mercredi 18 septembre 2024

"Vivre farouche", de Théophile Bruno

 

Publié par les Éditions Camp-Volant, "Vivre farouche" est le premier recueil de Théophile Bruno, qui a pris le temps de faire mûrir cet ensemble.

Livre à la fois dense et décanté, à travers ses poèmes en vers libres courts, dans la majorité des cas, "Vivre farouche" est un récapitulatif des rencontres qu'a faites l'auteur au cours de ses pérégrinations.
Mais cela va plus loin.
Au-delà de ces portraits vécus, règne l'ambiance du dehors. En parlant d'ambiance, elle n'est justement pas feutrée. Elle est même plutôt révoltée contre les uniformes et l'uniforme. 
La déploration sur la destruction de l'environnement y est également souvent présente.
Mais là encore, ces seuls constats ne suffisent pas à épuiser le contenu des poèmes publiés ici.
Car il y a dedans (si l'on peut parler de vers qui se situent à l'extérieur), une soif d'épure qui a le goût de la liberté. Et c'est cela le plus important à retenir, me semble-t-il.

Extrait de "Vivre farouche", de Théophile Bruno :

"Elle a connu le vent silex
et la pluie noire

elle n'a cure de se retourner
pour ces faux envols de vagabond

pour adresser une parole
ou
pour encourager d'un mot
ces paumés à tête d'ange
qui cherchent ce lac

où se reflète le ciel
où plongent

les adolescents sans taches"

Les crédits photographiques des pages intérieures sont dûs à Hanne Peeters, Chloé Charpentier et Théophile Coinchelin.

Si vous souhaitez vous procurer "Vivre farouche" de Théophile Bruno, qui est vendu au prix de 12 € (+ frais de port de 2,50 €), rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://editionscampvolant.wixsite.com/monsite?fbclid=IwY2xjawFZL8NleHRuA2FlbQIxMAABHbmgrzT0xFE2fOZh4PYwMqxnCcQlc0cR5PaSg4ziDc-YSKCCwSkPv6Jv_A_aem_jIKjHWKm3X08quMt3sCdgA

mardi 10 septembre 2024

"L'Automne ou le Sac de Rome", de Wisielec

 
Sous-titré "Vaudeville punk en trois actes & 1527 ennéasyllabes", "L'Automne ou le Sac de Rome" (titre qui demeure énigmatique, surtout pour "le Sac de Rome"), de Wisielec, est publié par les Éditions Aethalidès.

Dit autrement, il s'agit d'un long poème satirique écrit en vers de 9 syllabes. Je précise, en outre, que ce poème est divisé en 3 actes plus un envoi (avec une communication en prose qui s'intercale entre l'acte I et l'acte II). Le tout en 102 strophes de 15 vers chacune.

Il me semble essentiel de préciser toutes ces données qui montrent que le lecteur a affaire à un brillant exercice de style dans laquelle la rigueur a un rôle important à jouer. Exercice littéraire (et de calcul !), donc, qui concerne un sujet littéraire. Et quel sujet littéraire ! Le meilleur de France. Excusez mon ironie. Il s'agit des déjeuners d'attributions des prix Goncourt et Renaudot. Les deux académies sont donc au parterre ! Et ce n'est pas triste.

Alors, je vous préviens tout de suite, comme le fait d'ailleurs l'auteur : "Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé serait purement fortuite."
Eh bien, heureusement, parce qu'il se passe quelque chose d'exceptionnel, dans ces deux déjeuners d'académiciens parallèles : drogue, dont la prise entraîne des situations ridicules, provoquant même la scatologie. 
Et pour couronner le tout, les Gilets Jaunes pas très loin, ainsi qu'une attaque terroriste en fin d'après-midi.
Parmi les personnages de cette farce, Virginie et Frédéric, membres et semeurs de troubles des deux académies.

Il est difficile d'aller plus avant dans le détail de ces cent strophes, sans en écrire des tartines, car tout est dans le style et les clins d'œil nombreux. Le livre contient d'ailleurs, en sa dernière partie, un glossaire d'une vingtaine de pages qui éclaire les références de ce texte, la plupart d'entre elles m'étant demeurées inaperçues lors de la lecture.

Je ne suis pas certain que le monde littéraire sorte tellement grandi de cet épisode. Mais c'est bien fait pour lui. À force d'être à côté de la plaque et de s'en moquer ! 
En tout cas, voilà comment j'interprète "L'Automne ou le Sac de Rome". Le style est brillant, dense et riche : arme de précision apte à traduire les mille éclats de voix, surprises, retournements de réunion au sommet !

