Publié par les Éditions "Sous Le Sceau Du Tabellion", "Gargouille" d'Hélène Miguet est son troisième recueil édité, après, notamment, "Des fourmis au bout des cils", publié à l'enseigne du Citron Gare.
On ne croirait pas, au départ, qu'une gargouille puisse être un objet poétique : eh bien si !
Ce n'est pas tant l'objet lui-même qui est poétique que son regard imaginé sur le monde. Ce regard est privilégié avant tout par la position qu'elle occupe : du haut des églises, qui donne sur les rues plus ou moins commerçantes des centres-villes.
Du fait de son architecture de rattachement, religieuse, moyenâgeuse, la gargouille pourrait avoir le regard méprisant des puissants, ou réactionnaire des aristocrates.
Ici, pas du tout.
C'est que la gargouille a aussi ses propres problèmes. Elle est seule tout là-haut, elle subit les intempéries, et a le temps d'observer les hommes : fourmis sur le sol. Pas que du beau à voir.
Alors, la gargouille dénonce, elle se révolte surtout contre le destin ordinaire des humains.
Et là, tout est dans le style. Les images visuelles, bien sûr, y sont nombreuses. Mais surtout, le style de la gargouille se place lui aussi en surplomb du langage des médias. Un peu de tenue voyons !
Je lis rarement des poèmes comme ceux-là, qui savent garder cette hauteur de style. Plus sombre, plus "tout feu, tout flamme" que "Des fourmis au bout des cils", "Comme un courant d'air", "Gargouille" creuse le sillon des précédents recueils.
Les poèmes publiés ici explorent toutes les facettes de cette révolte et placent la poésie au milieu de celle-ci. Rien à faire. Elle qui est qualifié d'inutile, comme d'habitude, a là un rôle à jouer. Et sa place est tout près des êtres, c'est-à-dire en bas, sur le pavé.
Extrait de "Gargouille", d'Hélène Miguet :
"Un jour on m'a collé un funambule en ligne de mire
on a mis le grappin à dix centimètres de ma grimace
puis tendu le fil en travers de la place ça m'a rappelé
les saltimbanques de ma jeunesse
je croyais que le monde en avait fini avec les montreurs
d'ours et les équilibristes en avait assez de tout ce
cirque monde civilisé qui cache ses baladins et ses
bonimenteurs au ministère rue Saint-Honoré patron de
la Culture et des choux pâtissiers
mais j'ai vu la foule aux yeux ronds briller au plus grand
exercice de style j'étais réconciliée l'humanité tient
à un fil
mon funambule avait la classe des acrobates bras libres
et chevilles nues je l'aimais sans raison pour sa
nuque raide et le gouffre à ses côtés pour l'énergie
du talon aux nuages donnée sans retour comme un baiser
j'ai pensé Genet comme ton amour était plus haut que
chaque forêt du monde
il s'en est allé vers le soleil point résolument noir sur
l'horizon ouvert
avant d'empoigner son balancier il m'avait chuchoté
qu'il avait une blessure à mettre en lumière
*
Petit pêcheur de vides assoiffé de terre ferme
sur ton fil apatride
sèchent les secrets d'or que tes entrailles renferment"
La préface de "Gargouille" d'Hélène Miguet est de Clément Bollenot. L'illustration des pages intérieures est de Christian Mouyon.
Si vous souhaitez vous procurer "Gargouille", d'Hélène Miguet, qui est vendu au prix de 17 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.sceaudutabellion.fr/catalogue
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire