mardi 30 octobre 2018

"Depuis la cendre", de Gabriel Zimmermann

Deuxième recueil de Gabriel Zimmermann à être édité par les Éditions Tarabuste, cette fois-ci dans la collection "DOUTE B.A.T." (un premier recueil, "La soif et le sillon", est paru en juin 2017 dans la collection "Anthologie"), "Depuis la cendre" rend hommage à un ami du poète, mort du cancer.

Si les livres consacrés à des disparus sont légion en poésie, j'ai été touché par cet hommage là, qui sort du cocon familial et évoque quelqu'un de mort vraiment trop tôt.

J'ai été plus particulièrement touché par le fait qu'à travers ces pages, l'auteur cherche désespérément les traces du disparu à travers l'existant, alors que ne restent plus de l'ami que ses cendres. Traces, objets, signes d'une quelconque présence, son d'une voix perdu.

Ces quelques choses me préoccupent aussi beaucoup. Et je ne suis certainement pas le seul à être dans ce cas-là.

Bien sûr, je salue la justesse de ton de ces poèmes (avec une préférence nette pour les textes les plus longs, même s'ils restent courts, par rapport aux séquences de deux ou trois vers - mais la brièveté n'a jamais été mon fort !) : le ni trop, ni pas assez, avec une gravité et une dignité non feintes.

Extrait de "Depuis la cendre", de Gabriel Zimmermann :

"En Égypte
Ils sculptaient pour leurs morts des statuettes
Qu'ils peignaient en noir et bleu :

Était-ce une étrenne
Pour les dieux, ces ouchebtis
Ou jouets pour un au-delà moins âpre ?

Des femmes,
Le plus souvent, au visage doux,
Nattées, gainées, qu'ils déposaient
Dans la tombe avant le séjour
Où lune et soleil
Ne se succèdent plus.

Mais lui, dans son sommeil,
Aucun objet ne l'accompagne

On l'a laissé nu
Pour partir, pas même une fleur
Sur sa poitrine."

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Depuis la cendre", de Gabriel Zimmermann, qui est vendu au prix de 14 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.laboutiquedetarabuste.com/

"Cent lignes à un amant", de Laure Anders


Publié par les Éditions la Boucherie littéraire, "Cent lignes à un amant", de Laure Anders, est l'un des deux premiers livres de cette nouvelle collection inaugurée en 2018, et appelée "Carné poétique".

Pour reprendre les mots de son créateur, Antoine Gallardo : "Il s'agit d'un livre-objet hybride à mi-chemin entre le carnet blanc et le livre imprimé (...)".

"Ainsi, (...), une poésie originale de vingt pages [les pages rouges] est prise en sandwich entre quarante pages vierges les pages blanches] laissées à la création du lecteur".

Comme l'indique le titre de ce "carné", "Cent lignes à un amant", de Laure Anders est composé de 100 phrases. Et dans chacune de ces phrase, sauf la dernière (?), revient le "Je vous embrasse".

Rien à voir avec le "Je vous salue Marie", toutefois.

Si j'ai bien aimé ces phrases, en effet, c'est qu'elles retranscrivent toutes les étapes d'un amour passionnel, avec ses hauts et ses bas, et sans doute, même, avec une rupture à la fin.

Quelques-unes de ces phrases saisies au hasard de ma lecture :

"Je vous embrasse avec mes mains sales"

"Je vous embrasse et nos visages sont zébrés par la lumière des stores"

"Je vous embrasse sur votre toit-terrasse où nous dînons. Vous faites fondre un glaçon le long de mes cuisses"

"Je vous embrasse parce que voilà, ça y est, il est temps"

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Cent lignes à un amant", de Laure Anders, qui est vendu au prix de 10 €, rendez-vous sur le site de son éditeur : http://laboucherielitteraire.eklablog.fr/

Ce livre est disponible, sur commande, dans toutes les bonnes librairies de France et de Navarre.

"Un jour, j'ai pas dormi de la nuit", de Marlène Tissot



Deuxième livre de Marlène Tissot publié par les Éditions "de "La Boucherie littéraire", "Un jour, j'ai pas dormi de la nuit" ressemble à la fois aux textes précédents de son auteur, tout en n’y ressemblant pas.

J'y ai, bien sûr, retrouvé ce qui fait la trame de l'écriture de son auteur : cette même attention à tout plein de trucs qui clochent au quotidien, cette difficulté à s'insérer dans une société de vainqueurs, à y croire, qui est exprimée avec peut-être, davantage de gravité dans ce livre -ci. 

