mardi 29 octobre 2019

"Dans les landes de Hurle-Lyre", de Murielle Compère-Demarcy



Publié par "Z4 Editions", "Dans les landes de Hurle-Lyre", de Murielle Compère-Demarcy, est un livre atypique, en ce sens qu'il est divisé en plusieurs parties dont les thèmes n'ont a priori rien à voir entre eux. Il en est de même des formes d'écriture, très diverses : amples poèmes en vers libres, poèmes plus courts isolés, aphorismes, proses...

Ainsi, il s'agit tout d'abord d'un hommage rendu tous azimuts à certains auteurs, dont Murielle Compère-Demarcy chérit les œuvres et les personnages : Cendrars, Artaud, mais aussi, par exemple, aux indiens à travers un voyage effectué dans le Montana, appel à l’aventure et surtout au dépassement du quotidien.

Cette dimension internationaliste est complétée, plus que contredite, par sa dimension régionaliste, celle de la Picardie, où vit Murielle Compère-Demarcy, car c'est toujours une histoire de terre et de culture qu'il s'agit de défendre.

Et qui dit terre, dit nature et qui dit nature, dit retour aux saisons, et aux oiseaux qui la traversent, "dans les landes de Hurle-Lyre".

Ainsi, ce livre est un résumé de toutes les préoccupations de la poétesse 

Le lecteur sent très nettement que par le Poème et par l’écriture, l'auteur cherche à créer un appel d'air qui vivifie l'existence. C'est là qu'il faut rechercher la véritable unité du livre.

Par l'écriture en train de se dérouler, par son "En marche", Murielle Compère-Demarcy se fraye un passage dans le monde extérieur - celui-là l'intéresse - le remue, le secoue.

Et avec l'air pour respirer vient la lumière du dehors...

Extrait de "Dans les landes de Hurle-Lyre", de Murielle Compère-Demarcy :

"28 août

Est, jaune
Le ciel coupé en d eux prend sa part de soleil
utilise les éclats de la connaissance
Les sens tournent Grand Tournesol
S'ouvre brèche incandescente les affres de la lumière

Sud, rouge
La force tellurique des fleurs de lactescence
flammes d'iris rayonnant comme des sabres
Leur langue énonce des songes perdus en route
de racines en pollen pour le monde des Esprits,
semant une Voie Lactée nouvelle
revenant par le voyage des Abeilles d'où la vie vient,
où la vie va

Nord, blanc
L'air froid nettoie le charnier natal
Les vents purifient les cerveaux-chacals
Tombent les feuilles mortes, le sol se repose
sous le linceul de Terre-Neige.
Bison avance,
seul,
un homme semblable
défiant la tempête
- Patience, endurance, courage

Ouest, noir
L'Oiseau-Tonnerre
entonne, égrène la pluie
son aile ensemence le soir
où le jour s'éteint,
où la vie prend fin"

L'illustration de la première de couverture, qui représente Blaise Cendrars, est de Jacques Cauda.

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Dans les landes de la Hurle-Lyre", de Murielle Compère-Demarcy, qui est vendu au prix de 14 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://z4editions.fr/publication/dans-les-landes-de-hurle-lyre/

"Ouvrier Poète Revuiste Une vie", de Jean-Pierre Lesieur


Publiés par "Comme en poésie" (supplément au numéro 76 de la revue de poésie qu'anime Jean-Pierre Lesieur), les deux premiers tomes (près de 400 pages de texte au total) de cette biographie romancée sont résumés par leur titre : "Ouvrier Poète Revuiste".

Il s'agit de l'histoire, grosso modo, des trente premières années de vie de Jean-Pierre Lesieur, né en 1935, qui coïncident, comme chez tout un chacun, avec les années d'apprentissage.

Le titre de ces deux volumes peut être encore un peu plus précisé : premières années avec les parents, école, puis armée, reprise des études, passage du métier de mécanicien en aviation à celui d'instituteur remplaçant, et plus exotique, pour finir, participation à, puis animation d'une première revue de poésie : "Le Puits de l'ermite".

À travers ce passage dans les années cinquante et soixante, époque déjà bien lointaine, le lecteur se rend vite compte que finalement, les choses n'ont pas tellement changé que ça : il faut toujours se frayer une place dans ce monde et ça ne va jamais tout seul.