Extrait de "L'Automne ou le Sac de Rome", de Wisielec :

"13

"Bon, admet-elle, un acteur porno
" Aime exhibitionnisme extrême,
" Et s'accomplir comme joueur pro
" Requiert talent et constance même.
" Très peu sont oints de ce rare chrême…
" Cela, bon sang !, explique pourquoi
" Tant d'écrivains aux vers en détresse
" À Saint-Germain soignent l'entre-soi :
" N'ayant ni la fesse ni l'adresse
" Pour dompter la bite ou le cuir roi
" Ils font carrière en la paraphrase !
- Bernard, ce vote est long d'une toise !
" S'il m'est permis un succinct recez",
Se récrie, avec égard, Françoise,
" Puis-je courir me "poudrer le nez" ? "

L'image de couverture est une reproduction d'une fresque du peintre Raphaël, intitulée "Banquet des noces d'Amour et de Psyché".

Si vous souhaitez vous procurer  "L'Automne ou le Sac de Rome", de Wisielec, qui est vendu au prix de 19 €, rendez-vous sur le site des Éditions : https://www.aethalides.com/wp-content/uploads/2024/08/Wisielec-LAutomne-Extrait.pdf

dimanche 25 août 2024

"Le bourriquet Vlan-Vlan", d'Étienne Paulin

 


Nouveau recueil d'Étienne Paulin publié par les Éditions Henry, "Le Bourriquet Vlan-Vlan" est un recueil de proses poétiques pas tout à fait comme la plupart des autres que je suis amené à lire.
En 2010, j'avais publié un court extrait - qui s'intitule "La bielle" - de ce nouvel opus dans "Traction-brabant".

Je souligne bien entendu ici leur côté décalé qui apparaît d'emblée dans le titre du livre, qu'il m'est impossible d'expliquer. Ce qui ne m'empêche pas de l'apprécier : une histoire d'âne, sans doute, ce "Bourriquet Vlan-Vlan".

D'ailleurs, chacune des proses de ce livre comporte un titre, toujours imprévisible, si ce n'est fantaisiste. Et cela va bien au-delà. Car chacun des textes semble repartir de zéro après le texte qui le précède, affirmant ainsi son irréductible indépendance poétique. 

De plus, à chaque fois, semble être racontée une histoire, au demeurant complètement foutraque, qui tourne court. 
L'intérêt du lecteur tient au fait qu'il cherche à débusquer les ressorts de cette narration, pour savoir comment les mots, dans leur richesse, tiennent ensemble de manière imprévue, avant que l'argument de la prose s'évapore dans une pirouette.

Ci-après "Régiment", extrait de "Le Bourriquet Vlan-Vlan", d'Étienne Paulin : 

"Il y a beaucoup de pleutres et je suis le premier. On m'appelle. Entrez, pleutre.

Le baraquement est sommaire, peu limpide.

- Au moment de la tourbe ?
- Pour sûr.
- Et les airelles, les avez-vous saisies au vol ?
- J'ignore.

L'entretien est aisé. Le commodore m'aiguille de ses questions fleuries. Je répond peu, mal, ses attentes sont comblées. L'adjudant accélère ses supputations, jubile. Lorsqu'il me parle du miel, tout s'éclaire : l'histoire de la courge et du cerf !

Le pilote du planeur, cent ans, s'était pris à feindre. Son passager, la courge, à qui l'on a refusé le pilotage pour une histoire de drap, sciait les angles. Ils se posèrent dans un champ d'avoine et déjeunèrent, mal vus par une aurore australe."

La vignette de couverture est d'Isabelle Clément.

Si vous souhaitez vous procurer "Le Bourriquet Vlan-Vlan", d'Étienne Paulin, qui est vendu au prix de 13 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://editionshenry.com/?a=632

mercredi 24 juillet 2024

"Epistola", de Claude Billon

 


En voilà, un livre de poésie qui ne ressemble pas aux autres !
Nous étions plusieurs à attendre la publication de textes de Claude Billon qui s'est fait désirer durant pas mal d'années.
Cette fois-ci, les pendules sont donc remises à l'heure.
Publié par les Éditions Baz'Art Poétique, dans la collection "Les poètes d'à côté", "Epistola", de Claude Billon est un drôle de volume.
"Epistola" semble désigner des lettres. Mais cela va ici bien plus loin. Le lecteur peut y voir des adresses à la population, pour la réveiller de son apathie. Car, pour moi, ces "Epistola" sont autant d'hymnes à la vie, à la liberté, à la simplicité, à l'univers de… Jules Mougin, le facteur (comme l'auteur) d'ami.

