lundi 27 mai 2019

"Gérard Lemaire", de Robert Roman


Publié aux Éditions du Contentieux, sous-titré "Un poète à hauteur d'homme", "Gérard Lemaire", de Robert Roman, est un gros volume de 402 pages, consacré au poète, décédé en 2016.

Ce livre au contenu très riche, est renseigné par des photographies de l'auteur, les couvertures des nombreux livres ou revues dans lesquels il a été publié, plusieurs lettres et témoignages.

Et surtout, on y trouve un large éventail de poèmes, publiés en recueils ou revues.

Bien sûr, il ne peut s'agir que d'une sélection, comme s'en explique d'ailleurs l'éditeur.

En effet, il aurait été impossible de publier ici l'intégralité des 10000 (?) poèmes écrits par Gérard Lemaire, et encore moins toute sa correspondance. Et ce n'est pas forcément souhaitable, d'ailleurs.

Avec ce livre vendu au prix de 20 €, vous en aurez pour votre argent, tant nombre de poèmes y figurant sont d'une beauté limpide, comme il s'en rencontre rarement dans la production actuelle.

Il y a, dans ces textes, une véritable obsession de l'engagement envers les plus pauvres, et surtout la volonté de faire ressortir, coûte que coûte, la beauté humaine du peuple, au-delà de sa pauvreté, sans que cela soit une manière détournée de rabaisser les gens, sauf ceux qui gouvernent notre monde.

En témoigne d'ailleurs ce "Journal d'un chômeur", qui a "lancé" Gérard Lemaire et plus tard, par exemple, cette série de poèmes écrits pour Mumia Abu-Jamal, emprisonné depuis 1981 aux États-Unis.

Un exemple parmi d'autres des poèmes de Gérard Lemaire :

"Je sais où je veux aller
Mais je ne connais pas le chemin

Seulement avancer dans un désert
Peu à peu et pas à pas

Ma tranquillité pourtant est parfaite
Je subirai les sables de la sécheresse tant que je peux
Passant sur les ergs aux formes en fusion
Cette traversée ressemble si peu à ce que j'attendais

Ma gorge s'est emplie de pus
Mes jambes bien sûr tremblent et boitent dans les pierres
Le soleil ne tarit pas et il tombe sur mes épaules
Mon chemin cherche une quelconque verdure

Derrière le cyprès miroitant d'un poème
Cette aurore d'un jour veut me tendre les bras"

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Gérard Lemaire", de Robert Roman, rendez-vous sur le blog de l'éditeur : https://lecontentieux.blogspot.com/

lundi 13 mai 2019

"Le rasoir d'Ockham appliqué au poète", de Julien Boutreux


Publié dans la collection Polder de la revue Décharge, "Le rasoir d'Ockham appliqué au poète", de Julien Boutreux, écorche au passage pas mal le poète. Je ne suis pas de ceux que cela écorchera, car je sais à quoi m'en tenir en guise de poètes. D'ailleurs, comme ils n’écoutent que leur ego !...

En plus, le poète, c'est aussi et avant tout l'auteur, qui assume son "je".

Enfin, le titre du recueil - "Le rasoir d'Ockham appliqué au poète" - ne résume pas à lui seul la totalité des textes qui le composent. Ce qui m'a plu ici, c'est la déconnexion entre fond et forme. Il peut y avoir des vrais moments de poésie dans un aphorisme et des poèmes en vers qui sont narratifs, voire totalement prosaïques. Cela montre aussi que l'auteur peut écrire dans des registres différents.
Cette diversité de l'expression contribue à rendre la lecture assez imprévisible, car on ne sait pas comment sera le texte suivant.

Il y a, bien sûr, ici, une insistance à traquer le vide de nos postures (avec les pieds sur terre : merci), une absence de concession obsessionnelle qui contribue également à augmenter la dose de poésie.
À noter, pour finir, quelques visions traduites en mots qui participent de l'art poétique.

Extrait de "Le rasoir d'Ockham appliqué au poète" :

"vague après vague
quelque chose se détache de quelque chose
quelqu'un se sépare de quelqu'un
juste pour voir
je mets la main sous la lame
du rasoir

la soleil arrête pas de m'énerver
je fais comme si de rien était
je me parle à moi-même
pour dire quelque chose à quelqu'un
mais ça m'intéresse pas
et j'écoute rien

les nuages arrivent pas très vite
l'horizon les retient
sans sourciller
je regarde le raz-de-marée
venir en souriant
(ça me distrait)"

L'illustration de couverture est de Christophe Lalanne et la préface de Fabrice Marzuolo.