Par exemple :

"Et bien voilà, tout est pour le mieux dans le meilleur des enseignements, je vais faire une classe que je ne connais pas, dans une école que je ne connais pas, et sans plus de formation professionnelle qu'à la fin de l'année précédente : débrouille toi petit bonhomme."

Comme toujours avec Jean-Pierre Lesieur, le ton est alerte et malicieux.

Le monde des poètes n'a pas non plus beaucoup changé depuis les années soixante : toujours aussi désintéressé, je vous rassure !

Si vous souhaitez vous procurer les deux tomes de "Ouvrier Poète Revuiste Une vie", de Jean-Pierre Lesieur, vendus chacun au prix de 10 €, rendez-vous sur le blog de la revue "Comme en poésie" : http://www.comme.en.poesie.over-blog.com/

lundi 28 octobre 2019

"Le violon pisse derechef sur son powète", d'Éric Dejaeger


Publié par les Éditions Les Carnets du Dessert de Lune, dans sa collection "Pousse-Café", "Le violon pisse derechef sur son powète", d'Éric Dejaeger est le deuxième volet du violon qui pisse sur son powète.

Hé oui, depuis le premier petit tome, les poètes, en général, ont encore frappé avec leur tonne de poèmes. Je suis bien placé pour le savoir, moi qui reçois et lis pas mal de textes, et en vois aussi passer d'autres que je ne lirai jamais. Tout cela dans un cloisonnement la plupart du temps parfaitement réussi. Et ils continuent, pourtant, les poètes !

C'est pour cela qu'ici Éric Dejaeger les appelle des "powètes".

Au moins, en faisant publier ces quelques aphorismes, le lecteur ne pourra pas dire que l'auteur est pris en flagrant délit de contradiction avec ce qu'il dit des powètes, lui-même en étant un.

En effet, le livre compte une dizaine de pages et se compose de 50 phrases environ. Pas de quoi avoir le temps de s'endormir ou d'attraper le mal de crâne !

Extrait de "Le poète pisse derechef sur son powète", quelques aphorismes bien sentis :

"Quand les poètes penseront aux lecteurs plutôt qu'à leur nombril, la poésie s'en portera mieux."

"Contrairement à ses textes, le poète est teigneux."

"Le powète ne peut habiter qu'une maison de la powésie, même insalubre."

"Le powète n'a jamais dit la vérité, il ne doit pas être exécuté."

La première de couverture est illustrée par André Stas, avec "Le poète écorché".

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Le violon pisse derechef sur son powète", d'Éric Dejaeger, qui est vendu au prix de 6 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.dessertdelune.be/eacuteric-dejaeger.html

dimanche 27 octobre 2019

"Le cercueil à deux places", de Daniel Birnbaum


Publié par les éditions Gros Textes, "Le cercueil à deux places", de Daniel Birnbaum, est une suite de courts poèmes en vers libres, bel ensemble de superpositions de solitudes.

Comme le dit lui-même l'auteur, dans sa préface très pertinente, il s'agit là de poésie du quotidien, dans sa signification la plus forte.

C'est d'autant plus vrai que Daniel Birnbaum décrit la solitude de personnes âgées, la plupart du temps veuves, pour qui le quotidien est répétition de choses insignifiantes, et qui finissent par s'enfermer dans des rituels bizarres, voire inquiétants, préludes d'une perte de conscience, ou tout simplement, manières de meubler le temps.

À travers ces portraits, l'auteur montre, avec un style précis et très clair, son attachement pour ces gens qui sont les vrais héros des apparences, par leur consentement au moindre mal de leur solitude.

Extrait de "Le cercueil à deux places", de Daniel Birnbaum : "Tout est bien en vacances"

Les vagues
toujours trop pressées d'en finir
lui caressent les pieds
elle est heureuse de passer cette semaine
au bord de la mer
tout est bien
la chambre confortable
les repas excellents
bien sûr ce serait encore mieux
si quelqu'un était étendu à côté d'elle
sur ce sable de carte postale
mais au bout d'un moment
il lui dirait que
la clim est trop froide
la viande trop cuite
les rochers trop durs
les mouettes trop criardes
l'avion trop cher
la langue incompréhensible
les coups de soleil trop douloureux
alors elle se dit
que les caresses des vagues sont silencieuses
et que oui vraiment la mer
c'est bien aussi seule
ou peut-être juste avec les mouettes.

L'illustration de couverture, intitulée "Renée", est d'Isabelle Hasegawa.

