lundi 31 mars 2014

"Histoires toutes bêtes", de Jean-Marc Couvé



Voici un livre plus étrange qu'il n'y paraît de prime abord. Je connaissais déjà en fait ces "Histoires toutes bêtes" pour les avoir lues lorsqu'elles avaient été publiées dans la revue Diérèse et à cette époque, il y a plus de cinq ans, elles avaient produit sur moi la même impression.
Ces histoires sont en effet racontées par des bêtes qui racontent leur rencontre, la plupart du temps négative, avec le genre humain.
Le malaise que j'éprouve, et qui fait justement l'originalité de ce livre, vient sans doute du fait que derrière cette vie animale, se cachent bien entendu les pensées d'un humain, plutôt optimiste quant à notre pouvoir de destruction.
La fiction de l'animal sert donc de paravent. C'est le même phénomène, inversé cette fois-ci, qui se passe lorsque des hommes s'inventent un dieu qui, doué de toutes les qualités, penserait comme eux-mêmes, évidemment !
Dans ce volume de 66 pages, j'avoue avoir une préférence pour les histoires où l'animal qui parle est le plus éloigné possible du genre humain, par exemple lorsqu'il s'agit d'un bar, d'une araignée ou d'un pigeon (vous me direz que les humains sont aussi de beaux pigeons !). Car en la matière, l'exercice de transposition psychologique paraît plus difficile à mener et du coup, l'imagination, qui est stimulée, nous fait rêver davantage à cette possible réalité, même si c'est une légende.
Bref, un drôle de bestiaire, pas forcément drôle, qui appellerait d'autres épisodes au moins aussi décalés.
Les illustrations de Jacques Basse, qui accompagnent chacune des 7 histoires qui composent ce volume, ont cette particularité de surgir de la page, la seule silhouette de la bête étant représentée, hors paysage.
Quant au texte, en voici un fragment, celui de "mémoires d'un beau bar", qui commence ainsi, histoire de vous mettre dans l'ambiance : "La mer n'était qu'à quelques battements. Je la sentais. L'entendais. Là, au-dessus de nous. Ses vagues se cognaient au grand rocher. Et moi, je me cognais aux parois de cette espèce de bouée fendue où le zom m'avait jeté...".

Pour vous procurer ces "Histoires toutes bêtes", vendues au prix de 9,5 €, vous pouvez écrire à l'auteur : jeanmarc.couve@gmail.com

"Le cow-boy de Malakoff", de Thierry Roquet



C'est à une mythologie très convaincante que nous convie Thierry Roquet dans son recueil intitulé "Le cow-boy de Malakoff" : celle du far West, comme vous l'avez deviné.
Il faut dire que Thierry Roquet vit dans l'Ouest...parisien !
Vous me direz, ce n'est pas pareil quand même ! Mais si, c'est bien la même chose. Car Paris, et surtout ses transports, et surtout sa banlieue, c'est un peu ça. Même monde sans pitié, où l'humain ne vaut pas cher. Même sauvagerie. Un monde de brutes, surtout dans le métro, où la plus du plus fort est la meilleure.
Alors, oui, Thierry Roquet a bien raison de le planter là, son décor de Far West, d'autant plus qu'il le connait bien. Parmi les personnages principaux du film, il y a: lui, le cow-boy, qui essaye de survivre. Et puis sa squaw, attentive, mais parfois capricieuse. 
Et ça marche aussi pour les autres éléments de contexte. Le ranch, c'est la maison. Le saloon, c'est le bar. Le whisky, c'est la boisson des hommes...Il y a même un épicier, et même un barbier, enfin, un coiffeur.
Finalement, si la terreur règne au pays du Far West, si elle se transforme parfois les soirs en grosse déprime, la vie là-bas devient vite une philosophie.
"Le cow-boy de Malakoff" est un recueil de poèmes qui n'a rien de trop, dans la tradition des poètes américains, justement : Bukowski, Carver, Brautigan... ça se lit bien et ça parle de choses que nous connaissons bien....
Voici un poème extrait du recueil, qui résume bien l'ambiance : "Sentinelle à la fenêtre" 

Il n'y a pas d'arbre fruitier
pas de couleurs luxuriantes
pas de grands départs
vers un nouveau monde
le désert
est confiné dans un endroit bein circonscrit :
à la fenêtre
rectangulaire
donnant sur l'avenue
une tête y dépassant parfois :
c'est la mienne
sentinelle parmi
les sentinelles


"Le cow-boy de Malakoff" est édité par les éditions Le Pédalo Ivre, http://www.lepedaloivre.fr/ et est vendu au prix de 10 €.