C'est que le temps qui passe est souvent une accumulation d'épreuves à digérer.

Non, Marlène Tissot ne donne pas l'impression d’avoir pris la grosse tête dans ses poèmes.

Cependant, il y a quelque chose de différent dans "Un jour, j'ai pas dormi de la nuit", et il m'a fallu plusieurs pages pour l'identifier. C'est que ces poèmes sont composés de beaucoup de mots sur une même page.

Même si Marlène Tissot écrit souvent en vers, je serais tenté de dire que là, ce sont de "vrais" vers ! En tout cas, ce texte sonne comme un ensemble plus vaste. On a souvent affaire à des alexandrins sans le vouloir, et il est même possible de repérer quelques assonances en fin de vers (ou des jeux de mots basés sur des sonorités voisines), voire même (nec plus ultra), des césures à l'hémistiche, ou, pour dire les choses plus simplement, une coupure en milieu de vers.

Bon, je vous rassure : ce n'est pas encore le retour au classicisme ! De petites fleurs, il n'y a guère. C'est pas faute de le désirer, mais dans ce monde là, ce n'est pas possible.

Et si forme identifiable il pourrait y avoir, ce n'est pas celle - la plus pratiquée dans la poésie d'aujourd'hui - du sonnet, mais plutôt celle de la chanson, avec ce refrain, qui revient à deux reprises dans chaque poème : "Un jour, j'ai pas dormi de la nuit", et qui donne son titre à ce volume.

Le résultat de cette écriture renouvelée est un surcroît de souffle.

Extrait de "Un jour, j'ai pas dormi de la nuit", de Marlène Tissot, "Escalader la nuit à mains nues" :

"Un jour, j'ai pas dormi de la nuit
sommeil flou comme une coiffure dans le vent
s'il n'y avait que les cheveux à démêler, ce serait facile
mais il y a le reste, récalcitrant au peigne
impossible à tondre
ça mériterait presque une prime de risque nocturne
faudrait pas sous-estimer la fatigue organique
non, je ne titube pas, je penche un peu, c'est tout

On nous suggère l'hypothèse de se dépasser
mais je ne parviens même pas à m'atteindre
tout va trop vite, trop loin
chacun son ciel - le septième est surfait

Un jour, j'ai pas dormi la nuit
j'avais les humeurs crépusculaires
des sentiments roses comme l'aube
paumée entre bonnes idées et mauvaises intentions
non, je ne suis pas perdue, je fais juste des détours
j'escalade la nuit à mains nues
et tant pis si je tombe avec elle
faut jamais interrompre un geste sur sa lancée

J'ai la prestance d'une bataille perdue d'avance
le gémissement furtif du plaisir expérimental
la terreur d'une pénombre qui se dévore
je sirote les heures blanches, un verre après l'autre"

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Un jour, j'ai pas dormi de la nuit", de Marlène Tissot, qui est vendu au prix de 13 €, rendez-vous sur le site de son éditeur : http://laboucherielitteraire.eklablog.fr/

Ce livre est disponible, sur commande, dans toutes les bonnes librairies de France et de Navarre.

lundi 8 octobre 2018

"Fast food", de Grégoire Damon



Il y a du vécu, traduit avec justesse, dans "Fast food", deuxième roman de Grégoire Damon, publié par les Éditions Buchet-Chastel.

Ce texte raconte une tranche de vie (comme on dirait d'un Big Mac) passée dans un fast food, comme le titre l'indique sobrement.

Et à part ça ? La dureté de ce boulot : conditions de ce travail, management à la con (un pléonasme peut-être ?), histoires de salariés qui tournent mal, et surtout, camaraderie existant entre ces condamnés au travail. De la tendresse, presque, même, pour ces membres, malgré eux, d'un prolétariat plus éternel que nouveau.

Cette camaraderie rend ce livre attachant et l'histoire réaliste à 100% - on y apprend d'ailleurs pas mal de choses sur le métier très physique de cuisinier dans un fast-food.

Et le narrateur s'obstine à chercher de la poésie dans cette vie, si bien qu'il va finir par trouver un poème, un vrai, dans les dernières pages du roman.

"Fast food" de Grégoire Damon réussit à jongler entre retenue et sentiment, sans fausse note, celle qui serait de trop, justement.

