mercredi 9 décembre 2015

"La tournante des images et des ombres", de Daniel Giraud


"La tournante des images et des ombres" (beau titre, au passage) de Daniel Giraud, en 6 poèmes écrits en vers libres, semble offrir un résumé de la vie de l'auteur, puisqu'y sont décrites plusieurs étapes de sa vie, du passé jusqu'au présent.
"La tournante des images et des ombres" pourrait donc être comme une valse des sentiments sans apitoiement ni regret aucun, avec toutefois une petite préférence, peut-être, pour la jeunesse qui permet plus facilement l'expression de la révolte.
En effet - on a beau faire preuve de sagesse - la vieillesse retient davantage à la terre.
Dans ce livre, court par la longueur, le lecteur pourra apprécier la sobriété du style, une marque du métier d'écrivain qui est rentré.

Extrait de "La tournante...", "Fragments de vie

en bas
ils ne savent pas
que là-haut
c'est le chant des oiseaux
la neige éternelle du Valier
la chatte sauvage amaigrie
l'arbre coupé à la hache
la glace fendue à la pioche
le toit qui fuit
les milliers de livres
les manuscrits empilés
le coeur battant trop vite
dans les pentes d'âge qui pèse
au prix d'un doigt coupé
ou d'un pied cassé".

"La tournante des images et des ombres" contient, outre l'illustration de couverture, de Pascal Ulrich, un collage de l'auteur.


Pour en savoir plus sur ce livre, publié par les éditions du Contentieux et vendu au prix de 5 €, vous pouvez vous adresser à Robert Roman : romanrobert60@gmail.com

"Ite missa est", de Louis Savary


"Ite missa est" ("Allez la messe est dite") est le dernier livre et recueil d'aphorismes publié à ce jour par Louis Savary aux Editions "Les presses littéraires".
Si les religions pourraient paraître un sujet démodé (mais ne sont plus hélas, vu ce qui se passe actuellement), il est clair que Dieu, dont il est ici question, a toujours été d'actualité car mis à toutes les sauces, souvent les pires.
C'est ce que montre (entre autres) Louis Savary, à travers cette série de très courts textes se présentant comme des poèmes, qui, la plupart du temps, sonnent juste.
Ils ne manquent d'ailleurs pas non plus d'impertinence, mais sauront être compris et appréciés par les athées ou, à la rigueur, par les agnostiques ! 
En voici quelques exemples :

"de mes dialogues avec Dieu
je n'ai pu enregistrer
que mes questions"

*

"Dieu est par excellence
l'astre brillant 
par son absence"

*

"J'ai rêvé que Dieu
m'embrassait
sur la bouche
et me suppliait
que ça reste entre nous"

*

"Depuis la nuit des temps
le phénomène d'impénétrabilité
des voies de dieu
en a fait fantasmer plus d'un"

*

"Dieu nous prête vie...
Offre soumise à conditions."

*

"il est moins douloureux de mourir
cloué sur une croix
sachant que dans trois jours
on va ressusciter"

Dernière petite remarque, en forme de conclusion : pourquoi donc "Ite missa est" est-il sous-titré "Je suis poète" (avec en sus, l'image de la ballade des pendus de François Villon, archétype du poète maudit) ?
Peut-être parce que la poésie est la seule à pouvoir s'opposer à Dieu, selon l'auteur, comme en témoigne cet aphorisme :

"Dieu croit
en ses prophètes
Je crois 
en mes Poètes".


Pour en savoir plus sur "Ite missa est", vendu au prix de 15 €, vous pouvez contacter son auteur, Louis Savary, à l'adresse suivante : fc085359@skynet.be

