mercredi 28 avril 2021

"matin midi soir", de Gorguine Valougeorgis

 

Publié par la revue Décharge, dans sa collection Polder, "matin midi soir", de Gorguine Valougeorgis, est le premier recueil édité de son auteur (c'est l'objet de cette collection de faire découvrir de nouveaux auteurs : trop rare !)

Comme son titre ("matin midi soir") l'indique, cet ensemble de poèmes en vers libres renvoie résolument à la vie quotidienne en sa répétition.
Et qui dit vie quotidienne dit ici journée de travail à la ville, précisément rythmée par le temps (heures du réveil, etc.), et plus particulièrement, quotidien d'un dentiste salarié qui soigne souvent des personnes socialement défavorisées.

D'où ce regard attentif à ce qui ne va pas toujours trop bien et qui ne pousse pas toujours trop droit dans ce monde.

Outre la finesse de perception véhiculée par leur auteur, Gorguine Valougeorgis, les poèmes de "matin midi soir", se caractérisent, à mes yeux, par des aller-retour entre la précision des actions et des situations décrites et l'échappatoire offert, sans forcer, par la lumière, les oiseaux et la poésie.

L''ensemble offre une vision équilibrée du monde extérieur, nullement désespérée, mais dont la précision est source d'action et donc d'espoir.

Extrait de "matin midi soir", de Gorguine Vallougeorgis :

"Affaire poétique

ne pas chercher à faire joli ou 
plaire la poésie n'est pas
une affaire politique
la lune n'a pas besoin
de nos lumières pour
briller la mésange a assez de plumes
pour s'envoler l'arbre
n'a pas attendu
d'être arrosé pour
pousser

repêcher
les mots noyés sous les nappes
phréatiques de nos consciences les sortir
de terre les offrir
à la lumière pour les laisser s'échapper
à travers les barreaux
de nos cages thoraciques suffocantes en
espérant qu'ils trouvent
une branche curieuse
où se poser faire un nid
puis repartir
vers d'autres branches ne
laissant derrière
que la boue
la salive

et le silence à remplir des coquilles vides."

La préface de "matin midi soir", de Gorguine Valougeorgis est de Jean-Louis Giovannoni.

L'illustration de la couverture est de SIXN (Naïs Benito-Guyot).

Si vous souhaitez vous procurer "matin midi soir", de Gorguine Valougeorgis, qui est vendu au prix de 6 €, rendez-vous sur le site de la revue Décharge : https://www.dechargelarevue.com/-La-collection-Polder-.html

lundi 19 avril 2021

"Cardio Poèmes", d'Aline Recoura

 

Publié par les Éditions du Petit Rameur (plutôt approprié comme nom d'éditeur en la circonstance !), "Cardio Poèmes" d'Aline Recoura, est un ensemble de quelques poèmes consacrés au sport.

Je ne pouvais pas ne pas parler de ce recueil, moi qui trouve que la poésie que je lis, souvent, se complait dans une immobilité de bon aloi, cette suffisance des assis.
Hé bien, ici, c'est tout le contraire ! Ces poèmes, en plus d'être urbains, ne sont que mouvement. Et je trouve que c'est déjà beaucoup, car cela montre une soif de vivre non feinte.

Chacun des poèmes publiés ici est consacré à un sport en particulier : gym, course à pied, randonnée, écriture même. Mon préféré des sept (poèmes) est le dernier, "Vélo en salle", que je ne peux citer, du fait de sa longueur. Il résume pourtant parfaitement l'état d'esprit de ces "Cardio Poèmes", qui aboutit à un art de vivre. Des poèmes qui font battre le cœur, c'est bien, non ?

Extrait de "Cardio Poèmes", d'Aline Recoura :

"Tu ne cours plus

Tu ne cours plus
tu nages
et c'est tant mieux
à ta table
graines de semoule
adolescence
poulet grillé
courgettes hachées menues
aubergines transparentes
enfant léger
orientation
dattes
tu nages
et c'est heureux"

Le recueil est préfacé par louis Dubost. L'illustration de la première de couverture est d'Emmanuelle Rabut.

