202e Polder de la collection Polder des éditions Décharge, "Il fut un temps" d'Igor Quézel-Perron est placé sous le signe du conte, ou plutôt des contes. D'ailleurs, toutes les proses qui composent ce recueil commencent par "Il fut un temps".
J'ai aimé lire ce recueil pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, pour ses ambiances volontiers nocturnes, ces mondes clos (boites de nuit, trou, club numérique), comme si les contes étaient des rêves perfectionnés par l'écriture.
Ensuite, par la précision des faits décrits qui contribuent, avec leurs cascades de mots, à resserrer les décors.
Enfin, comme dans les poupées russes, il arrive souvent que ces contes sont des histoires dans lesquels le narrateur raconte des histoires.
Extrait de "Il fut un temps", "Extrémisme", d'Igor Quézel-Perron :
"Il fut un temps où j'étais à l'extrémité de tout. Je fuyais les milieux, les tièdes, les modérés. Je n'aimais que le lait brûlant, les colériques. Les mièvres m'épuisaient, je les prenais par le cou et je les secouais fort pour les décoiffer. Certains ne s'énervaient même pas, s'excusaient, c'était à désespérer. Dans la rue, je parlais fort, dans le métro, je jouais des coudes. Dans n'importe quelle conversation, je coupais la parole, je disais que moi il m'était arrivé des choses beaucoup plus importantes. Pendant le Covid, j'avais failli mourir dix fois. J'avais des ganglions gros comme des oranges sous les bras. Mes enfants étaient très malheureux pour une moitié, bénis des dieux pour l'autre. Ils avaient fait des études prestigieuses parce qu'ils me ressemblaient, ou très médiocres parce que moi, je respectais leur choix. J'avais un scooter plus rapide que toutes les motos, même les Allemandes. Mes malheurs étaient abyssaux, mes vacances proches d'un séjour sur l'Olympe. Je dinais dans des restaurants inconnus, au charme fou, comme chez les plus grands étoilés. Je connaissais des gens )à très haut niveau, que j'appelais par leur prénom tellement ils m'aimaient. J'avais eu des parents extraordinaires, qui m'avaient légué des valeurs d'acier. C'était certes grâce à eux que j'étais devenu qui j'étais, mais j'avais eu aussi de la chance dans la vie. Enfin, pas toujours, parce que j'avais traversé des épreuves terribles. Le soir, je rentrais chez moi, tellement content de ces journées. Je me faisais réchauffer un plat et je regardais Netflix."
La préface est de Chloé Landriot, et l'illustration de couverture de Joseph de Rosen.
Si vous souhaitez vous procurer "Il fut un temps", d'Igor Quézel-Perron, qui est vendu au prix de 7 €, rendez-vous sur le site des éditions : https://www.dechargelarevue.com/-La-collection-Polder-.html
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