vendredi 4 décembre 2015

"Le zizi confettis", de Fabrice Marzuolo


Autoédité sur Amazon et vendu au prix de 9,40 €, "Le zizi confettis", de Fabrice Marzuolo, de mon point de vue, aurait pu être publié par un véritable éditeur. 
Cependant, face à une offre éditoriale à la fois de bon ton et surabondante, je sais déjà que les livres autoédités vont se multiplier et qu'il conviendra de tenir compte de certains d'entre eux en les chroniquant.
"Le zizi confettis" est une suite de nouvelles, de contes, ou d'histoires courtes, comme des brèves de comptoir.
Placé en immersion dans un milieu urbain et plus particulièrement parisien, "Le zizi confettis" a tout de l'ambiance du roman noir et parle du prolétariat (presque un gros mot).
Ici, il est à peu près toujours question d'histoires d'amour qui finissent mal... ou pas ! Plus elles sont atypiques, plus elles ont des chances de finir bien, d'ailleurs.
Si les personnages de femmes sont peu flatteurs, les personnages de mâles ne sont pas non plus très reluisants, c'est le moins que l'on puisse dire ! Il y a de l'autodérision dans l'air !...
Par exemple : "Visiblement, le temps ne l'a pas épargné. Lui, tout ouvert à l'amour, ne doit plus être visité que par les courants d'air et la mousse des brasseurs. Quant à l'électricité, j'ai un solide vécu de déjanté pour savoir qu'elle ne fait pas sauter grand-chose chez ceux qui n'ont pas de plomb dans la cervelle".
Ainsi, on finit par rire de cette succession de portraits frappés par la désolation.
Et là, bien sûr, là où il faut en venir, c'est bien au style. Celui de Fabrice Marzuolo est brillant, tout en jeux de mots et images qui font mouche (c'est le cas de le dire, vous en aurez la confirmation en lisant "La mouche à bites").
Comme le résume l'auteur en 4e de couverture, dans un clin d’œil à Céline, "Le zizi confettis c'est l'école buissonnière des cadavres, le méat du cul de sac, le beau linge sale, des babioles pour un saccage".
Bref, une affaire de style !
Il y a enfin pas mal de raccourcis qui vous mènent tout droit du berceau à la tombe. Sauf que ces raccourcis tiennent la route.

Extrait du "Zizi confettis" :


"Ma bite m'a trop souvent servi de guide ! Pas facile, un homme est cerné par son corps. Pris dans sa chair, il est comme sous un bombardement démocratique. Faut qui se fasse tout petit, qui se rencogne. Parfois, il se relève. Il existe des hommes qui se retirent, qui se retranchent dans des hameaux perdus, des ours. Mais la bite leur mange le cerveau, ils deviennent fous, un jour ils tirent à la carabine tout ce qu'ils n'ont pas tiré avec leur pine. Celui qui maîtrise sa bite gagne sa liberté. Etrangement la puissance côtoie l'impuissance, c'est pourtant sur ce fil délicat qu'il jongle avec sa liberté. Mais, au bout du bout, que le fil soit d'or ou d'argent, l'homme ne sera que la marionnette"

"Documentaire humain", de Perrin Langda


"Documentaire humain" est le deuxième livre publié par Perrin Langda (après "Quelques microsecondes sur terre"), en l'espace de quelques mois, cette fois-ci par Walter Ruhlmann de Mgv2>publishing.
Ce recueil de poèmes pourrait d'ailleurs être sous-titré "Poèmes astucieux", tant l'auteur sait bien se servir des formes de langage modernes (par exemple, les langages sms ou java).
En fait, de thème de prédilection, l'espace extérieur, tendrait avec ce deuxième livre, à devenir forme d'expression, au moins à travers environ la moitié des poèmes.
Ainsi, Perrin Langda recycle la forme du calligramme (dans "Bigorneau", dédié à Morgan Riet), et pratique le vers décalé sur toute la ligne, ce qui a pour effet de mieux rythmer le poème.
Pour ce qui est du contenu de "Documentaire humain", l'auteur continue à imaginer des vies nouvelles, dans un climat marqué par le réchauffement climatique, ou bien illustre par l'image des effets scientifiquement démontrés, celui de la réplique sismique, par exemple.
En résumé, Perrin Langda s'intéresse au monde actuel, sans crainte des anglicismes. Et il a bien raison ! Et le tout avec de l'humour, en plus...