samedi 22 mars 2014

"Recul du trait de côte", de Vincent Motard-Avargues


Il règne une drôle d'ambiance dans ce recueil au titre assez énigmatique, d'ailleurs: "Recul du trait de côte" : image typiquement visuelle.
ça zone même pas mal. Mais si d'ordinaire les paysages pour zoner sont plutôt de type très moche, ici la mer et le soleil sont partout. D'où un réel dépaysement pour moi, qui ressens, comme tout lorrain, même d'adoption, le soleil et la mer comme des composantes nettement touristiques.
Cependant, la torpeur qui traverse ces pages n'est pas non plus en totale contradiction avec une vision touristique de la vie. Pour résumer, il y a un malaise, mais ce n'est pas déplaisant. Ainsi, je ressens un peu de fatalisme dans ces poèmes, mais qui est vite contrebalancé par la pleine acceptation du réel.
Le style de Vincent Motard-Avargues, si caractéristique, est fait de vers courts, très vite découpés.
Pourtant, ce style épuré ne sert pas de prétexte à l'utilisation de mots rares ou de tournures alambiquées, qui perdent le lecteur. Les mots sont réellement posés à plat sur la page. Ils sont d'ailleurs souvent superposés. Par exemple, dans ce poème :

Difficile à croire
pourtant
l'océan vieillit

ses rides en
mouvements

ses tempes
azurées

difficile à croire
pourtant
je reste jeune

mes mots en
mouvements

mes vues
azurées".

En bref, ce recueil, c'est du sobre, mais de l'efficace. 

Pour vous procurer "Recul du trait de côte" (vendu au prix de 8 €), rendez-vous sur le site de l'éditeur (les éditions de la Crypte), http://www.editionsdelacrypte.fr/

"Fugitive", de Cathy Garcia

Dans ce recueil, je retrouve d'emblée ce que j'aime dans l'écriture de Cathy Garcia.
Une révolte, un mouvement compulsif : "Je marche / Je dois marcher", comme il est écrit plusieurs fois, au début de "Fugitive".
Avec en prime, des raccourcis bien puissants : "Dans la chambre sépia, on a désarmé les chiens", de l'auto-ironie, "Dédale se marre", des comptines fantastiques : "Je compte les spectres./ Un spectre, deux spectres, trois spectres...", un appel aux forces cosmiques "Exodes, insurrections, liturgies volcaniques", "Dilution de souffre à la fonte des orages". Et ma foi, une bonne dose de surréalisme.
Bref, tout ce qui fait qu'une écriture n'est pas que de l'écriture.
La marche de la fugitive est bien sûr ici la preuve qu'elle cherche à échapper aux mensonges de la vie quotidienne.
Mais peu à peu, ce mouvement de marche s'essouffle et puis la fugitive tombe dans l'immobilité, ramasse son corps. Serait-ce la victoire des réalités glauques ? Plutôt un simple dénouement, la réunion avec des choses de la terre accueillantes, et même avec des couleurs.
A la fin du recueil, il n'est pas certain que la marche ne reprendra pas encore.
Je suis même sûr du contraire. Mais c'est de l'espoir toujours, qui renait.
Un poème sur deux dans "Fugitive", est accouplé à des images qui figurent sur la page gauche du recueil. Des images en noir et blanc, en partie figuratives, qui sont également l'oeuvre de Cathy Garcia et qui semblent ponctuer l'itinéraire à parcourir. 
Un beau recueil de poésie, comme je les aime, bien concentré.
Ci-dessous un poème extrait de "Fugitive" pour la route :


"Irréversible, mais large comme un fleuve pas léger.

Je ramasse les cauchemars un par un.
Ils se nourrissent les uns des autres. Leur masse grossit.

Dans leurs ténèbres, je joue à ronce amère.
Colombe de sang, crachat de suie".

Pour vous procurer "Fugitive", qui est vendu au prix de 12 € rendez-vous sur le site de l'éditeur Cardère Éditeur : http://www.cardere.fr


dimanche 16 mars 2014

"Diplomatiques", de Guillaume Decourt



"Diplomatiques" de Guillaume Decourt raconte - car c'est de la poésie narrative - certains souvenirs de son enfance pas ordinaire, car diplomatique, comme son titre l'indique.
Ces souvenirs, partagés entre les filles et les notes rencontrés en différents lieux, sont racontés avec un ton vraiment détaché, insouciant, voire volontiers ironique. On devine là que l'auteur n'a pas respecté certaines traditions familiales, comment dire... compassées. Même certain professeur de musique en prend pour son grade.
Heureusement, la musique existe toujours, Guillaume Decourt étant tout de même devenu pianiste (mais pas Brendel).
Et la musique existe bien sûr dans ces vers, qui sont réguliers, du moins en apparence. Car existent les enjambements d'un vers à l'autre, les mots étant parfois découpés. De plus, la narration est privilégiée par rapport au lyrisme et à ces images vieillottes qu'attirent les rimes. Ces dernières s'entendent, mais pas trop et c'est bien le signe que ces vers ont de la classe. Comme quoi toute l'éducation n'est pas perdue !
"(Porcelaine)

La plupart des femmes de diplomates
Pratiquaient la peinture sur porcel-
Aine et pour ne pas avoir dans les pattes
Leurs enfants les laissaient dans le parc seuls
La Philippine d'une aristocrate
Nous divertissait sur la balançoire
Pendant que nos mamans réalisaient
Des reproductions d'Auguste Renoir
Sur des assiettes blanches où luisait
Leur particule comme un repoussoir"
(Extrait de Héraldique).

Vous pouvez vous procurer ce recueil, vendu au prix de 5 € auprès des éditions Passages d'Encres, http://www.inks-passagedencres.fr/