lundi 30 janvier 2023

"Trois cailloux au fossé métamorphies", de Pierre Gondran dit Remoux


Publié par Cardère Éditeur, dans sa collection Poésie, "Trois cailloux au fossé", de Pierre Gondran, dit Remoux, est sous-titré "métamorphies".

Il s'agit d'un recueil de proses poétiques, pas vraiment ordinaire dans sa conception. Cela vient du fait que les proses s'enchaînent les unes aux autres, le dernier mot de la prose d'avant étant le premier de celle d'après. 
Mais cela va encore plus loin. Car il s'agit véritablement d'une suite de textes qui décrivent une progression dans la nature. Parfois d'ailleurs, les proses s'interrompent pour laisser la place à un court poème en vers libres qui rythme cette progression.
L'histoire débute comme un conte avec enfant. Puis l'enfant devient homme et finit par se confondre avec la nature. Du conte, on passe alors insensiblement à quelque chose de plus grave.

D'ailleurs, dans "Trois cailloux au fossé", l'essentiel est plus que jamais dans le style. Pierre Gondran, dit Remoux, est un spécialiste des sciences naturelles. La richesse et la rareté du vocabulaire employé donnent à la nature des reflets comme elle n'en a que rarement. Pour une fois, la campagne et la forêt ne sont pas vidés de leur contenu par le poète qui les décrit.
Le lecteur colle ici à sa réalité scientifique qui produit de la poésie. Et quand l'homme "se noie" dans la nature, la richesse de la faune et de la flore devient géométrique. 
L'homme y gagne alors à ne plus agir contre les choses et à leur appartenir.

Extraits de "Trois cailloux au fossé", deux proses successives de Pierre Gondran dit Remoux :

"la cascade cariatide est muette ! gigantesque il la voit tau loin mais ne l'entendra jamais. ronciers pionniers et lianes téméraires frappés d'une pluie sans fin lancent dans le sable des feuilles luisantes; des oiseaux habiles plongent le long des flots verticaux, attrapant poissons et insectes précipités - improbable image d'un songe, le globe de vapeur blanche accueille les eux rudoyées, assis aux côtés de la rivière convalescente, l'homme croit entendre dans le chant d'entre-galets un peu de l'étourdissement de la chute.
 
                                                                                                                    vapeur

                                                                                                                    tout le

tout le jour clairière, l'homme a observé le pré. dévoilé ici plutôt que là par la chute de trois géants, silhouettes lignine posées grenat sur leur propre humus, à chacun de ses rares pas, la bête croisée est honorée, nommée par l'homme. comme espèce ? non - comme individu, punctum sur le plan constellé du règne des bêtes
                        
                                                                                                                       bêtes

                                                                                                                les caprices"

Si vous souhaitez vous procurer "Trois cailloux au fossé", de Pierre Gondran dit Remoux, qui est vendu au prix de 12 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://cardere.fr/poesie-contemporaine/187-trois-cailloux-au-fosse-9782376490357.html

dimanche 15 janvier 2023

"Arpenteur", de Jean-Pierre Givord

 

"Arpenteur" est le troisième recueil publié par Jean-Pierre Givord, aux éditions "Des Sources et des Livres".
Ce livre m'a intéressé pour plusieurs raisons.

Sur le fond, il s'agit de scènes observées visuellement, d'ici et d'ailleurs (en France ou dans d'autres pays), saisies sur le vif, cinématographiquement, d'une durée très courte.
Ces scènes, qui montrent surtout un passage d'un état à un autre (tel ces personnes qui traversent le champ de vision, l'arpenteur n'est pas seulement celui qui les regarde) sont à la fois très précises et très générales.
L'auteur cherche, en les décrivant, à leur rendre leur caractère d'universalité.

Sur la forme, "Arpenteur" oppose sur les pages de gauche et de droite, les deux formes les plus opposées de la poésie : sur la page de gauche, un ou des quatrains en vers réguliers et sur la page de droite, une prose.

Pour le lecteur, lire "Arpenteur" nécessite une démarche particulière des yeux.
En effet, les poèmes en vers réguliers constituent des notes de bas de pages. Mais l'idéal est de pouvoir les lire dans le cours du texte d'en face, ce qui a pour effet de couper la découverte d'une impression poétique trop libre, par ce commentaire distancié, sinon ironique, enfermé dans ces courts vers rimés.

Ces quatrains sont là pour remettre l'église au milieu du village, confirmer que ces scènes uniques, sont non seulement universelles, mais finalement, s'expliquent.

C'est de cet équilibre entre liberté de l'arpenteur et raison de l'historien (ou du sociologue) que nait la singularité de ce livre.

La préface est d'Alain Wexler et l'illustration de couverture, de Michel Dufour.

Extrait de "Arpenteur", de Jean-Pierre Givord :

"Givre matinal le long de la route qu'il emprunte selon les cas, le point de départ est choisi parmi les volcans (1) qui s'animent, nés il y a plusieurs milliers d'années des soupes de matériaux, puis il traverse les parcs régionaux et leurs villages uniques, rencontre peu les habitants accorts et ouverts aux discussions, traque comme un vol de papillon des trajets lointains déjà vus, vrais guides qu'il reporte sur des cartes IGN à deux pas de là.

(1)    Un exemple; le parc régional
         Des volcans d'Auvergne, visité
         Par des hordes de retraités
         Que l'on peut croiser le matin."