Extrait de "Documentaire humain" : 

"Pizza hunt

quand
femme
avoir
faim
homme
partir
vers
collines
de béton
armé
chasser
petit cerf
métallique
rougeoyant
homme
rester
caché
derrière
rochers
fleuris
près de
rivière
d'asphalte
homme
parfois
trouver
attente
longue
et traque
trop difficile
mais lancer
multiprise
comme bolas
électriques
quand cerf
cracheur
de brume
dévoreur
de bitume
passer enfin
et quand
homme
rentrer
sous soleil
pourpre
avec
disque de
pain
enduit
de sauce
tomate
femme
heureuse
car aimer
nourriture
italienne"

Enfin, je précise que l'illustration de couverture est d'Eric Demelis.

Pour en savoir plus sur "Documentaire humain", vendu au prix de 6 €, rendez-vous sur le blog de l'éditeur : http://mgv2publishing.blogspot.fr/

samedi 28 novembre 2015

"Écrits sans papier", de Mireille Disdero


Sous-titré "Pour la route, entre Marrakech et Marseille", "Écrits sans papier" est le deuxième recueil publié par les Editions de la Boucherie Littéraire, dans une nouvelle collection intitulée "Sur le billot".
Pour situer ce livre, je dirais qu'il est très "ambiancé".
Mireille Disdero, à travers ses voyages, pas forcément très lointains, nous livre des impressions dictées par ses flâneries à l'extérieur, avec ou sans hommes en premier plan.
Les scènes se passent toutes exclusivement en contrées ensoleillées. Il y règne une torpeur qui permet à l'imagination d'entamer son vagabondage.
Si l'unité de ce livre existe naturellement, elle n'a pas besoin de recourir à une forme particulière pour se concrétiser. Le lecteur passe, sans s'en apercevoir, dans un même glissement de sensations, de textes en proses à des poèmes en vers libres.
Avec "Écrits sans papier", la liberté se réalise au delà des frontières...
En voici un extrait, intitulé "Cargos de silence" :

"Lumière. Odeurs du sommeil quand au bleu plongent les rêves, en affleurement. Couleurs nues le matin, au moment d'ouvrir les yeux.
Puis une respiration, très loin, seulement un battement d'ailes. Cambrure en haute mer. Présence encore, mais en pointillé. On bascule vers le jour, traversant des zones libres, évitant d'approfondir, pour virer de bord au midi.
Absence. Les paroles ne servent à rien quand elle vient. Seulement les couleurs. Juste un silence. La fêlure de l'éveil. Au tréfonds des mots se cherche en apnée la respiration d'écrire. Mais aujourd'hui, rien. L'absence. Seulement les couleurs en nappes insensées, l'estompe d'un sillon de mots qui passent, s'effacent...vers le large... en cargos de silence."

Pour en savoir plus sur ce livre, vendu au prix de 12 €, rendez-vous sur le site des éditions de La Boucherie Littéraire, http://laboucherielitteraire.eklablog.fr/


Je précise que les livres de la Boucherie Littéraire se commandent dans n'importe quelle librairie de France, Belgique ou Suisse.

mercredi 25 novembre 2015

"Quelques microsecondes sur terre", de Perrin Langda


Coédité par "Les Tilleuls du Square" et "Gros Textes", "Quelques microsecondes sur Terre" de Perrin Langda est l'un des premiers, si ce n'est le premier, recueil publié par son auteur.
Je retrouve bien là sa manière d'écrire. Les poèmes sont ici particulièrement courts. Ils supposent souvent une chute qui parfois d'ailleurs, existe au sens propre du terme. Sinon, il arrive que des jeux de mots émaillent ces textes.
La particularité, l'originalité des poèmes de Perrin Langda est qu'ils se situent à l'extérieur, voire même à l'échelle de l'univers, avec le secours des possibilités scientifiques et technologiques récentes, qui remettent en cause le concept de temps.
Perrin Langda s'en joue, du temps, et parvient à gommer la tragédie de nos vies bornées par une mort certaine.
Par exemple, dans ce poème :

"La vraie couleur des choses

d'un soleil paumé dans
l'univers en suivant
le tracé des étoiles
un photon percute un
petit grain de poussière
brillant dans un rayon
à la fenêtre et va
rebondir dans un oeil"

En lisant "Quelques microsecondes sur terre", vous allez donc vous rafraîchir l'esprit. 

