Publié par l'Atelier de l'agneau éditeur, "Le charabia des chauve-souris", de Julie Cayeux, ne dévoile pas, à travers son titre, de thème apparent. Pourtant, à la lecture, ce dernier n'est pas caché.
En effet, tout au long de la succession de ces textes en prose d'une page, les instants qui précèdent et les jours qui suivent la mort du père sont décrits en détail.
"La charabia des chauves-souris" n'est pas pour autant un livre réaliste. Sa caractéristique principale me semble être un mélange qui n'a pas entièrement pris (et tant mieux, justement) entre des phrases de tous les jours et d'autres phrases à plus forte teneur poétique, qui déraillent de cette droite ligne de la logique. Et ça déraille vite, sinon, ça serait terne. Mais ça ne déraille pas tout le temps, sinon, ça deviendrait gratuit.
Derrière cette légèreté des mots qui ne demeure pas prisonnière d'un carcan de rationalité, la douleur demeure : le chagrin de la perte de l'être aimé, comme une évidence, exprimée avec finesse.
Extrait de "Le charabia des chauve-souris", de Julie Cayeux :
"Le lendemain de sa mort, la douleur coagule à l'intérieur de nous. À travers les miroirs, les reflets s'épaississent. La cervelle fonctionne au ralenti, le corps n'a plus la moindre énergie. Ce qui arrive alors dans le salon n'a pas d'explication. Mes pieds sont soudain perforés par un souffle joyeux, une respiration curieuse qui transperce ma douleur? On dirait qu'un gloussement de mon père s'est engouffré à l'intérieur de mes chaussons. De toute évidence, les courants d'air ne peuvent pas chatouiller les pieds des vivants si les fenêtres sont fermées. Est-ce qu'un reflux mystique peut prodiguer une telle jubilation ? Ou est-ce que la douleur a mangé ma raison ? J'éprouve une sorte de vertige à l'idée qu'un truc cloche. Mon père a toujours raffolé des pitreries, c'était sa façon à lui de tenir le coup. Durant des années, nous avons sonné aux portes et nous nous sommes enfuis en riant Il n'était pas du genre à rester sage et il pouffait comme un gamin. Alors s'il est possible pour lui de nous faire un petit salut, je sais qu'il va le faire. N'est-ce pas que c'est un signe, la chauve-souris ? Je n'ai pas pu imaginer ce frisson compact, indocile? Il a suivi sa propre trajectoire, n'est-ce pas ? La bestiole marmonne une sorte d'acquiescement. Le réel se dissout en arrachant des filtres, ces buvards gris qui nous cloisonnent, éloignent les défunts des vivants."
Si vous souhaitez vous procurer "Le charabia des chauves-souris", de Julie Cayeux, qui est vendu au prix de 18 €, rendez-vous sur le site de son éditeur : https://atelierdelagneau.com/fr/hors-collection/308--julie-cayeux-le-charabia-des-chauves-souris-9782374280943.html

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