Si vous souhaitez vous procurer "Le rasoir d'Ockham appliqué au poète" de Julien Boutreux, qui est vendu au prix de 6 €, rendez-vous sur le site de la revue Décharge : https://dechargelarevue.com/

"Solitudes et serpillières", de Majead At-Mahel



Auto-édité par son auteur, Majead At-Mahel, "Solitudes et serpillières" (joli titre !) est sous-titré "Petits textes inoffensifs" et est classé dans la rubrique "Poésie ou presque".

Ce n'est pas entièrement faux. tant il règne dans ces textes, qui semblent être volontairement courts, un air de ne pas y toucher. Mais si c'est sans prétention, ça fonctionne plutôt bien, et même parfois mieux que des textes avec prétention, qui en foutent plein la vue pour pas un rond.

Si la révolte contre les injustices sociales, et la rage et le dépit que cela engendre, apparaissent, ils sont vite chassés par le texte suivant (en vers ou en prose).
Il s'agit d'instantanés de la vie sociale (amour, famille, et non patrie). Auto-dérision et infortune finalement pas si grave se concluent par un sourire, un jeu de mots, une moralité. 

Témoin ce "Cauchemar en cuisine" :

"Gousse d'angoisse
Regrets aux p'tts oignons
Piment de peine
L'homme sait parfaitement
Cuisiner son malheur
Il a tout un tas de recettes pour se faire du mal"

La seule joie dans tout ça, c'est d'avoir quelques instants pour écrire, comme le montre, par exemple "Club inside" :

Quel que soit le lieu et la saison, je me sens en vacances dès lors que je peux prendre un bain de silence et bronzer sous le soleil de la solitude. Seul sur la plage de mon âme à contempler le vaste océan du temps qui passe et à chercher la perle rare de ma destinée. Prendre le temps d'écrire et de comprendre ma vie, me rend heureux.

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Solitudes et serpillières", de Majead At-Mahel, qui est vendu au prix de 9 €, contact auprès de l'auteur : majeadatmahel@gmail.com

mercredi 8 mai 2019

"Faut bien manger", d'Emanuel Campo


Deuxième recueil publié par Emanuel Campo aux Éditions de "la Boucherie littéraire", dans la collection "Sous le billot", "Faut bien manger", d'Emanuel Campo parle des conditions de vie contemporaine dans la ville, lieu de tous les travaux (j'avais envie d'écrire "travails") immatériels, rémunérés ou pas.

J'ai éprouvé du plaisir à lire ce livre, car j'y retrouve l'humour de son auteur qui s'emploie à tourner en dérision des choses pas forcément marrantes, comme par exemple le manque d'argent, la laideur du paysage urbain, les choses qu'on s'oblige ou qu'on nous oblige à faire pour gagner sa vie.
Bref, un texte résolument actuel (pas évident en poésie).

J'y retrouve également cette désinvolture dans l'écriture, ce j'men foutisme apparent qui, peut-être ou peut-être pas, dissimule de plus fines blessures. 

Chaque poème de "Faut bien manger" me semble être un tout, une île qui se déplace dans une même constellation thématique. Les poèmes sont assez nettement aussi tournés vers l'oralité, voire, vers la performance, ce qui rafraîchit l'écriture poétique, l’assouplit.

Si "Faut bien manger" se compose de tableaux (ou de scènes) différentes, ces tableaux sont musicaux et impliquent un changement de décor (comme dans un ballet).

Extrait de "Faut bien manger", "Projet d'ambulance", d'Emanuel Campo :

Je connais un gars qui est revenu
du statut de "pote" à celui de "connaissance".
Il s'est lancé dans son projet artistique
un groupe de musique.
Avant, nous nous voyions pour discuter.
Aujourd'hui
il communique
à coup de post, de tweet, de texto, de vidéo,
qu'il nous invite tous à partager.
Sa comm' est tellement offensive que son projet,
lui, ne l'est plus.
Ses mots sont lancés loin devant. Ils ne sont déjà
plus là quand il parle.
D'ailleurs, il parle de Projet, Mon projet, Écoute, c'est
mon nouveau projet.
"Puisque c'est un projet, il n'existe pas. Mais tu
l'as déjà ? Donc même si c'est un projet, je peux
quand même l'écouter ? Si je comprends bien, tu me
présentes un morceau de futur ?"
Et pour dire les choses franchement,
le mec me saoule.
Mais c'était un pote, alors il m'arrive de penser à lui,
et d'aimer les ambulances. Car on devient tous,
à un moment ou à un autre, une ambulance,
roulant à toute vitesse, un blessé à bord.

Si vous souhaitez vous procurer "Faut bien manger", d'Emanuel Campo, qui est vendu au prix de 12 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://laboucherielitteraire.eklablog.fr/

Ce livre est disponible, sur commande, dans toutes les bonnes librairies de France et de Navarre.