Pour en savoir plus sur ce recueil, vendu au prix de 7 €, adressez votre demande par mail à l'adresse indiquée sur le site de l'éditeur: http://gros textes.over-blog.com/, soit : gros.textes@laposte.net

"Bestioleries poétiques", de Georges Cathalo


Ils ne manquent pas, les recueils décrivant ou se moquant des mœurs peu exceptionnelles des poètes ! Hélas, il n'est pas démontré que ces livres rendent les poètes moins égoïstes et moins prétentieux. 
Je ne peux m'empêcher, malgré tout, et dans ma grande naïveté, de leur trouver une vocation curative. Et j'ai beau pratiquer la poésie en revue et en micro-édition : je ne suis pas sûr d'être immunisé contre les stupidités poétiques !
Georges Cathalo, avec ses "Bestioleries poétiques", édités par les "Carnets du Dessert de Lune", s'emploie donc à nous inoculer une dose de cheval. Il s'agit là d'une série d'aphorismes, illustrés par Claudine Goux et préfacés par Louis Dubost.
Et je dois dire que ces "Bestioleries poétiques" se caractérisent par leur justesse grinçante. Preuve que Georges Cathalo connaît le milieu de près, étant lui-même poète ! Et conséquence directe : il sait appuyer là où ça fait mal...
Quelques exemples ci-après :
"Les poètes continueraient-ils à écrire s'ils avaient suivi une analyse psychiatrique ? J'en vois pas déjà qui se bouchent les yeux et les oreilles..."
"Plus l'on clamera "Poésie pour tous" et plus les gens s'en détourneront".
"Ah ! Les numéros spéciaux des revues ! Que de surprises ! Mais quelle revue proposera enfin un numéro spécial sur les numéros spéciaux ?"
"Professeurs de poésie : quelle rigolade ! Décortiquer un poème, observer son squelette, se livrer à une autopsie différée : encore des âneries professorales !" (bravo !)
"Que deviendraient ces belles publications de luxe sans les subsides des organismes en place ? De toute manière, le coût de beaucoup de ces livres est déjà amorti avant même qu'ils ne paraissent. Alors, qu'ils soient lus ou pas, vous pensez bien que leurs éditeurs s'en moquent comme de leur dernière plaquette" (aïe !)
Bon, je m'arrête là : ça n'empêchera pas qu'ils continueront à exister, tous ceux et celles là !...No illusion ! De toute façon, on n'aurait plus rien à écrire sinon...

Pour en savoir plus sur ces "Bestioleries poétiques", vendues au prix de 12 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.dessertdelune.be/

"99 noms d'un seul truc", de Grégoire Damon


"Ah le vilain !", ai-je envie de dire en lisant les poèmes de "99 noms d'un seul truc" de Grégoire Damon. ça ne signifie pas que je ne les aime pas, ces 99 noms, bien au contraire ! Ce que j'apprécie, c'est le côté "Ni dieu, ni maître !" qui ressort de ces poèmes courts.
Cette bonne dose d'anarchisme qui me donne envie de vivre plus intensément.
L'automatisme apparent de l'écriture me plait aussi beaucoup. Ce "Tapé à la machine à écrire mécanique jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de place sur la ligne". Les poèmes s'enfilent à toute vitesse et la spontanéité qui en résulte semble totale. Par exemple, à mes yeux de lecteur, dans "Posologies" :
"prendre un plomb avant chaque repas & mourir dans les bras de la chanteuse du saloon".
Les poèmes de "99 noms d'un seul truc" me semblent aussi faits pour être dits.
Il y a de la musique là-dedans et même des variations sur un même thème. Par exemple, autour du rose :

"Bleus et roses

toutes les petites filles rêvent d'être des 
princesses
tous les petits garçons rêvent d'être des RMistes
alcooliques"

"Guns & roses

toutes les petites filles rêvent d'être cow-boy
tous les petits garçons rêvent d 'être Zara la
chanteuse transformiste qui a un si gentil papa"

Et enfin, "Sent la rose

toutes les petites filles rêvent d'être des cow-
boys revenant des collines les bottes gluantes de
scalps d'indiens
tous les petits garçons rêvent de pirater les
marchandages que nous faisons avec nos 
consciences
& d'en crever de rire".


