tickets de caisse dans la poche, obligations et leurs soucis.

On se hâte dans son manteau, col relevé, furtif.
Chaque rendez-vous est une attaque, un attentat.
Cérémonie du chuchotement; rien ne sert d'écouter
aux portes, c'est un journalisme sans nécessité...

Autant jardiner dans les espaces dédiés, et se laisser rouler vers l'Ouest...

Le peuple se démoralise, oui, c'est bien naturel;
les suicidés montrent du doigt les bien-portants.
Peu importe : ils n’émeuvent plus personne.


Misère infligée ne sera pas impunie, les masses enflées,
on ne voit qu'elles tandis qu'elles puent.

À force de reculer en direction des bassines de vomissure,
vous tomberez dedans, et bien vous en prendra.

Je la vois : la mort habite en face de ce corps
devenu gras, elle s'appuie sur ses nerfs, le soulage.

Les chapeaux s'envolent au passage de l'impétueux
qui crache des vérités célestes, distribue les sentences.

Joie contre ce vieux monde : c'est en effet
la guerre ici-bas."

L’illustration de première page est du regretté Pascal Ulrich.

Si vous souhaitez en savoir plus sur "L’écœuré parlant, suivi de "Cahier limite", de Pierre Andreani,  qui est vendu au prix de 6 €, rendez-vous sur le blog de l'éditeur : https://lecontentieux.blogspot.com/

"Corrosion", de Mireille Disdero


Publié par les Éditions de la Boucherie littéraire, sans sa collection "Sur le Billot", "Corrosion", de Mireille Disdero est une suite de poèmes en vers libres, entre lesquels s'intercalent des textes en prose.

Mais c'est plus que cela. Il s'agit du récit poétique de cinq années passées par l'auteur dans plusieurs pays d'Asie (Thaïlande essentiellement, mais également Indonésie, Laos, Cambodge, Vietnam, Malaisie, Bali). J'utiliserai d'ailleurs volontiers le terme de "relation" pour qualifier plus précisément ce texte.

Car au-delà du périple touristique, que l'on devine riche et varié, l'auteur a bien pris soin de préciser, au frontispice de ce volume : "Corrosion n'est ni un carnet de voyage, ni un guide touristique".
Le lecteur va donc découvrir la chronologie du délitement d'une relation amoureuse.
Ainsi, dans "Corrosion", tout est question d'ambiance.

La réussite de ce livre tient, en effet, à cette prégnance de la sensation de déprime progressive procurée par ces textes (avant la perspective d'une sortie de cet état).
Et cette sensation semble coller parfaitement au climat des pays visités : moiteur, humidité, torpeur, envahissement du dedans par le dehors.

D'où le titre, qui tombe à point, de "Corrosion", résumant cette contamination insidieuse, mais durable, par l'ambiance des endroits traversés.

L'écriture de Mireille Disdero part du détail (observation extérieure) afin de communiquer ses impressions intérieures.

Extrait de "Corrosion", de Mireille Disdero, "Menu international" :

"Tu mets la douleur. Tu ajoutes un sourire grimace,
ton toit troué, les étoiles qui tanguent au-dessus.
Tu mets l'eau croupie. Tu ajoutes la terre. Le typhus.
Pourriture, choléra, ta famille ensevelie.
Tu ne peux plus réparer personne.
Trop tard.
Alors tu mélanges. Tu malaxes et souffles sur les vapeurs mortes qui s’échappent du plat.
Tu prépares un jus noir, chaud, suintant de tes rêves carbonisés.
Kafé, Kafé, qui veut mon Kafé brûlé ?
Antidote au destin saccagé. Aux grendes qui explosent dans la forêt.
Un kafé ! Et puis après !

Automne 2015 (Phnom Pen, Cambodge)"

Si vous souhaitez vous procurer "Corrosion", de Mireille Disdero, qui est vendu au prix de 13 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://laboucherielitteraire.eklablog.fr/

Ce livre est disponible, sur commande, dans toutes les bonnes librairies de France et de Navarre.

jeudi 6 juin 2019

"Faites comme si vous étiez mort", de Sammy Sapin


Publié par les Éditions "L'arbre vengeur", "Faites comme si vous étiez morts" (joli titre qui donne le ton du livre), de Sammy Sapin, est un volume de près de 200 pages, constitué de 14 nouvelles.

L'auteur, qui a d'abord publié de la poésie, semble nager comme un poisson dans l'eau dans ce genre de la nouvelle, pourtant difficile à cultiver.

Si les textes, ici, n'ont pas de lien entre eux, il existe une forte unité dans cet ensemble.

Le trait d'union entre ces nouvelles est le rapport au corps malade ou blessé, ou encore destiné à la seule sexualité, quand il n'est pas fantasmé.

Le lecteur y retrouve aussi le plus souvent un monde connu de Sammy Sapin, le milieu hospitalier, puisque celui-ci y travaille dans la vraie vie, enfin, l'apparente.

Cependant, il ne s'agit pas là d'un livre réaliste.

Les situations décrites nous renvoient toujours à des univers décalés par rapport au nôtre, ne serait-ce que par une caractéristique essentielle (par exemple, ce monde dans lequel les hommes se déplacent en jupes).

S'il fallait à tout prix classer ces textes dans un genre, ce serait un peu le fantastique, un peu la science-fiction. Mais plus que par des qualificatifs d'ensemble, c'est le ton employé qui constitue la véritable marque de ces nouvelles : sobriété, détachement, voire froideur de ton du narrateur, humour noir, insolite, dialogues foutraques (ces derniers sont l'un des points forts de ce livre).

En fin de compte, ces nouvelles finissent par ressembler à certains de nos cauchemars.

Pour vous donner une idée de l'ambiance de "Faites comme si vous étiez morts", de Sammy Sapin, le début de cette nouvelle intitulée "La lucarne" :

"JE JETTE UN COUP D’ŒIL par la lucarne. Indiscutablement, c'est un bon jour pour ce qui m'attend : clair quoique gris, mais sans excès. De longs nuages paisibles, groupés, font au soleil un masque de coton fin; l'herbe a gelé dans la nuit et se tient au garde à vous, prête à saluer quelque chose qui sera détonations, fusils fumants, ma mort."

Et si vous souhaitez en savoir plus sur "Faites comme si vous étiez morts", de Sammy Sapin, qui est vendu au prix de 12 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.arbre-vengeur.fr/