samedi 1 novembre 2025

"Filles bleues", d'Ivar Ch'Vavar (et son équipe)

 

Publié par les Éditions Lurlure, "Filles bleues", d'Ivar Ch'Vavar, n'est pas complètement un livre composé de nouveaux poèmes. Mais c'est autre chose qu'une anthologie.

Sous-titré "recyclage" et ayant pour auteurs Ivar Ch'Vavar et son équipe, demeure l'idée (plusieurs fois répétée par son auteur, et c'est tant mieux) que "la poésie doit être faite par tous, et non par un".

Ici, les autrices de l'équipe sont des femmes : Alix Tassememouille, et Adrienne Vérove (pour la présentation du livre et ses notes). On peut y ajouter d'autres totems "féminins" : Sylvia Plath et Évelyne Nourtier, pourquoi pas ?

J'ai pris du plaisir à relire les poèmes d'un auteur dont j'apprécie déjà pleinement l'œuvre. Joie de retrouver ces "Nouveaux vers de la mort" et les différentes versions de "Berck plage", surtout. Et ce n'est pas rien de relire des choses qu'on aime !!!

Plaisir également de renouer avec des contraintes diverses au sein d'un même volume : depuis les poèmes rythmés, des années 80 aux plus amples vers arythmonymes des années 2000 (je pourrais y ajouter les quatrains et justifications, par exemple).

Ici, toutefois, c'est un peu comme avant et pas vraiment : ainsi, "Filles bleues" est nouveau par l'assemblage et plus profondément, par la tonalité dominante qu'il laisse passer.
Il y a d'abord, à mes yeux, la mer et sa plage. Evidemment, au-delà de ce paysage réel, existe l'horizon de l'écriture, à la fois plat et infini.
Il y a aussi les filles et cette mouette, point d'orgue du livre (poème inédit de 2018).
Présence féminine, un peu, sexualité, à coup sûr, pour moi, malgré tout, atténuée. Au contraire, ce qui m'a semblé compter, c'est la géométrie des formes. Les formes que l'on voit, et celles que l'on imagine.
Formes des corps, mais avant tout formes des choses, superposition de plans visuels, comme sont les empilements de vers. Formes abstraites, qui finalement drainent leur intense nostalgie, comme de simples vagues.

Extrait de "Filles bleues", "deux haï-kaï", d'Ivar Ch'Vavar :

"La poésie n'a aucune importance.
La nuit, l'hiver n'ont aucune
espèce d'importance. Le vent,
le froid, la viscosité,
la salinité,
le fait d'être sinistre n'ont aucune
importance.

/
Eh bien, moi je le vois très bien, ce matin
anormalement blanc, alors que toute
la nuagerie pantèle
de noirceur. — C'est un matin blanc,
— avec une mer berckoise blanche aussi —,
Elle reluit, la mer, dans un bref
crissement, c'est le silence
et l'irréalité qui l'emporte et vous
subissez un éblouissement (moi aussi)."

Si vous souhaitez vous procurer "Filles bleues", d'Ivar Ch'Vavar (et son équipe), qui est vendu au prix de 21 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://lurlure.net/filles-bleues

"John Forbes Nash, le chant des équations blessées", de Catherine Andrieu


Publié par Z4 éditions, "John Forbes Nash, le chant des équations blessées", de Catherine Andrieu, est un court recueil de poèmes en vers libres, consacré au mathématicien américain John Forbes Nash (1928-2015).

Il s'agit d'un portrait lyrique. Hommage est rendu au scientifique qui, malgré ses problèmes mentaux liés à la schizophrénie, a réussi à persévérer dans une brillante carrière de mathématicien (géométrie et algèbre).

Il ressort des poèmes publiés ici une évidente empathie de l'autrice pour John Forbes Nash, qui partage les mêmes difficultés de vie.

Ce qui m'a plu dans ce recueil, c'est son évidente clarté, paradoxalement mise au service de l'expression du chaos.
Comme si, une fois franchi le seuil de la folie, les choses devenaient de nouveau évidentes, comme si les apparences devenaient vérité.
Ces poèmes ont évoqué pour moi le retour aux évidences de l'enfance, malgré le temps qui passe.

Extrait de "John Forbes Nash, le chant des équations blessées", de Catherine Andrieu :

"XIII

Il lisait peu, désormais.

Non par désintérêt,
mais parce qu'il avait atteint cette zone rare
où les mots
sont en trop.

Il regardait des pages sans les tourner,
comme on regarde la mer :
non pour apprendre,
mais pour entendre.

__

Parfois, il murmurait à Alicia :
"Je crois que tout est déjà écrit,
mais l'ordre change à chaque lecture."

Elle souriait doucement,
Comme on sourit à une étoile
qui se prend pour un feu de camp.

__

Il pensait à ses erreurs
sans les condamner.

Le génie ne supprime pas l'ombre,
il apprend à l'éclairer de biais.

__

Il rêvait encore.
Des rêves simples :
un enfant qui compte les carreaux d'un plafond,
un carnet posé sur une chaise vide,
et un chiffre qui se répète
jusqu'à devenir
un nom."

Si vous souhaitez vous procurer "John Forbes Nash, le chant des équations blessées", de Catherine Andrieu, qui est vendu au prix de 12 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://z4editions.fr/product/john-forbes-nash-le-chant-des-equations-blessees/