Pour en savoir plus sur "99 noms d'un seul truc", de Grégoire Damon, vendu au prix de 7 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur, Gros Textes, http://sites.google.com/site/

mardi 24 novembre 2015

"Découper l'univers", de Christophe Siebert


"Découper l'univers", c'est un livre qui remet les pendules à l'heure. Je ne sais pas si on peut le dire comme ça mais en tout cas, c'est ce qui me vient à l'esprit après avoir lu ce nouveau livre de Christophe Siebert.
Il ne s'agit pas d'un roman, pas de poèmes, mais de textes de quelques pages à chaque fois, regroupés en quatre parties différentes, dans lesquelles l'auteur fait le point sur son expérience de la vie (la sienne surtout et celle de ses possibles personnages). On peut y voir également une vision instantanée et synthétique de l'esprit actuel. Il est question enfin d'écriture et de pratique artistique dans ces textes.
Et comme toujours avec Christophe Siebert, les choses sont dites avec netteté, ce qui fait plaisir au lecteur que je suis.

Voici deux extraits de "Découper l'univers", pour vous donner une idée :

"C'est cette capacité à compartimenter. A vivre plusieurs vies parallèles, être plusieurs soi-même qui n’interagissent pas, ce décalage horaire interne permanent. C'est une rencontre qui ne se produit pas, c'est ce que nous sommes tous. C'est cette capacité à mépriser tout le monde et à enseigner à ses enfants le respect. C'est cette capacité à être un employeur dégueulasse et un amant attentionné".

Et un autre, ci-après (extrait de "Manifeste") : "Marre des films tournés pour des spectateurs qui ne comprennent rien au cinéma.
Marre de la musique destinée à tous ceux qui n'ont ni oreille ni sensibilité ni culture.
Marre des jeux vidéos produits en masse pour séduire la foule de ceux qui se foutent de jouer.
Marre, enfin, marre surtout, des bouquins écrits par des connards, publiés par des connards et destinés à ceux qui n'achètent pas de livre, à ceux qui n'aiment pas lire".
Cela peut paraître évident, mais moi ça m'étonne que ça ne soit pas écrit plus souvent.
Et enfin, plus loin : "Dans le bus le Velvet undeground, Current 93 ou Jean-Sébastien Bach." En voilà, un beau projet de société...
J'ai aussi beaucoup aimé les illustrations de Lilas et Super détergent, pour leur densité (cf la couverture du livre). 

Bref, pressez-vous de lire "Découper l'univers". Pour en savoir plus sur ce livre, vendu au prix de 10 € et édité par "Gros textes", rendez-vous sur le site http://sites.google.com/site/grostextes/