Nostalgie d'une époque révolue, avec toujours l'espoir dans le recommencement du soleil, de la lumière. Ce qui n'empêche pas à la lucidité de s'exprimer, sur nos maux politiques et sociaux. Décidemment, en cette époque où les poètes sont plutôt des élégiaques, quand ils ne nous enterrent pas vivants, Claude Billon refuse cette facilité. Il s'émerveille contre vents et marées. Dès lors, pourquoi ne pas se laisser emporter avec lui ?

Ces "Epistola" semblent se moquer de toute forme littéraire. Successions de proses denses, entre lesquelles s'intercalent quelques poèmes en vers libres. J'aime cette désinvolture apparente vis à vis de ce qui serait trop figé dans la poésie. C'est normal, en fait ! Si la poésie appartient à la vie, on ne sait pas quand elle s'arrête et quand elle finit…

Extrait de "Epistola", de Claude Billon :

"On s'est levés
ce matin avec de la promesse entre la tranche de pain,
jus d'orage et pommettes rieuses. Quoi donc ?
la passion jetée en vrac : ramasse les morceaux !
Soudainmentesque et tout habillé en préfet stupéfait
d'en faire une tonne comme la robe d'un ciel couillue de merlans
frits comme autant de gens futés qui croient savoir comme ils
savent comme on a déjà vu ce qu'on va voir ! À peine on agite
le monde réel et voilà qu'il tombe dans du baratin-baragouinage
c'est du beau coquilleux comme pour construire un mur et ça
vaut pas mieux que les soupers du Roi juste avant de faire
crever le Peuple hop-là ! mais là j'ai quasi rien d'autre à te dire
mon pote, crée ton bonheur : sois donc toi, natif d'autre chose
que ce brouillassier désir de remuer ciel et terre pour n'être 
adopté que par de l'ennui ! le gilet-jaune jamais plus englouti
par nos égouts, alors qu'il méritait le Yellow-show dans les
tanneries de Fès, faire honte à la kalash qui fait merveille contre
la guibole des mêmes, tout est muscle artiste sauf le mépris
de l'Art ! ces fions changés en étron contemporain, cette
mayonnaise Ch'timi servie à la Joconde qatarie, déesse
de la péninsule Renaissance, l'âme du monde
elle s'est reluquée
n'est-ce-pas ?"

On peut tout à fait dire de ce style qu'il est goûteux. Rarement à ce point la jouissance par les mots ne m'aura fait penser au plaisir éprouvé à manger de la bonne nourriture.

La préface est de Vincent Wahl. La photographie en première de couverture de l'auteur, de Dom Corrieras et les illustrations originales, de l'auteur.

Si vous souhaitez vous procurer "Epistola", de Claude Billon, qui est vendu au prix de 15 €, rendez-vous sur le blog des éditions : http://bazarpoetique.blogspot.com/

"Haïkus de la Belle saison", de Marie-Anne Bruch

 

Publié par les Éditions Encres vives, dans sa collection "Lieu", "Haïkus de la Belle saison", de Marie-Anne Bruch dévoile d'emblée, sur la première de couverture, son sujet : Paris / La Baule. Avec une photographie de l'autrice, en prime.

Ces haïkus réguliers par la fore (chacun, composé de 3 vers de 5, 7 et 5 pieds), constituent en effet des "choses vues".
Choses et parfois humains, saisis dans leur environnement.
Chaque scène ordinaire est rendue singulière par le regard de Marie-Anne Bruch qui en révèle l'éclat, en pointe de ver, pourrai-je dire.

Ces poèmes se lisent bien, d'ailleurs. Quoi de plus difficile que la simplicité ?

Plusieurs extraits de "Haïkus de la Belle saison", de Marie-Anne Bruch :

"Au petit matin
pluie tombant dans les flaques
- Les yeux cernés.

*

"Regard de défi
d'une petite trottinette
- Le bus impassible.

*

Rues de banlieue
les chats disent bonjour
- Pas les voisins.

*

"Orage d'été
- Le ciel fissure
ma rétine.

*

Qu'est-ce que l'écume ?
La salive de la mer
quand elle mord le vent."


Si vous souhaitez vous procurer "Haïkus de la Belle saison", de Marie-Anne Bruch, qui est vendu au prix de 6,60 €, contact de l'éditeur : encres.vives34@gmail.com

mardi 9 juillet 2024

"Fond vert", de Frédérick Houdaer

 

Publié par "Le feu sacré Éditions", "Fond vert", de Frédérick Houdaer est, pour moi, un grand classique.