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Le cercueil à deux places", de Daniel Birnbaum, qui est vendu au prix de 6 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://sites.google.com/site/grostextes/

mercredi 23 octobre 2019

"Sèves et chants d'herbes", de Delphine Roux


Publié par les éditions de "La Chouette imprévue", "Sèves et chants d'herbes", de Delphine Roux est une suite de courts poèmes en vers libres, consacrés à la vie dans la nature.

Je dis bien vie dans la nature, car contrairement  à ce qui se passe souvent dans ce genre de textes, la nature n'est pas ici, statique. Elle est, au contraire, en mouvement constant, comme si elle était observée à la loupe.

Mais il n'y a pas que la nature qui bouge. Même si ce n'est pas pour les travaux des champs, les gens qui vont dans la nature aussi.

Et franchement, si, en lisant ces poèmes, vous n'avez pas envie de vous y perdre en été, voire d'y faire une sieste, c'est que vous ne connaissez pas les ambiances de nos chemins, qui sont plus diversifiées et changeantes que celles d'un centre commercial.

"Sèves et chants d'herbes" de Delphine Roux constitue un joli panorama vivant de nos campagnes, dans toute sa richesse. C'est comme vous y étiez !

Extrait de "Sèves et chants d'herbes" :

L'abreuvoir

Heures filantes

Quitter le logis en gravissant la côte et
Longer la forêt où les loups sont tapis

Déjà les fougères hautes te font signe du corps
Et confectionnent, ô joie, un lit de chlorophylle

Tu attendras l'Unique les pieds dans l'abreuvoir
Vous rêverez ce soir en écoutant les chouettes

Les illustrations (dont celle de première de couverture) sont d'Hélène Heniquez.

Si vous souhaitez vous procurer "Sèves et chants d'herbes" de Delphine Roux, qui est vendu au prix de 14 € rendez-vous sur le site des éditions : http://www.lachouetteimprevue.com/

mardi 15 octobre 2019

"Là", d'Étienne Paulin


C'est la première fois que je chronique le livre d'un poète que j'ai publié dans "Traction-brabant" et qui vient d'être édité chez Gallimard. Comme quoi, tous les chemins mènent à Rome.
Il m'a tout de même fallu attendre 400 chroniques pour que cela arrive. Vous auriez pu aller plus vite, quand même !

Pour un poète récompensé, combien de poètes ignorés pour divers motifs, dont les plus évidents sont qu'ils sont trop nombreux et qu'ils n'ont pas contacté Gallimard !

Bref, passons outre ! Tout cela n'est pas très grave, après tout.

La sûreté de style d'Etienne Paulin ne fait aucun doute. Cependant, "Là" est sans doute son livre le plus dépouillé, et, en même temps, le plus classique à mes yeux, celui dont les combinaisons de mots sont les plus évidentes, même si, dans chaque poème, une image étincelle et même si la part du non-dit reste essentielle.

Mais le non-dit, est-ce ce qu'il faudrait dire ? Non, justement, car la poésie s'y trouve...elle est "là".

"Là", justement, se situe entre entre souvenirs d'enfance, personnification du poème, observations de l'à côté (tout ce qui intéresse un poète normalement constitué) du bonheur, de ces marginalités qui traînent leurs morosités dans l'à peu près.

Extrait de "Là" :

"Mots tombant

un mot suffit
s'il est criblé de nuit
et vient d'un square où se fabrique la fumée

mot assommé
gagnant la suie du ciel et revenant

il faut des négligences
jusqu'à ne plus tenir le vent

les plus grands yeux possible
des oublis comme des cymbales

des fêlures et des fées qu'on emporte
la cabine belle ou non
d'un navire au hasard

avec rien
pas une table pas la conscience
pas de docteur en fond de cale

pas même ce mot : lampe-tempête"

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Là", d'Etienne Paulin, qui est vendu au prix de 10,50 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.gallimard.fr/Contributeurs/Etienne-Paulin

dimanche 13 octobre 2019

"L'ire L'Anselme" de Jean-Marc Couvé



Coédité par Éditinter et À l'Index, "Lire L'Anselme" est un livre-hommage rendu par Jean-Marc Couvé à Jean L'Anselme, à l'occasion du centenaire du poète, décédé en 2011.

