dimanche 3 avril 2022

"Une femme c'est un indien", de Murièle Camac


Je connais bien l'écriture de Murièle Camac. Après avoir été l'un de ses premiers lecteurs, j'ai édité son quatrième recueil, intitulé "En direction de l'ouest", en 2019.

Cinq recueils en dix ans, tous publiés chez des éditeurs différents : preuve objective d'une qualité d'écriture, et en même temps, pas de publications pléthoriques, mais des apparitions régulières. Tout cela, pour moi, signifie quelque chose.

Il reste que j'ai été bufflé par le contenu de ce cinquième livre : "Une femme c'est un indien", publié par les Éditions Exopotamie, qui "passe la vitesse supérieure" et constitue une nouvelle étape significative dans ce parcours poétique.

Ici, en effet, l'identité du style - aisément reconnaissable - de Murièle Camac, est doublé d'un véritable dessein. De ce point de vue, ce livre est le plus engagé de son autrice.

En faisant de la femme un indien, Murièle Camac en dresse un portrait sociologique, rempli d'ironie, mais aussi de véhémence, à l'égard de ces autres qui sont les hommes. À ces premiers le costume et le pouvoir que ça sur-tend. Aux femmes la différence de "l'indien dans la ville", cette sauvagerie qui n'est pas la liberté.

En même temps, ce portrait de la condition féminine n'est pas figé. Il montre comment la femme se libère au fur et à mesure que la chronologie avance, même si cette libération n'est évidemment pas certaine.

L'écriture de Murièle Camac est plus que précise. Elle est pointilliste. Elle utilise le registre familier et en même temps, parsème ses poèmes de références littéraires. Les textes sont concentrés, les images n'y sont pas distribuées à tout va. Bref, le lecteur est souvent surpris par cette écriture qui sait aller vite et bref.

Au décalage de l'ironie répond le décalage de l'écriture. Avec des mots simples, faire du nouveau.. qui se lit bien !

"Une femme c'est un indien", c'est pour l'instant (après plusieurs mois, tout de même !), ma meilleure lecture poétique de cette année 2022.

Extrait de "Une femme, c'est un indien", de Murièle Camac, son premier poème, à la valeur de programme, extrait de "Tapisserie" (titre de la partie du recueil) :

"Il était une fois un indien, une femme -

une femme c'est différent - différent d'un homme.
Une femme c'est un Indien :
Un indien, donc quelqu'un de complètement différent.

Une femme, avant d'affronter la torture, doit savoir
chanter son chant de mort.
Elle chante :
sa quête,
son départ,
ses vêtements repasses,
sa plongée nue dans la mer,
son île, son gel, son sommeil.
Le mouvement et la reconnaissance d'un rien.

Il était une fois un Indien, et elle chante.
Personne d'autre qu'elle-même n'est là pour entendre
son chant de mort - il ne s'adresse qu'à elle-même.
Personne d'autre qu'elle-même ne la lira.

Quand on a fait cela, on peut affronter le pire.

Une femme enferme son chant de mort dans ses
tiroirs, et puis elle va danser.
Toutes les danses lui sont possibles.

On entend son rire : elle se moque du pire."

La photographie de couverture est de Karine Rougier.

Si vous souhaitez vous procurer "Une femme c'est un indien", de Murièle Camac, qui est vendu au prix de 17 €, rendez-vous surs le site de l'éditeur : https://exopotamie.com/collections/produits/products/une-femme-cest-un-indien

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