Ayant vécu durant ma jeunesse à la campagne (et ayant effectué le chemin inverse de la campagne à la ville), je me souviens de ces parisiens qui venaient s'installer dans le Morvan.
Avec ma famille, on faisait des paris sur la durée au bout de laquelle ils allaient repartir pour la grande ville. Car la campagne c'est beau l'été, mais ça fatigue à la longue. Surtout qu'en plus, normalement, il y a l'hiver…

Frédérick Houdaer vit en poésie cette expérience de l'installation depuis Lyon dans un village de Saône et Loire. Le moins que l'on puisse dire est qu'il ne cache pas ses embarras, maladresses, perplexité face à ce que tout la campagne l'oblige à faire.
Le bilan ne me semble pourtant pas négatif. D'abord, l'auteur se place en posture d'accueil (c'est mieux pour accepter). Ensuite, la beauté de la nature est parfois décrite. Enfin, dans ces pages, la solidarité entre voisins peut aussi exister.

Bien sûr, l'humour est très présent dans ces textes.
Mais il n'y a pas que cela. En décrivant son environnement par petites touches, Frédérick Houdaer offre un portrait de la campagne plus réaliste que celui dressé par les poètes qui veulent la célébrer, en la décérébrant.

Extrait de "Fond vert", de Frédérick Houdaer :

"agenouillé au milieu de la rhubarbe
je glane les bouts de verre
au-dessus de ma tête
d'autres vitres menacent de tomber
la maison a deux cents ans
et elle fait son âge
un troupeau de panses cornues
l'encercle
avec la lenteur d'une armée de morts-vivants
un tracteur les frôle pour
lâcher une diarrhée d'herbe
sans parvenir à les effrayer

dans la ferme en contrebas
la volaille remplace le chien pour
prévenir du passage d'un véhicule

entre mes murs de pierres et d'humidité
je passe une bibliothèque au xylophène puis
à la même page d'un vieux dictionnaire
je trouve muse et muscle
chaque article est agrémenté d'une riche iconographie
tout cela sent le travail soigné
et le papier moisi"

Si vous souhaitez vous procurer "Fond vert", de Frédérick Houdaer, qui est vendu au prix de 12 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://lefeusacre-editions.com/commander/

dimanche 23 juin 2024

"Le clown d'enterrement", de Fabrice Marzuolo

 

Publié par les Éditions Gros Textes, "Le clown d'enterrement", de Fabrice Marzuolo est son premier recueil publié chez cet éditeur, après la co-édition en 2007 de "La diligence ne passe pas avec les aboiements" (Polder, chez Gros Textes et Décharge).

Je retrouve les poèmes de Fabrice Marzuolo comme une vieille connaissance : nous avons été publiés en même temps en 2007 et nous avons co-écrit "la partie riante des affreux" en 2012 (premier recueil des éditions du Citron Gare). Ce qui commence à faire pas mal d'années.

Cela me fait donc du bien de lire de nouveaux poèmes de Fabrice, au style aisément reconnaissable.

Et ce, pour plusieurs raisons.

Ils ne sont toujours pas nombreux, les poèmes à affirmer leur peu de cas de l'espèce humaine, à cette époque pourtant de moins en moins réjouissante (guerres de plus en plus proches, abus de pouvoir politique, égo des (ha)auteurs surmultipliés par les réseaux sociaux, alors que ce n'est pas ça qu'on leur demande à tous).

Comme si la plupart des auteurs refusaient de voir la vérité en face.

Mais il y a aussi autre chose de moins immédiat qui me plait dans ces poèmes, et qui tient à leur construction. J'ai toujours l'impression que Fabrice Marzuolo jongle avec les mots "façon puzzle" (avec les histoires également), avant d'en ramasser les différents morceaux et de les réunir en fin de parcours. Comme une résolution, au sens musical du terme : transformation d'une dissonance en une consonnance.

Extrait de "Le clown d'enterrement", de Fabrice Marzuolo :

"Le raccourci

Plutôt que dans l'été ou l'hiver disons
le défilé d'incertaines saisons
passer du temps à sacrifier le présent
si peu en vérité
pour qui pour quoi
pour des lendemains
qui chantent si faux
autour d'une jeunesse
vidée de ses vingt ans
comme poulets de leurs entrailles
où tomber parmi d'éternels ados
qui donnent envie d'être sourd
plus vite que leur musique
ou encore atterrir au milieu des vrais vieux
que le très juteux jeunisme
a dégauchis en clowns heureux
ceux-là carrément réhabilitent
la peine de vivre"

L'illustration de couverture est de Jacques Cauda.

Si vous souhaitez vous procurer "Le clown d'enterrement", de Fabrice Marzuolo, qui est vendu au prix de 7 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://grostextes.fr/publication/le-clown-denterrement/