Le livre, divisé en six parties, comprend une présentation liminaire, la correspondance échangée entre Jean L'Anselme et Jean-Marc Couvé, soixante sept poèmes de Jean L'Anselme (un pour chaque année d'activité de son auteur), plusieurs entretiens ou chroniques de recueils publiés en revues ou inédits et enfin une bibliographie complète, ainsi qu'une série de photos en couleurs et de fac-similés, situés au milieu du livre.

Levez le doigt ceux qui se souviennent encore de Jean L'Anselme aujourd'hui ! Je ne suis pas certain qu'il y en ait tant que ça, sachant que déjà nous ne sommes guère nombreux à nous intéresser à la poésie.

Et pourtant, celle-là se lit bien.

Jean L'Anselme, influencé par l'Art brut de Jean Dubuffet et Gaston Chaissac, en revient, dans ses poèmes, qu'il qualifie volontiers de "poèmes cons", à des textes peut-être situés au ras des pâquerettes, mais qui parlent au plus grand nombre, mais au non-spécialistes de la poésie.

D'ailleurs, n'importe quel poète sait combien il est difficile d'écrire simplement, et en plus, de faire rire le lecteur avec des jeux de mots laids.

Les poèmes de Jean L'Anselme y parviennent, les doigts dans le nez, si je puis dire.

À cet égard, le lecteur remarquera plus particulièrement leur précision.

Moi qui connaissais déjà ces poèmes, j'y ai découvert des choses pas si marrantes que cela. Derrière les jeux de mots, il y avait un homme qui ne rigolait pas tant que ça.

Extrait de "Lire l'Anselme" :

"CURRICULUM VITAE N°31416 :

Je ne suis jamais du côté du manche
mais toujours du côté des cognés.
Pas du côté matraque
mais avec les coudes relevés.
Pas avec les puissants
mais avec les emmerdés.
Et même, je le dis sans honte
pour le cancer et la tuberculose
tout le monde s'avouant contre.
En politique, c'est la même chose."

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Lire L'Anselme", de Jean-Marc Couvé, qui est vendu au prix de 18 €, contact : http://lelivreadire.blogspot.com/2019/10/lire-lanselme-collection-les-cahiers.html

dimanche 6 octobre 2019

"Cinquante vues du Serpentaire", de Julien Boutreux


Publié par Z4 Editions, dans sa collection "La Bleu-Turquin", "Cinquante vues du Serpentaire", de Julien Boutreux propose au lecteur, à travers cinquante proses, une balade dans les galaxies du Serpentaire.

Le narrateur, avec son "je", nous y accompagne d'ailleurs, explorateur, voire acteur, de chacun de ces mondes clos et indépendants de science-fiction.

Ainsi, chacune de ces cinquante proses est un monde à elle seule, monde résumé à travers les caractéristiques de ses habitants, quand il en existe de visibles, et/ou géologiques, climatiques etc.

L'impression qui se dégage de ces proses, poétiques par l'imagination d'autres mondes, est plutôt inquiétante. Même quand la rencontre a lieu entre le narrateur et les autochtones, bien souvent, elle tourne court, comme dans un mauvais rêve. Et le narrateur reprend donc son voyage qui devient errance...

Et si finalement, ces mondes infiniment extérieurs n'étaient que des projections au dedans de soi, qui marquent par leur précision ?

Extrait des "Cinquante vues du Serpentaire", de Julien Boutreux :

"Un monde sans arbres. Sur cette planète, les hommes prennent racine. Parvenus à un certain état de paix intérieure, ils choisissent un lieu qu'ils affectionnent, avec une vue bien dégagée et de larges pans de ciel bleu. Là, ils s'installent pour toujours, debout et immobiles. Des radicules se mettent à pousser sur leurs jambes, à sortir de leurs pieds, s’enfonçant de plus en plus profondément dans le sol. Ils se rigidifient peu à peu en surface, mais l'intérieur reste tendre et vivant des siècles durant. Un jour, tous seront devenus des arbres. Un monde sans hommes."

Les illustrations sont de Jacques Cauda (pour la première de couverture) et de Christophe Lalanne (pour les pages intérieures).

La quatrième de couverture est de Christophe Esnault.

Si vous souhaitez en savoir plus sur les "Cinquante vues du Serpentaire", de Julien Boutreux, livre vendu au prix de 11 €, contact sur le site de l'éditeur : https://z4editions.fr/publication/cinquante-vues-du-serpentaire/