lundi 16 décembre 2013

"Le monde aigri le monde est bleu", de Nicolas Brulebois




Je n'ai pas trop l'habitude de chroniquer des livres autres que des recueils de poésies, mais par contre, j'ai suffisamment d'humour pour avoir apprécié de lire ce livre qui, après tout, n'est pas si loin de la poésie qu'il en a l'air.
A priori, "Le monde aigri, le monde est bleu" ne comprend que des "brèves aphorismes bêtes et méchants", et c'est déjà pas mal.
Cependant, il me paraît indiscutable qu'il y a là dedans du Jean L'Anselme, ce poète complice des artistes de l'art brut et de l'art naïf (Dubuffet, Chaissac), auteur entre autres de "Con comme la lune".
Pour continuer la comparaison, Jean l'Anselme, même dans ses aphorismes, est souvent marqué par la seconde guerre mondiale, ce qui était normal, puisqu’il était né en 1919. Eh bien, Nicolas Brulebois est plutôt marqué par la société de consommation et traduit aussi, même involontairement, l'emprise des médias, cette impression de bien connaître des stars que l'on connait juste par le biais de la publicité.
Ainsi, l'une des raisons pour laquelle j'ai aimé ce recueil est qu'il reflète la société d'aujourd'hui, preuve que le jeu de mots laid n'est pas si démodé que cela depuis l'almanach Vermot. Le danger serait de se noyer dans l'actualité et que les textes écrits soient dépourvus de signification dans quelques années. L'auteur échappe dans les trois quarts des cas à ce piège.
Et passé le premier degré de la sophistication, on tombe donc dans la poésie, une poésie qui nait à l'insu du jeu de mots et qui le dépasse en créant des images visuelles inédites, à travers les différentes parties du livre, successivement "C.Q.F. Ducon", "Culture", "Ecologie", "Entreprise", "Faits divers", "Gay & lesbien", "Informatique", "Machisme et féminisme", "People", "Politique", "Religions", "Sexe", "Société" et "Trash".
Bien sûr, tous les aphorismes qui composent "Le monde aigri, le monde est bleu" ne me plaisent pas complètement. J'ai notamment moins apprécié la partie intitulée "Faits divers", dans laquelle, l'auteur, pour créer le rire, rentre plus dans l'interprétation, donne davantage son avis personnel, et donc biaise le jeu de mots.
Pour moi, plus l'aphorisme est court, et surtout percutant, plus il est meilleur.
Ceux qui composent toutes les autres parties du recueil sont bâtis sur le même modèle qui fonctionne bien. En fait, il y a deux jeux de mots, celui de l'aphorisme, et celui du titre et c'est ce dernier qui met en valeur l'autre.
Alors, bien entendu, les lecteurs maniérés trouveraient qu'il y a trop de sexe et d'humour noir dans ce livre. Mais pour ma part, je n'ai pas trouvé cette caractéristique vulgaire, mais plutôt débridée. Et ce délire là résume bien l'état d'esprit de notre époque où nous sommes obligés d'aller vite et de passer sur les tragédies comme les voitures foncent sur l'autoroute. Constat de réalité qui ne peut être facilement remis en cause.
Zut, cette chronique sur des aphorismes est finalement très longue !
Pour finir, je vous en laisse une petite liste, un par chapitre (ou presque) :
"C.Q.F. Ducon" : "CUL CUBISTE / Lumbagos à gogos".
"Culture" : "BRANCHOUILLE CASSE-NOUILLE / Triple buse : il fait le buzzz !"
"Ecologie": "NOMBRILISTE / Quand un écolo vous raconte sa vie, c'est qu'il a mal saisi le sens du mot bio".
"Entreprise" : "BONHEUR HIERARCHISE / Un chef heureux, ça donne des ordres. Un employé heureux, ça fait désordre".
"Gay & lesbien" : COMING-OUT TARDIF / Vieux motard que j'aimais"
"Machisme & féminisme" : MASCULIN FEMININ / Espèce de con, herpès de conne".
"Sexe" : "JEU D'ENFANT PRECOCE / Marabout, bout d'ficelle, ficelle de string".
Pour vous procurer "Le monde est aigri le monde est bleu", vendu au prix de 13 €, allez jeter un coup d'oeil sur le site Jacques Flament Editions : http://www.jacquesflament-editions.com/ 

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