Si vous souhaitez vous procurer "Arpenteur", de Jean-Pierre Givord, qui est vendu au prix de 15 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.dessourcesetdeslivres.fr/Les_Publications.html#Ancre_Givord-Arpenteur

mardi 10 janvier 2023

"Replier le lieu", de Marine Leconte

 


Après "De la main à la chute" (que j'ai édité en 2018, à l'enseigne du Citron Gare) et "Détachant la pénombre", "Replier le lieu", est le troisième recueil de poésie publié par Marine Leconte, cette fois-ci, aux Éditions Douro, dans la Collection Poésies au Présent.

Placé après quelques mots de Bernard Noël, l'objet de ce livre tient dans son titre : "Replier le lieu".

Dit comme cela, cette idée peut sembler absurde. Sauf qu'elle ne l'est pas tant qu'il y paraît, à partir du moment où le corps sort bousculé de cette quête. Car quête il y a. Mission, même. "En marche" - maintenant que cette expression est redevenue celle de Rimbaud - pour "Replier le lieu" : 

"Deuxième jour

Elle a dit la mourante
Maintenant il est temps de replier le lieu
Cette histoire a assez duré
Je ne te demande pas de la ranger
Juste
De replier
Ce lieu"

Il s'agit plutôt d'une aventure. Le mouvement vers l'avant est identifiable. Ces courts poèmes en vers libres, qui se déplacent petit à petit au fil des pages, me font penser à ces dessins animés très épurés en noir et blanc, muets, où le personnage (unique) remodèle l'horizon en même temps qu'il le traverse.

Et à la fin, à la fin, s'achève le mystère que je ne ne dévoile pas complètement :

"Alors
Sur la langue chancelante de l'œuf
S'ouvrira l'autel"

L'illustration de couverture est d'Agathe Lievens.

Si vous souhaitez vous procurer "Replier le lieu", de Marine Leconte, qui est vendu au prix de 17 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.editionsdouro.fr/boutique/Replier-le-lieu-p515878978

dimanche 8 janvier 2023

"Ce temps qui ne passe pas", de Lancelot Roumier

 




Publié par les éditions du Petit Pois, dans la "Collection Prime Abord", "Ce temps qui ne passe pas", de Lancelot Roumier, est le deuxième recueil édité de son auteur.

Divisé en trois parties, intitulées "Semences", "Fossés" et "Ondes", cet ensemble de courts poèmes en vers libres joue à cache-cache avec le temps.

Ce personnage, habituel dans la poésie, est ici personnifié, apparaissant en mystérieux visiteur dans le quotidien du poète, avant de repartir d'où il est venu. 
Et de manière assez inhabituelle, au lieu de passer trop vite comme dans les autres poèmes, il demeure toujours présent, même quand il n'est pas là.

Ainsi, Lancelot Roumier dialogue avec le temps qui devient un ami connu depuis toujours.

D'un côté, le temps est maître des éléments : de la lumière (jaune), dans les "Semences", de la végétation (vert), dans les "fossés", et de l'eau (bleu), dans les "Ondes".
De l'autre, le poète se sert des mots pour apprivoiser le temps. Les poèmes, à travers leurs mots, semblent l'aider à saisir sa relativité dans l'espace.

"Ce temps qui ne passe pas" est, en définitive, un recueil d'ambiances et de sensations, qui se met à la portée de la permanence du temps.

Extrait de "Ce temps qui ne passe pas", de Lancelot Roumier :

"un silence chaud sort des narines
attaque
les essais de langue
ronge ce qui se dit
laisse prendre
au bord des bouches
la pâte à monde
autour de la table basse
dans le salon
entre les bouteilles
les verres
les vides
convergent
s'attirent s'assemblent
des enfants naissent
transpercent
les bouches closes"

L'illustration de la couverture est une aquarelle de Pierre Duprat.

Si vous souhaitez vous procurer "Ce temps qui ne passe pas", de Lancelot Roumier, qui est vendu au prix de 13,50 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.leseditionsdupetitpois.fr/auteurs-1/Lancelot-Roumier

lundi 2 janvier 2023

" Après le tiret ", suivi de " Failure ", de Céline Rochette-Castel

 

" Après le tiret ", suivi de " Failure ", qui viennent d'être publiés par les Éditions " Des Sources et des Livres ", est le troisième recueil édité de Céline Rochette-Castel.

Si " Après le tiret " sonne comme un bilan " tiré " de pas mal d'années, qui est restitué ici en accéléré, " Failure " s'inscrit encore davantage dans la brièveté de ses vers, coupés court.

En dépit de ce souffle raccourci volontairement, il y a de la sensibilité là-dedans : " L'escarpolette / Ne lui a pas / Souri, / Pas plus qu'elle n'a / Su / Protéger le futur / De ses peurs."
J'y vois aussi pas mal de dérision : " Tant insisté / Sur votre vitalité / Pour / En arriver / Où les arrosoirs / Sont consignés."

Du coup, j'aime la brièveté quand il n'y a pas que la brièveté qui compte dans la brièveté !

Un dernier extrait de " Failure ", de Céline Rochette-Castel :

Ma jalousie
A la couleur
D'un vélo jaune
Et envie la rouge tranquillité
D'une banquette de moleskine,
Mon inquiétude,
Le tranchant
D'un couteau
Déboussolé,
Ma lassitude,
Le décalage d'un retour
Avec cadeau(x) :
Autant d'états
Pas assimilés
Transportés de ville en ville."

La préface est de Séverine Pirovano.

Si vous souhaitez vous procurer " Après le tiret ", suivi de " Failure ", de Céline Rochette-Castel, qui est vendu au prix de 15 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.dessourcesetdeslivres.fr/