lundi 12 mars 2018

"C'est meilleur que n'importe quoi", de Sammy Sapin



J'ignore si "C'est meilleur que n'importe quoi", mais en tout cas, ce livre de petit format de Sammy Sapin, publié par les Éditions Cactus Inébranlable, spécialiste des recueils d'aphorismes, en contient pas mal de réussis.

C'est que l'exercice est toujours très difficile, le principal risque étant d'écrire des évidences, bref, de tomber à plat.

Tandis qu'ici, l'effet de surprise est majoritaire. Le lecteur ne sait tout simplement pas comment une phrase va se finir avant d'arriver au bout.

Il y a de l'absurde, et aussi pas mal de cruauté pour les corps (on sentirait presque le scalpel passer à travers) dans ces textes courts qui souvent dépassent la taille des aphorismes pour se transformer en petites histoires.

Le scalpel sert aussi à décrire la précision chirurgicale de cette écriture en broderie.

Dans la préface, ce n'est pas un hasard si Sammy Sapin se présente comme un disciple de Scutenaire, Perros et Hardellet, presque une sainte trilogie !

Dans "C'est meilleur que n'importe quoi", Sammy Sapin a également recours à des séries intitulées "Les enfants", "Sapin", "Réfugiés"..., ce qui crée un effet de reconnaissance pour le lecteur, qui attend un nouvel épisode de sa série, comme à la télé, enfin, façon de parler !

Extraits de "C'est meilleur que n'importe quoi" :

"J'enfonce ma clé dans la serrure
Elle geint mais ne jouit pas".

"Elle le quitta. il se sentit heureux comme un poisson qui se noie".

"Sur la fin de sa vie, il ne buvait plus que de l'eau, et il est mort".

"il avait un gros bouton sur la cuisse, le gratta jusqu'au sang, ça le démangeait encore, il creusa avec ses ongles, trouva une veine, l'écarta, des muscles, les déchira, creusa encore, enfin il vit l'os, une petite lueur blanche, et il se dit : - Bon bon bon bon bon, qu'est-ce que je fais maintenant que j'ai trouvé l'os ?"

La mise en page de ce livre (notamment pour la première de couverture) est de Styvie Bourgeois.

Si vous souhaitez en savoir plus sur "C'est meilleur que n'importe quoi", de Sammy Sapin, qui est vendu au prix de 9 €, rendez-vous sur le site de son éditeur : http:cactusinebranlableeditions.e-monsite.com/

"Guide de la poésie galactique", de Sammy Sapin


Publié par les éditions Gros Textes, "Guide de la poésie galactique", de Sammy Sapin se présente davantage comme un récit en vers que comme un ensemble de poèmes.

Je pourrais presque dire "en trous de ver", puisque l'action se situe dans un vaisseau spatial en 2069, après que le héros de cette histoire, un humain, se soit réveillé.

Cet humain, c'est Sammy Sapin, poète immortel. C'est dire si finalement, le dépaysement est relatif !
C'est dire aussi la place jouée par l'auto-dérision dans ce livre, puisqu’à chaque à fois que Sammy Sapin se proclame poète immortel, il est remis illico à sa place par son interlocuteur. L'exercice n'est pas si facile que cela à réussir, partant du principe que l'on est sa propre cible.

Ainsi, ce guide peut être vu comme un manuel de survie en milieu hostile, sauf qu'il n'y a ni guide ni manuel, puisque notre héros est victime de moult péripéties. On ne peut donc pas dire qu'il domine son destin.

Et le milieu est vraiment hostile, car, par exemple, il n'est plus possible d'y boire un whisky autrement qu'en catimini, un seul verre d'OH étant capable de faire tomber de leur tabouret les extra-galactiques.

À force de partir à l'autre bout de l'univers, le lecteur revient très vite sur terre, catapulté qu'il se retrouve en Suisse. Comme suggéré plus haut, il semblerait que ce guide se serve finalement de la science-fiction comme d'un paravent pour montrer la place du poète dans la société d'aujourd'hui, autant dire, une place nulle.

Et il a bien raison de le dire, Sammy Sapin, que sa place est nulle, au poète. Que ce soit aujourd'hui ou hier d'ailleurs. Le décalage du poète avec la plupart des autres hommes n'est jamais aussi important que sur notre terre.

Il me reste à essayer de définir le style original de "Guide de la poésie galactique".

Qu'elles soient des vers (au delà de leur apparence) ou pas, les phrases de ce livre ne constituent pas, à l'oreille du lecteur, de la prose découpée en vers. Comme si le rythme des aventures leur imposait son rythme.

Ainsi, les mots sont étirés dans l'espace (ou pas), obéissant aux interjections des protagonistes. Ce qui n'empêche pas de remarquer les moments disséminés, voire les séquences entières, où la poésie devient images.

Extrait de "Guide de la poésie galactique", de Sammy Sapin :

"14.

Nous piétinons.

Le sas d'entrée dans la chaloupe VIII
(c'est la mienne visiblement) se rapproche lentement mais
sûrement. On vérifie les identités, dates de réveil, 
affectations.

Voilà, me dis-je. Je vais mourir encore.
Et la gorge sèche avec ça.

C'est alors que j'entends crier : Sapin !

Me retourne. L'enfant de Gary Grant et de Gary Copper est
là. Hector,
Il a couru, halète sportivement, comme un cheval de noble
race
après un trot soutenu.

Sapin, j'ai obtenu votre changement d'affectation.
Vous êtes bien poète, c'est ça ? demande-t-il, un doigt
tendu dans la direction de mon cœur.

Bien sûr que je suis poète, dis-je.
C'est même la seule chose que je sache faire :
être poète.

Alors j'ai besoin de vous, poursuit Hector.
Vous serez bien plus utile sur Isidore 5, 
parmi les Ghenka aux longues racines, les Aiguilles froids
comme le gel,
les chicaneurs Vézo aux mille yeux de fer, les mercenaires 
Pile-Pile
qui ne s'arrêtent jamais-jamais,
et les Poulpes et les Chnoques et les Pr?°tan,
vous serez bien mieux employé au milieu
de toute la fripouille galactique du coin,
qu'à vous faire dévorer par le premier Saurien venu."

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Guide de la poésie galactique", de Sammy Sapin, qui est vendu au prix de 10 €, rendez-vous sur le site de son éditeur : https://sites.google.com/site/grostextes