vendredi 13 novembre 2015

"Lettre à un vieux poète", de Dominique Sorrente


C'est une belle idée que d'écrire, comme l'a fait Dominique Sorrente, une "Lettre à un vieux poète", publiée par les éditions du Port d'Attache. La référence est facile à trouver : c'est celle des "Lettres à un jeune poète" de Rainer Maria Rilke, écrites au début du siècle dernier.
Avec l'allongement de l'espérance de vie, on peut comprendre qu'il pourrait être tout aussi utile de conseiller un vieux poète qu'un jeune !...
Mais ici, il ne s'agit pas de cela. Nous est plutôt offert le résumé du parcours du vieux poète (le poète pas si absent ou imaginaire que cela), destinataire de la lettre, par l'expéditeur de celle-ci (l'auteur du texte lu).
En fait, ce texte agit comme un baume, d'autant plus que j'ai tendance à déjà me reconnaître dans ce vieux poète objet de toutes les attentions. Beaucoup d'auteurs, la majorité, de toute façon, pourront également s'y retrouver.
Dominique Sorrente répond à la question cruciale de "comment vieillir en poésie ?", quand on a eu droit à quelques honneurs (publications, prix) ou pas et que l'on a atteint ses limites de reconnaissance relative par un public restreint. Si tant est que l'on peut être reconnu en tant que poète par la société !...
Et c'est là qu'intervient le baume, car bien entendu, la perspective de "carrière", même en poésie, si elle en attire plus d'un(e) - me dites pas le contraire ! - s'avère illusoire au vu de la mort qui s'annonce, synonyme d'oubli éternel.
Ainsi, cette "Lettre à un vieux poète" suggère une autre voie, plus naturelle peut-être que celle des honneurs, puisqu'il s'agit de continuer à écrire pour le plaisir, sans se préoccuper des lecteurs.
Dans un langage on ne peut plus clair, Dominique Sorrente nous dit finalement que la poésie, c'est ici et maintenant.
Quel soulagement, soudain, de rappeler cette évidence, trop évidente pour ne pas être souvent oubliée.
Extrait de "Lettre à un vieux poète", ce constat d'où découle la suite :
"Le monde littéraire, le "milieu" comme on dit parfois, n'était guère votre tasse de thé. Vous ne vous êtes jamais senti de ce parti, de cette coterie, de ce clan; cela n'a pas été sans douleur parfois, puisque l'époque ne supporte guère l'esprit de non-appartenance qui appartient aux solitaires. Ce n'est pas que vous ayez refusé de vivre dans la compagnie des autres, de vos amis artistes ou écrivains. Tout le contraire; dès votre adolescence, vous rêviez de cette belle utopie des mots dressés comme une tente. Mais le "milieu" suppose d'autres stratégies qui vous lassèrent au fur et à mesure que les années passaient. Avec le temps, je vous ai vu de plus en plus avouer le désir de "ne pas calculer", lâcher des gestes sans retenue, offrir des lettres qui n'attendaient aucun retour, visiter de votre poésie des lieux non défichés... A chaque fois, vous preniez un malin plaisir à vous exposer comme on vise à retrouver la mobilité des ailes perdues de l'oiseau."

Si vous souhaitez vous procurer "Lettre à un vieux poète", de Dominique Sorrente, vendue aux prix de 3 €, rendez-vous sur le blog des éditions du Port d'Attache animées par Jacques Lucchesi et situées à Marseille, http://editionsduportdattache.over-blog.com/ 

vendredi 6 novembre 2015

"Obscénités", de Marc Bonetto


Le lecteur ne pourra pas dire que ce recueil ne porte pas bien son titre. Il s'agit en effet d'une collection d'obscénités, écrites par Marc Bonetto, constituée d'une suite de textes courts et de haïkus, entrecoupés de quelques interludes.
A ce propos, j'apprécie beaucoup l'adaptation qui est faite de la forme poétique du haïkaï, appréciée d'ordinaire par les classiques éthérés. Comme dans les "Disparates", autres textes de Marc Bonetto, on est dans le percutant.
A part que dans la majorité des cas, ici, il est question de sexe. En général, mais pas toujours.
Et quand des textes parlent d'autre chose que de sexe, ils paraissent comme isolés. A moins d'admettre une bonne fois pour toutes que le monde est copulation et que le sexe est expressionniste. Car dans "Obscénités", il tient plus de Jérôme Bosch que de l'érotisme BCBG. Paillard et rigolard, voire folkloriques (militaires et curés). Il y a de l'humour noir aussi, c'est le moins que l'on puisse dire.
En voici quelques extraits :

"Légionnaire besogné
Par un bouc en rut
Elle observe, la mascotte"

"Double dilatation
Elle fait minette
Aux religieuses enlacées"

"Eh bien, compagnons de débauche et vous, dames lascives, ne voyez-vous pas, dans les vapeurs du haschisch, cet œil qui nous regarde et nous juge ?
Non, mes amis ne voient que le plaisir, et si un œil les observe, ils l'inviteront à partager bonheurs et joies qu'ils prodiguent sans réfléchir, eux."

"Le canon sur la tempe
Mouette rieuse
Du sang sur le sable"

"Allongés sur la barrière
Ils copulent au soleil
Les lézards immobiles"


"Obscénités" de Marc Bonetto est publié dans la collection des Minicrobes de la revue "Microbe", animée par Eric Dejeager et Paul Guiot. Le recueil est vendu avec la revue (les 8 numéros et recueils correspondants à 17,60 € tarif Europe), voir le blog http://courttoujours.hautetfort.com/. 

