vendredi 13 novembre 2015

"Lettre à un vieux poète", de Dominique Sorrente


C'est une belle idée que d'écrire, comme l'a fait Dominique Sorrente, une "Lettre à un vieux poète", publiée par les éditions du Port d'Attache. La référence est facile à trouver : c'est celle des "Lettres à un jeune poète" de Rainer Maria Rilke, écrites au début du siècle dernier.
Avec l'allongement de l'espérance de vie, on peut comprendre qu'il pourrait être tout aussi utile de conseiller un vieux poète qu'un jeune !...
Mais ici, il ne s'agit pas de cela. Nous est plutôt offert le résumé du parcours du vieux poète (le poète pas si absent ou imaginaire que cela), destinataire de la lettre, par l'expéditeur de celle-ci (l'auteur du texte lu).
En fait, ce texte agit comme un baume, d'autant plus que j'ai tendance à déjà me reconnaître dans ce vieux poète objet de toutes les attentions. Beaucoup d'auteurs, la majorité, de toute façon, pourront également s'y retrouver.
Dominique Sorrente répond à la question cruciale de "comment vieillir en poésie ?", quand on a eu droit à quelques honneurs (publications, prix) ou pas et que l'on a atteint ses limites de reconnaissance relative par un public restreint. Si tant est que l'on peut être reconnu en tant que poète par la société !...
Et c'est là qu'intervient le baume, car bien entendu, la perspective de "carrière", même en poésie, si elle en attire plus d'un(e) - me dites pas le contraire ! - s'avère illusoire au vu de la mort qui s'annonce, synonyme d'oubli éternel.
Ainsi, cette "Lettre à un vieux poète" suggère une autre voie, plus naturelle peut-être que celle des honneurs, puisqu'il s'agit de continuer à écrire pour le plaisir, sans se préoccuper des lecteurs.
Dans un langage on ne peut plus clair, Dominique Sorrente nous dit finalement que la poésie, c'est ici et maintenant.
Quel soulagement, soudain, de rappeler cette évidence, trop évidente pour ne pas être souvent oubliée.
Extrait de "Lettre à un vieux poète", ce constat d'où découle la suite :
"Le monde littéraire, le "milieu" comme on dit parfois, n'était guère votre tasse de thé. Vous ne vous êtes jamais senti de ce parti, de cette coterie, de ce clan; cela n'a pas été sans douleur parfois, puisque l'époque ne supporte guère l'esprit de non-appartenance qui appartient aux solitaires. Ce n'est pas que vous ayez refusé de vivre dans la compagnie des autres, de vos amis artistes ou écrivains. Tout le contraire; dès votre adolescence, vous rêviez de cette belle utopie des mots dressés comme une tente. Mais le "milieu" suppose d'autres stratégies qui vous lassèrent au fur et à mesure que les années passaient. Avec le temps, je vous ai vu de plus en plus avouer le désir de "ne pas calculer", lâcher des gestes sans retenue, offrir des lettres qui n'attendaient aucun retour, visiter de votre poésie des lieux non défichés... A chaque fois, vous preniez un malin plaisir à vous exposer comme on vise à retrouver la mobilité des ailes perdues de l'oiseau."

Si vous souhaitez vous procurer "Lettre à un vieux poète", de Dominique Sorrente, vendue aux prix de 3 €, rendez-vous sur le blog des éditions du Port d'Attache animées par Jacques Lucchesi et situées à Marseille, http://editionsduportdattache.over-blog.com/ 

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