Voici le début du livre :

"Tangage.
Je m'extrais de la fascination de la pointeuse et je regarde Christ.
Christ. Notre mascotte. C'est le début de l'après-midi, fatigue et digestion, mais j'y mets toute l'énergie dont je suis encore capable, parce qu'en trois ans dans cette cuisine, c'est la première fois que j’assiste à un vrai licenciement.
Trois ans. Et encore, j'ai de la chance -Jack, par exemple, ça en fait quatre. Ça l'a rendu moitié dingue, trois quarts parano, mais comme moi, il est toujours capable d'arriver à l'heure, de mettre une tenue à peu près propre et de garder sa verticale huit heures de suite.
On s'est faits à cette idée - on ne travaille pas dans cette cuisine. On y vit. Et c'est ici qu'on mourra. C'est le destin, c'est l'époque qui veut ça, et on l’assumera jusqu'au bout, en faisant tous les jours les mêmes gestes à la même heure, avec le même mal de dos et la même crise de foie."

Si vous souhaitez en savokir plus sur "Fast food", de Grégoire Damon, qui est vendu au prix de 16 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.buchetchastel.fr/

lundi 1 octobre 2018

"Quotidiennes pour survivre", de Georges Cathalo


Publié par les Éditions "La Porte", "Quotidiennes pour survivre", de Georges Cathalo est un nouveau tome de la série des "Quotidiennes", dont certains volumes ont été déjà édités par le même éditeur.

Quand je dis "tome" et "volume", je fais de l'humour, car en fait, cette série de poèmes de 7 à 10 vers chacun, se lit en quelques minutes.

Écrits avec simplicité, c'est à dire sans obscurité provocante, mais aussi sans bavures, ces "Quotidiennes pour survivre" évoquent le monde d'aujourd'hui dans ces excès et sa folie autodestructrice (pensons au sort fait au climat et à certaines espèces animales, dont... l'homme).

Et s'il est question de survie, ici, il ne s'agit pas d'oublier pour autant les problèmes.

Extrait de ces "Quotidiennes pour survivre", de Georges Cathalo :

"c'est la mort qui nous guide
et c'est encore la peur
qui fit de nous des verticaux
se dressant aux aguets
pour mieux repérer
d'où venait le danger
alors que maintenant
le danger peut venir de partout
et que l'homme même debout
ne voit plus grand-chose."

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Quotidiennes pour survivre", de Georges Cathalo, qui est vendu au prix de 4 €, vous pouvez écrire à l’éditeur : Yves Perrine, La Porte, 215 rue Moïse Bodhuin 02000 LAON.

"Saharabande", d'Alain Jean Macé


Publié par "Les Cahiers de l'Arbre", "Saharabande", d'Alain Jean Macé, parle de pays où il n'y a pas beaucoup d'arbres : le désert. Et je ne serais pas étonné si cette évocation était liée à des souvenirs réels. Cela semble, en tout cas...

Derrière l'écriture ciselée de ces courts poèmes aux vers encore plus courts, derrière les jeux de mots, caractéristiques du style des textes d'Alain Jean Macé, "Saharabande" m'a plu par son pouvoir d'évocation d'un monde bien différent du nôtre : monde de l'économie plus que de la chaleur (nous n'avons plus guère à envier au désert dans ce domaine, puisque devenus des as de la canicule). Et l'économie dont on parle ici n'a rien à voir avec celle des marchés, plutôt synonymes de gabegie. C'est bien sûr de cette gestion du manque, comme du vide, dont il s'agit ici. Economie bien en rapport, finalement, avec la concision de ces poèmes.

Extrait de "Saharabande", d'Alain Jean Macé, "Du bleu en erg" :

"Avec tout l'océan
Séant en ma cuiller
J'irai pleurer ma mère
À sec au Sahara
Le soleil n'aimant pas
Qu'on lui fasse de l'ombre
J'atteindrai cet enfer
À bord d'un vrai mirage
Sus hercule en sueur
Vas-y mets à dissoudre
Toute cette eau en poudre
En vrac depuis longtemps
Dès la première nuit
Un puits verra le jour
Puis un ru la seconde
Le fleuve du roman
Un lac un bras de mer
Un détroit quat'cinq six
Dix-huit trous pour un golfe
Enfin la grande bleue
Pas la moindre oasis
Qui ne verra une île
Pour que les ouadi
Ne tarissent d'éloges
Et nous mettrons les voiles
À dos de méhari
Le vaisseau du désert
Vers l'autre paradis
Nous y voyant radieux
Tous les deux sur la plage
Dieu m'en voudra peut-être
D'avoir fait un tel plagiat"

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Saharabande", qui est vendu au prix de 10 €, je sais, _ça devient inhabituel, mais prenez votre stylo (à défaut de plume) et écrivez à l'auteur : Alain Jean Macé, 7 Le Clézio 56500 Plumelin.