samedi 24 octobre 2015

"L'envolée des libellules", de Cédric Landri


Il y a beaucoup de délicatesse dans ces poèmes de Cédric Landri, qui forment le cycle de "Les échanges de libellules", publié par les éditions de "La Porte". C'est presque une marque de style chez l'auteur. D'ailleurs, la délicatesse se retrouve même dans les élytres des libellules. 
Ici, il semble qu'il s'agisse d'un dialogue intime entre deux personnes formant un couple. Comme une musique de chambre composée, d'un côté avec les ustensiles (pas seulement de cuisine), parfois merveilleux du quotidien, et de l'autre, avec les instants domestiques qu'ils procurent.
Dans ces courts poèmes en vers, une prime est donnée à la lisibilité. Il y a aussi une chute dans chacun de ces textes, qui tiennent à la fois du haïku (sans en avoir la forme fixe) et de l'insolite.
Bref, avec "Les échanges de libellules", vous passerez un agréable moment de lecture, à ne pas vous prendre la tête, qui vous fera oublier que la poésie est une chose intimidante et un vecteur d'imagination.
Extrait de "Les échanges de libellules" :

"Un jour
les forces instables
s'inverseront
l'équilibre du déséquilibre
prendra une tournure
originale et cruelle
les repas se feront
avec les ailes

Peux-tu reformuler
pour un cerveau qui lambine ?

Dans quelques décennies
pour Noël
les dindes nous goberont."


Pour vous procurer ce recueil de Cédric Landri, vendu au prix de 3,80 €, vous pouvez écrire à l'éditeur : Yves Perrine, 215 rue Moïse Bodhuin 02000 Laon.

lundi 12 octobre 2015

"Un grisé cependant", de Line Szöllösi


La poésie de Line Szöllösi est délibérément lyrique, autant vous prévenir tout de suite. A mes yeux, c'est une qualité.
Détail amusant : dans ce recueil intitulé "Un grisé cependant", et que publie Jean-Pierre Lesieur en complément à sa revue "Comme en poésie", les poèmes (tous en vers libres) raccourcissent au fur et à mesure que l'on avance dans la lecture du livre.
Le premier texte - "L'H" c'est celui de l'hortensia - se prolonge sur plusieurs pages. Quant aux autres textes, ils font une page, et à la fin, il y a deux poèmes par page. 
Ici, plus qu'ailleurs, la multiplicité des images visuelles vient de la multiplicité des mots employés. De ce point de vue, le titre du dernier poème de "Un grisé cependant" éclaire le reste du recueil, puisqu'il s'intitule "Éloge du vocabulaire".
La démonstration se vérifie particulièrement dans "L'h", dans lequel le mot hortensia appelle un monde entier. Il y a de la virtuosité là-dedans. Et aussi de la fantaisie, si ce n'est de l'humour. 
A lire ces textes, je me dis que Line Szöllösi cache sa sensibilité derrière ses pirouettes, et son ironie, épaulée par un sens aigu de l'observation, n'est pas pour me déplaire.  Car j'aime bien que le poème, reflet de nos états d'âme changeants, reflète également la diversité du monde.
Voici un poème extrait de "Un grisé cependant" :

"Le centre administratif

A découper suivant les pointillés
pour une remise en cause, je vins à ce chef-lieu
passée la forêt aux terres brûlées

découper
le cavalier seul, le pipe-line sur le bord du fleuve
les singes en liberté
et je fus taverne Flamingo
jouer au consul, vieux rêve de mescal

découper la seconde partie du jour
devant moi soudain le donia sur son alezan
et les bottes de cuir de l'homme qui l'escortait,
découper une sorte de balançoire mentale,
action répétitive, salutaire pour oublier

puis prendre un numéro de 1 à 100
à l'entrée, après le sas en plastique
découper la tête de l'employé
à moustache en forme de soutache
et le dossier bien mérité en main
découper la sous-préfecture
le bus du retour, méthodiquement
y compris les voyageurs
suivant fidèlement les pointillés
afin de supprimer les formulaires
et ce que trafiquent les registres
à l'abri de leurs grands ciels nuageux."


Pour commander "Un grisé cependant", de Line Szöllösi", vendu au prix de 6 €, rendez-vous sur le blog de la revue "Comme en poésie", http://comme.en.poesie.over-blog-com/