jeudi 16 janvier 2025

"Hraun", de Florent Toniello

 

Publié par Michikusa Publishing Luxembourg, "Hraun", de Florent Toniello est un livre de proses poétiques, accompagnées de photographies (sur certaines pages de droite) de Thomas Fleckenstein (dont celle de la couverture), qui évoquent l'Islande.

Drôle de pays que celui-là, peu densément peuplé, du fait de ses conditions géographiques particulières. Évoquer l'Islande revient donc à parler de ses paysages "originaux". Ce à quoi s'attelle Florent Toniello ici.

À chaque prose correspond son élément naturel (géologique, animal), chaque titre de prose étant rédigé en Islandais, avec la traduction de ce même titre en français en fin de texte. Le petit jeu consiste évidemment à deviner ce qui est évoqué !

Ainsi, les textes de "Hraun" constituent à la fois une mise en situation renouvelée, ainsi qu'une prouesse de langage. En effet, l'auteur rentre véritablement dans la peau de la chose évoquée, à la première personne du singulier, comme s'il s'agissait de son propre corps. Il détaille les sensations possibles entraînées par le contact avec l'environnement. Or, les paysages d'Islande, tourmentés, se prêtent à merveille à ce genre de turbulences.
Bien sûr, on ne saura pas, à moins d'un progrès scientifiques certain, si ces sensations sont vraies. Du moins, elles semblent tout à fait réelles, dans leur personnification. 

Au final, la qualité de ces proses étonne, le langage se collant à la réalité, cherchant à la rattraper. Il en résulte une langue riche écrite au présent de l'instant saisi. C'est bien, me semble-t-il, le but le plus sérieux d'une écriture. Ces descriptions intérieures ont lieu dans un même souffle, d'où des textes sans majuscules, dans lesquels les mots sont tout juste séparés par des points et des virgules.

Extrait de "Hraun", de Florent Toniello, le texte qui donne son titre au livre :

"d'abord le jaune cru, l'orange vif, le rouge qui chante. sente ponctuée de nuances, lents contours d'obstacles vains, ravines encombrées de viscosité. me grille à la simple odeur, fumet décapant à l'ascension placide. hauts survols quiets, seule ici-bas pour affronter le coulis suis, collée à la terre. les fuites sont épuisées, racines et mycéliums en avant-poste de désolation. frôle les boursouflures, projections paresseuses d'inexorable avancée. goûte les flammèches, titille les rives. silence aigu dans le rift, glougloutements en goguette, embrasements épars dans un champ d'étincelles. hésite encore. la fonte déboule sans me prêter attention, trempée soudain suis. effort d'adaptation, du mucus à foison, m'arrache à la torpeur contemplatiente. sonde la profondeur. évalue au jugé. tohu-bohu brûlant de fusion fruste. noyade écartée, flottement réussi, plongée franche. dans un cocon de l'infini, telle une hibernation ardente, exploratrice en route pour des parsecs. remue calmement, libérée du poids des parasites grillés. à fond guidée par le courant intraitable, me replie sur mon appendice, gouvernail opportun. transport lent mais précieux, communion vulcanienne qui défie les distances, à la dérive suis, continent impur dans un carcan impétueux. me cogne contre les écueils, absorbe la chlorophylle imprudente, lape le bouillon mixte de corps brûlés. émerge un instant. delta aux branches multiples, embranchements labyrinthiques, jetée dans la bouche d'un torrent qui atteint les mille bras suis. nul répit, bords à peine solidifiés, sourds, dégouline, suinte mon guide ardent, braises mouvantes qui vaporisent les bains liquides étourdis, m'interroge sans retenue. souffre adoré, ardeur prenante, fumerolles, crépitements, labile chemin emprunté en confiance. me tords de la chaleur reçue, me craquelle sans jamais m'ouvrir. pulsions de l'écarlate à l'incarnat, explosions diffuses. geysers qui pétaradent à qui ira le plus haut. à l'assaut de la rive en contrebas, franche dans le coulage incarné suis.

LAVE"

Si vous souhaitez vous procurer "Hraun", de Florent Toniello, qui est vendu au prix de 15 €, rendez-vous sur le site de son éditeur : https://michikusapublishing.com/book-shop/

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire