C'est
une belle idée que d'écrire, comme l'a fait Dominique Sorrente, une
"Lettre à un vieux poète", publiée par les éditions du Port
d'Attache. La référence est facile à trouver : c'est celle des "Lettres à
un jeune poète" de Rainer Maria Rilke, écrites au début du siècle dernier.
Avec
l'allongement de l'espérance de vie, on peut comprendre qu'il pourrait être
tout aussi utile de conseiller un vieux poète qu'un jeune !...
Mais
ici, il ne s'agit pas de cela. Nous est plutôt offert le résumé du
parcours du vieux poète (le poète pas si absent ou imaginaire que cela),
destinataire de la lettre, par l'expéditeur de celle-ci (l'auteur du texte lu).
En fait,
ce texte agit comme un baume, d'autant plus que j'ai tendance à déjà me
reconnaître dans ce vieux poète objet de toutes les attentions. Beaucoup
d'auteurs, la majorité, de toute façon, pourront également s'y retrouver.
Dominique
Sorrente répond à la question cruciale de "comment vieillir en poésie
?", quand on a eu droit à quelques honneurs (publications, prix) ou pas et
que l'on a atteint ses limites de reconnaissance relative par un public
restreint. Si tant est que l'on peut être reconnu en tant que poète par la
société !...
Et c'est
là qu'intervient le baume, car bien entendu, la perspective de
"carrière", même en poésie, si elle en attire plus d'un(e) - me dites
pas le contraire ! - s'avère illusoire au vu de la mort qui s'annonce, synonyme
d'oubli éternel.
Ainsi,
cette "Lettre à un vieux poète" suggère une autre voie, plus
naturelle peut-être que celle des honneurs, puisqu'il s'agit de continuer à
écrire pour le plaisir, sans se préoccuper des lecteurs.
Dans un
langage on ne peut plus clair, Dominique Sorrente nous dit finalement que la
poésie, c'est ici et maintenant.
Quel
soulagement, soudain, de rappeler cette évidence, trop évidente pour ne pas
être souvent oubliée.
Extrait
de "Lettre à un vieux poète", ce constat d'où découle la suite :
"Le
monde littéraire, le "milieu" comme on dit parfois, n'était guère
votre tasse de thé. Vous ne vous êtes jamais senti de ce parti, de cette
coterie, de ce clan; cela n'a pas été sans douleur parfois, puisque l'époque ne
supporte guère l'esprit de non-appartenance qui appartient aux solitaires. Ce
n'est pas que vous ayez refusé de vivre dans la compagnie des autres, de vos
amis artistes ou écrivains. Tout le contraire; dès votre adolescence, vous
rêviez de cette belle utopie des mots dressés comme une tente. Mais le
"milieu" suppose d'autres stratégies qui vous lassèrent au fur et à
mesure que les années passaient. Avec le temps, je vous ai vu de plus en plus
avouer le désir de "ne pas calculer", lâcher des gestes sans retenue,
offrir des lettres qui n'attendaient aucun retour, visiter de votre poésie des
lieux non défichés... A chaque fois, vous preniez un malin plaisir à vous
exposer comme on vise à retrouver la mobilité des ailes perdues de
l'oiseau."
Si vous
souhaitez vous procurer "Lettre à un vieux poète", de Dominique
Sorrente, vendue aux prix de 3 €, rendez-vous sur le blog des éditions du Port
d'Attache animées par Jacques Lucchesi et situées à Marseille,
http://editionsduportdattache.over-blog.com/
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