dimanche 20 janvier 2013

"Extrême autrui", d'Etienne Paulin


Et voici qu'Etienne Paulin récidive avec un deuxième recueil paru aux Editions Henry, qui passe pour l'instant trop inaperçu à mon goût, notamment par rapport à d'autres publications du même éditeur.
D'ailleurs, ma préférence de lecteur va à ce deuxième recueil, intitulé "Extrême autrui", par rapport au premier, "Voyage du rien", également chroniqué sur ce blog. Toujours cette belle écriture, mais qui cette fois-ci m'a semblée plongée dans un décor moins statique.
J'y retrouve une même liberté de style (ce qui ne signifie pas écrire n'importe comment !),  qui m'avait marqué lors de la lecture de "Tuf, Toc", première publication d'Etienne Paulin.
Cette impression que n'importe quoi peut survenir au détour d'un vers, d'une phrase. Cette attitude dégagée avec la vie, cette manière d'être plutôt ironique, ce regard aristocratique sur l'existence, vue comme un bric à brac de présent et d'inactuel, se manifestant par des images à la fois incongrues et efficaces.
L'ensemble de ces courts textes en proses, qui comprend 90 pages environ, est divisé en 9 parties, semblant être de petites histoires découpées telles des séquences de bandes dessinées.
Il y a dans le regard d'Etienne Paulin sur le monde qui l'entoure quelque chose de rimbaldien, qui tient sans doute à cette envie de malmener nos pauvres vies. Vous me direz, alors ça ressemble à un défaut. Eh bien moi, défaut ou pas, je m'en fous, puisqu'une telle lecture me revitalise !
S'il fallait citer tout ce que j'ai aimé dans ce recueil, je citerais au moins les pages 8, 9, 13, 14, 15, 16, 21, 28, 33, 35, 37, 48, 50, 63, 72, 73, 74, 75, 76, 85, 86, 92, 93, alors comme il va falloir choisir : ce sera, tiens, la page 15 :
"Nous n'échapperons pas aux gares, pas aux gares.
L'immense pendulon au-dessus du belvédère rappelle quel temps nous avons fui.
Les gares lorsqu'aucun train, les gares quand personne.
Cet endroit qui n'est plus tellement la gare et souffle.
L'heure électrique et le falun phosphorescent.
Convoi sans rien, les chats sont gris, succubes désertant.
Ou s'agit-il d'une once qui retangue, d'un séraphin mort-né.
Sale gare et maudit pendulon."

Si vous souhaitez en savoir plus sur ce recueil, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.editionshenry.com/

dimanche 13 janvier 2013

"Quotidiennes pour résister", de Georges Cathalo



"Quotidiennes pour résister", qui vient d'être publié par les Editions La Porte, se composent de 17 poèmes. De loin, ce qui surprend, tout d'abord, c'est l'extrême homogénéité apparente de ces poèmes, qui tiennent tous en une seule strophe et donnent l'impression qu'ils comprennent toujours le même nombre de vers. Eh bien ! L'apparence est trompeuse, car en fait, non. Chaque poème a entre 6 et 9 vers, si je ne m'abuse. Le devoir formel ne l'emporte pas, donc...
Vous me direz, et alors, qu'est-ce que ça peut faire ? Je veux dire par là, malgré tout, que le fond de ces poèmes est en exacte correspondance avec leur forme apparente. Car il s'agit toujours, en fin de compte, d'incantations.
D'ailleurs, Georges Cathalo ne se laisse pas démonter à la fin de chaque strophe. Chaque jour, il repart à l'attaque, par l'écriture, et pour contester l'ordre économique actuel, ainsi que toutes sortes de petites lâchetés "modernes". Il n'y a pas de panique chez lui, ça ne part pas dans tous les sens, mais il appelle de son âme les poètes à "résister résister résister". Aucune fantaisie circonstancielle dans ces textes. Pas d'image inutile. Il s'agit de réveiller la conscience des écrivains, sans faire le malin avec le langage. Ce serait tellement plus facile !
Un poème en exemple, pour la route :

"un livre est un livre seulement
s'il recèle des surprises
charmes et violences
tendresses et provocations
et tout un arsenal d'armes fatales
qui serviront peut-être un jour
à construire ou à reconstruire".

La poésie de Georges Cathalo, vous pouvez la lire, c'est du solide, ça tient la route !
Pour en savoir plus, vous pouvez commander le livre à Yves Perrine (Editions La Porte), 215 rue Moïse Bodhuin 02000 LAON (3,75 € le livret, 20 € les 6).


samedi 5 janvier 2013

"Tout ce que la vie nous souffle", de Jacques Lucchesi

Le recueil de ces poèmes et textes courts de Jacques Lucchesi, qui vient d'être publié par les Editions du contentieux de Robert Roman, est d'abord un hommage à Pascal Ulrich, poète, peintre et illustrateur mort en 2009, puisque le recueil lui est dédié et que l'illustration de couverture est de Pascal Ulrich.
Pascal Ulrich, il n'y a peut-être que 3 personnes au monde qui s'en préoccupent aujourd'hui, Robert Roman, Jacques Lucchesi et votre serviteur. Mais, vous verrez, nous aurons dans quelque temps l'occasion d'en reparler...
Pour en revenir au recueil de Jacques Lucchesi, si le genre du poème court est très souvent pratiqué, il est plus rare que ce soit pour évoquer notre monde contemporain (avions, ordinateur, villes en général), comme ici.
La particularité des poèmes de "Tout ce que la vie nous souffle" réside également dans le fait qu'ils sont numérotés, ce qui gomme en partie leur caractère trop littéraire. Marre d'entendre dire que les poètes sont des rêveurs. Ils savent aussi compter !
Bon, des fois, les poèmes font mouche, des fois moins. C'est le problème avec ce genre d'écriture difficile à réussir complètement. Mais chacun peut y trouver sans problème ses pépites. J'avoue pour ma part préférer les textes les plus purement imagés à ceux qui contiennent une (a)moralité. Un de mes préférés, par exemple : "Il y a toujours quelqu'un / La nuit, dans cette rue, / Qui guette le moment / D'égorger le silence".
Mais plus encore que dans "Tout ce que la vie nous souffle", j'ai trouvé de l'originalité dans "Petites fables pour lecteurs pressés", deuxième partie du recueil. Les courtes proses qui la composent présentent les mêmes caractéristiques que les poèmes qui les précèdent. Mais ils racontent en plus toujours des petites histoires, résumés de vies, de solitudes superposées, dont le plus grand mérite est de ne pas baigner dans la satisfaction de leur sort, d'être toujours en quête de quelque chose... Soit que leurs acteurs recherchent le grand amour ("Speed dating"), soit qu'ils sont obsédés par une baleine blanche ("Vieillesse des lutteurs")...
Enfin, pour qualifier le style de Jacques Lucchesi, je dirai qu'il est concis et précis. Même dans les textes courts, ça peut être utile !

Un exemple pour la route :
"A force de marcher en regardant le sol, je rencontre davantage les regards des chiens que ceux des humains.
Si tu savais comme leurs yeux sont doux et apaisants. Ils me reposent de toute cette agitation autour de moi.
Parfois, il m'arrive de caresser leur tête sans voir la main et le visage à l'autre bout de la laisse" (Le dit de Josiane).

Pour vous procurer le recueil au prix de 6 €, vous pouvez écrire aux Editions du contentieux, Robert Roman, 7 rue des Gardénias, 31100 Toulouse.
Sachez également que Jacques Lucchesi est éditeur, pour en savoir sur ses textes et publications, http://editionsduportdattache.over-blog.com/