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Cardio Poèmes", d'Aline Recoura, qui est vendu au prix de 5 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.petitrameur.com/editions.html

jeudi 15 avril 2021

"À 80 km de Monterey", de Guillaume Decourt

 



Publié par les Editions Aethalidès, dans sa collection Freaks, "À 80 km de Monterey", de Guillaume Decourt, comprend 44 poèmes de 4 quatrains chacun. Bref, une histoire de 4 4. Des poèmes plutôt urbains, du coup…

Trêve de plaisanteries : sous ses apparences de fixité, la forme de ces poèmes, telle que pratiquée par Guillaume Decourt, fait liberté d'une élasticité certaine : peu de vers rimés ici, pas de même nombre de syllabes par vers, phrases découpées en vers…

Avec ces 44 quatrains, le lecteur part constamment en voyage, pas dans le monde entier, mais presque, et pas seulement "À 80 km de Monterey". Et à chaque fois, les lieux sont situés avec précision. 

De plus, il y a au moins une quarantaine de personnages (un par poème) dans ce livre d'une cinquantaine de pages au total. C'est rare en poésie, le poète se faisant souvent solitaire. 
Ici, si le poète est seul, du moins, il est au milieu des autres. Cela lui permet de saisir au vol les phrases qu'il capte pour l'écriture.

Ces changements de décor et d'ambiance successifs permettent à Guillaume Decourt d'exprimer une constante désinvolture, qui ne semble pas qu'apparente.
Le "je" de ces poèmes traverse d'un pas régulier des ambiances diverses et variées.
Je ne dis pas qu'il n'y a pas un peu de gravité ici et là, mais c'est la philosophie du détachement qui l'emporte.

Extrait de "À 80 km de Monterey", de Guillaume Decourt :

"13. POSTE RESTANTE

Sommes-nous bien passés
au Saloon de Los Alamos ?
il me semble bien que oui
mais ce n'est pas chose certaine

Une famille de mexicains
s'affairait autour du cercueil
devant une cabane en préfabriqué
nommée St Anthony Catholic Church

J'ai dû dire sans que tu l'entendes
c'est un ancien arrêt de diligence
ce qu'on peut dire des choses
ne m'a jamais beaucoup intéressé

Sur le mur d'une épicerie
on peut lire en lettres capitales
"Buvez Coca-Cola
cela soulage la fatigue"

Si vous souhaitez plus sur "À 80 km de Monterey", de Guillaume Decourt, qui est vendu au prix de 16 €, rendez-vous su le site de l'éditeur : https://www.aethalides.com/

mercredi 14 avril 2021

"Le foutoir", de Walter Ruhlmann

 

Nouveau recueil de Walter Ruhlmann, publié aux Éditions Urtica, "Le foutoir" se présente d'emblée avec un titre peu usuel.

Ainsi, le lecteur sera tenté de se dire : bon sang, je vais trouver là tout et n'importe quoi. Eh bien non ! Même si le recueil ne traite pas d'un sujet en particulier, les poèmes qui le composent ne sont pas réunis ici par hasard. Ils participent d'une même vision du monde. 
Et justement, pour l'auteur, c'est l'esprit humain qui est un foutoir, comme il l'avoue à la fin, dans "Sapiens tu crains". 

Je dis, moi, qu'il n'y a pas que l'esprit humain qui est un foutoir. Le monde qui nous entoure l'est aussi, puisqu'il s'agit du monde de la consommation, accéléré par Internet. 
Et cela, les poèmes de Walter Ruhlmann le montrent également. Pour autant, ils ne sont pas que dénonciation, mais avant tout visions.
Au-delà de ces visions, l'auteur aime montrer des intimités, parfois sexuelles. Et même apaisés, ses textes demeurent passionnels. Ils gardent ce côté adolescent que je ne trouve pas souvent dans la poésie.

Extrait de "Le foutoir", de Walter Ruhlmann, "Tannenbaum" :

"La vue depuis cette pièce est un paysage dont on ne peut s'échapper,
les montagnes couvertes de neige, des murailles à la hauteur insurmontable,
des pics gelés et des arbres vers fraichement saupoudrés de poussière de
coton,
un glaçage de sucre, des grains de cocaïne, de la farine, du pollen;
les arbres verts sont nos amis.

Bientôt ils seront coupés pour être replantés dans ses foyers,
habillés, maquillés, déguisés, harnachés:
des Tannenbaüme un peu putes.
Des guirlandes dorées, des étoiles argentées, de la neige chimique en poudre,
des décors en métal brillant, des silhouettes d'anges, des pères Noël, des
vierges,
qui baisent tous dans les senteurs conifères, aussi entêtantes
que les odeurs de pin contenues dans les aréaolsols de cabinets.

Surchauffés, ils perdront bientôt leurs épines par million,
certaines resteront même coincées dans le tapis;
aucun aspirateur ne pourra y venir à bout,
même les retirer entre le pouce et l'index sera infaisable,
la plupart se cacheront et deviendront invisibles.
Finalement, les arbres seront jetés à la rue, le trottoir sera leur cimetière, des millions de cadavres,
des kilomètres de tombes, des allées de majestés défigurées, des arbres
abîmés, des branches émaciées et nues."

L'illustration de la première de couverture est de Norman J. Olson.

Si vous souhaitez vous procurer "Le foutoir", de Walter Ruhlmann, qui est vendu au prix de 10 €, rendez-vous ici

"Hermes baby ma machine à écrire", de Jean-Jacques Nuel

 



"Hermes baby ma machine à écrire", de Jean-Jacques Nuel, vient d'être publié dans la collection "Carné poétique", des éditions de La Boucherie littéraire.

Quelques mots sur cette collection atypique. Laissons la parole, pour la présenter, à son éditeur, Antoine Gallardo : "une poésie originale de vingt pages est prise en sandwich entre quarante pages vierges laissées à la création du lecteur".

Ainsi, sont, dans ce carnet, publiés seulement 5 poèmes de Jean-Jacques Nuel. 
Mais des poèmes de choix. Cela tombe bien, d'ailleurs. Ces drôles de poèmes, composés de phrases découpées en vers, donnent, mine de rien, des conseils aux apprentis poètes, qui seront peut-être tentés de couvrir de lignes les pages vierges de ce carnet.

Extrait de "Hermes baby ma machine à écrire", de Jean-Jacques Nuel, ce début de "La charrue avant les bœufs" :

"avant d'envisager
de publier des textes
dans les revues littéraires
ou de proposer un tapuscrit
aux éditeurs
déjà saturés
des sollicitations
de tes semblables

il te faut d'abord
EXISTER

écrire jusqu'à exister
prendre le temps nécessaire
à ta propre naissance
et j'espère pour toi que tu y parviendras
avant l'article
de la mort

or la plupart des auteurs
font l'inverse

ils publient
AVANT d'exister

ils publient
POUR exister"

Eh ben voilà, c'est pas compliqué : y a plus qu'à !...

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Hermes baby ma machine à écrire", de Jean-Jacques Nuel, qui est vendu au prix de 10 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://laboucherielitteraire.eklablog.fr/

Ce livre est disponible, sur commande, dans toutes les bonnes librairies de France et de Navarre.

lundi 5 avril 2021

"Hormis la joie" de Pierre Andreani

 


Publié par les Éditions "Sous le Sceau du Tabellion", "Hormis la joie", suivi de "Neuf sonnets parallèles", de Pierre Andreani, est déjà son dixième livre publié en cinq ans.

L'impression première qui se dégage de ce livre pour le lecteur est celle du chaos. Et à mes yeux, il n'y a rien de péjoratif là-dedans. Car, à partir du moment où la poésie a pour but de montrer la vie (et notamment le chaos urbain), plutôt que d'embellir les choses (le bonheur champêtre où ne vit pas une majorité de personnes), les mots doivent en passer par ce désordre pour accéder à une vérité.

Ici, le lecteur a l'impression de vivre un "Very Bad Trip", après une soirée trop arrosée, fait de bribes de conversations, d'allusions à des circonstances inconnues d'emblée, mais saisies en plein vol, qui ressemble à un collage d'articles de journaux.

Il faut également reconnaître ici le contraste entre le fond et la forme, Pierre Andreani organisant ce chaos dans des poèmes en vers régulés, si ce n'est réguliers. Vous pouvez d'ailleurs remarquer l'emploi des ponctuations, comme des formes fixes (sonnets).

Ce monde chaotique a aussi sa part de mystère, qui pousse le lecteur à revenir sur ces textes qui savent résister, sans être dépourvus d'un style qui se tient…

Extrait de "Hormis la joie", de Pierre Andreani :

"Et tu vis seul, sur une île peuplée
d'étrangers discourtois :
on négocie déjà la prime de risque,
en baillant devant la mer, vague
vaine occupation,
on rigolait dans nos blousons -
les pieds oppositions, visage repeint laideur
quatre ans après les massacres :
le vieux nigaud, la jeune idiote,
vénération du document,
testament photocopié et commenté
au microphone, hurlant, soprano
en effritant épis de blés, tu dénigrais
le mensonge et la trahison, duplicité,
mauvais aspect du coup d'État,
à travers la pyramide de livres
étalés, brûlés, moqués,
l'enfant brune danse en agitant
les bras [...]"

