dimanche 6 juin 2021

"Smog rosé", de Thibault Marthouret

 


Publié par les Éditions Atelier de l'agneau, "Smog rosé", de Thibault Marthouret, est son 3e recueil édité après "En perte impure" et "Qu'en moi Tokyo s'anonyme".

Cependant, ce texte est fort différent des deux premiers. Si "En perte impure" et "Qu'en moi Tokyo s'anonyme" étaient des recueils de poèmes, il n'en est pas de même ici à mes yeux.

L'auteur joue clairement - si je puis dire - à brouiller les genres : si "Smog rosé" contient parfois des poèmes en vers libres, et si la plupart des textes qui le composent peuvent être considérés comme des poèmes en prose, ce serait passer à côté de l'ambition du livre qui s'inscrit dans un ensemble bien plus vaste (125 pages tout de même) qui se tient et qui constitue une sorte de récit futuriste (enfin, presque) éclaté, contenant des séquences répétitives (cycles des HAPPÉ.E.S), faites pour la musique.

Le sujet de "Smog rosé" s'inscrit pleinement, quant à lui, dans l'un des vrais problèmes de l'époque, à savoir le réchauffement climatique. Tout part de là, au début, et tout au long du livre, Thibault Marthouret en tire les conséquences à l'échelle macro-humaine. 

En effet, il n'y a pas de personnages dans "Smog rosé", mais un collectif qui tente de survivre, tout le monde étant logé à la même enseigne.

Ne croyez pas pour autant que ce livre soit désespéré. Au contraire, l'auteur fait preuve d'une ironie constante, même si cela peut tourner à l'humour noir. 

Ainsi, l'être humain semble être rendu à l'état d'enfance dans tout ce marasme, comme si tout cela n'était pas très sérieux, alors que ça l'est, justement.

Le style de Thibault Marthouret est très riche : multiplication des listes pour décrire la diversité du monde, jeu de mots présents ici et là, utilisation de mots parfois rares, ces instruments d'écriture étant là pour rendre compte au plus près (de la réalité) des sensations produites sur les corps des protagonistes.

Extrait de "Smog rosé", de Thibault Marthouret :

"L'annonce est officialisée au journal télévisé : il fait chaud. La ville se remplit de bels gens, femmes, hommes, enfants, des gens si beaux qu'ils n'existent pas quand il pleuvait sans cesse. Ils entrent dans l'été à pas retenus, lins et tissus légers, cheveux longs, secs brillants, et nous dans nos gangues, bourgeons duveteux, prisonniers poisseux du changement de saison.

Les températures s'envolent derrière la présentatrice talquée du bulletin météo qui accuse le coup. Quasi statique, elle nous répète qu'il fait chaud et nous répétons qu'il fait chaud, à la radio, sur nos écrans, dans le métro, chaud comme une seule fois avant, puis la chaleur bat son propre record, enflamme les transports, déclenche une nouvelle vague de constats incessants contribuant à la calorification apocalyptique de notre environnement. Le mercure est dans toutes les bouches, sort par tous les nez. Les bels gens s'évaporent, se brumisent au Cap Ferret mais nos sucs nous pèguent à l'asphalte."

L'illustration de la première de couverture est de Lisa Gervassi.

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Smog rosé", de Thibault Marthouret, qui est vendu au prix de 18 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://atelierdelagneau.com/fr/accueil/251-smog-rose-9782374284462.html

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