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Hormis la joie", suivi de "Neuf sonnets parallèles", de Pierre Andreani, qui est vendu au prix de 14 € (port compris), rendez-vous sur le site des éditions : https://www.sceaudutabellion.fr/catalogue

"Imprécis de cuisine", de Dorothée Coll et Philippe Chevillard

 

Publié par les Éditions Jacques Flament, "Imprécis de cuisine" est un recueil de poèmes en vers - la plupart du temps - libres de Dorothée Coll, illustrés par Philippe Chevillard.

Comme le titre du livre l'indique, chacun des poèmes publiés ici constitue une recette. Mais si vous comptez manger autrement après avoir lu "Imprécis de cuisine", vous risquez d'être déçus, comme l'indique également le titre du livre.

D'ailleurs, les recettes publiées ici ne sont pas si imprécises que cela. Cependant, plutôt que de recettes de cuisine, il s'agit de recettes de poésies.

À la précision des termes employés dans les livres de cuisine, répond la multiplicité des objets et images poétiques. 

Même s'il existe des poèmes composés d'animaux, voire d'ingrédients de cuisine, j'ai plus particulièrement apprécié les recettes paysagères, dans laquelle la nature diversifie ses ingrédients, les variations de lumières remplaçant les bouquets de saveurs. 
Ces poèmes sont destinés au sourire du cœur, en quelque sorte.

Extrait de "Imprécis de cuisine", "Liqueur de lumière", de Dorothée Coll :

À l'aurore
Épier le jour pour voir
De quel pied il se lève
S'il darde ses rayons
En immense sourire
Capturer la lumière
Dans un polaroîd

Mettre ensuite la photo
Le cliché à tremper
Dans du vin jaune ou vin de paille
Ajouter l'eau-de-vie
Attendre une semaine
Puis filtrer

Conserver le liquide
Dans une bouteille en verre
Sucrer de miel ambré
Et laisser reposer
À l'ombre des fougères

Quand celles-ci s'assèchent
Tant la lueur est vive
Comme sous la chaleur
D'un projecteur de scène
Votre liqueur est prête

À déguster la nuit
Quand on a peur du noir
Une veilleuse au ventre
Vous serez envahis
D'un sommeil de loir

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Imprécis de cuisine", de Dorothée Coll et Philippe Chevillard, qui est vendu au prix de 16 €, rendez-vous sur le site des éditions : https://www.jacquesflamenteditions.com/460-imprecis-de-cuisine/

dimanche 4 avril 2021

"Passé le point de rupture", de Christophe Brégaint

 


Publié par les Éditions Douro, "Passé le point de rupture", de Christophe Brégaint est un recueil de poèmes en vers libres, entrecoupés de photographies en noir et blanc de l'auteur (dont celle de la première de couverture).

Dans ce livre, Christophe Brégaint décrit à la fois l'imminence et l'après d'une rupture amoureuse. Il en détaille les différentes répliques, qui s'étalent dans le temps depuis la blessure fatale jusqu'à son atténuation progressive.

À la fin du livre, le bonheur, même à un plutôt qu'à deux, semble de nouveau possible.

J'ai apprécié la lecture de "Passé le point de rupture", pour la sobriété des textes qui composent ce recueil, cette objectivité subjective, cette manière froide de noter la moindre fêlure (et elles sont nombreuses), en faisant appel aux images plutôt qu'aux personnages du couple.

À travers ces poèmes d'introspection qui se lisent avec facilité, sans être pour autant faciles à vivre, Christophe Brégaint rappelle au lecteur qu'une rupture amoureuse ne se fait pas un jour et que ses effets vont se nicher dans des détails qui ne sont jamais innocents.

Extrait de "Passé le point de rupture", de Christophe Brégaint :

"Au plus profond
de notre osmose
s'introduisit une disjonction

Cause
à
effet de l'arrêt d'une liaison
devenue équation
irrésolvable

Dos à dos
nous avons fini d'être
sur la même longueur d'onde

De choc en choc électrique
notre connexion s'est retrouvée
hors circuit"

La préface de "Passé le point de rupture" est de Céline Debayle.

Si vous souhaitez vous procurer "Passé le point de rupture", de Christophe Brégaint, qui est vendu au prix de 18 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.editionsdouro.fr/christophe-br%C3%A9gain