samedi 27 juin 2015

"Le violon pisse sur son powète", d'Eric Dejaeger


Publié par les éditions "Les Carnets du Dessert de Lune" dans la collection intitulé "Pousse-café", "Le violon pisse sur son powète" est un court recueil d'aphorismes (19 pages) bien sentis d'Eric Dejaeger. Une sorte de digestif, comme le titre de la collection le confirme.
Ce petit livre par la taille (10 X 14 cms) constitue un médicament fort pour ceux et celles qui ont la grosse tête (tous ? N'est-ce pas pour cela que l'on écrit ? A chacun son truc pour montrer sa grosse tête) en poésie.
Lisez en une page et la pression de l'ego retombe, jusqu'à la prochaine injection deux heures plus tard.
Eric Dejaeger joue sur les mots lorsqu'il parle de "powète". Le poète est aussi quelqu'un qui a tous les "powers" d'évocation. C'est bien pour cela qu'il ne cherche pas à exercer de "power".
En même temps, le mot "powète" est quand un peu plus compliqué à dire que "poète" (sauf que ça revient au même !). On reconnaît bien là notre sens de la simplicité, à nous les "powètes".
Bien sûr, le power du powète ne casse pas trois pattes à un canard (autour de lui). Il faut bien le reconnaître et ça ne me fait pas trop déprimer.
Peut-être l'absence du power et de son poète est déjà une présence (discrète !) ?...
Ah j'oubliais : "Le violon pisse sur son powète", est un clin d'oeil à Pierre Autin-Grenier, récemment disparu et à son "Le poète pisse dans son violon", paru dans la même collection.
Parmi les perles que compte le recueil, je citerai :
"Quand deux powètes se rencontrent, ils s'autoparlent de leur prochain recueil de powèmes."
"Le powète déménage sans cesse : il a de nombreux nombrils."
"Quand il est mort, le powète, personne ne pleurait."
"La powésie est à la littérature ce que le charlatanisme est à la science".
Pas mal décapant non ?
La couverture est un collage d'André Stas, membre de l'éminent collège de pataphysique.

Pour en savoir plus sur "Le violon pisse sur son powète" (vendu au prix de 6 €), rendez-vous sur le site des éditions: http://www.dessertdelune.be

jeudi 25 juin 2015

"Inhume haine", de Didier Trumeau



Pour une fois (désolé, chers lecteurs, mais ce n'est pas très souvent), voici des poèmes qui parlent de l'être humain. D'ailleurs, Didier Trumeau les nomme même par leurs prénoms, premier mot de chaque poème (parfois par leur nom, mais ce n'est jamais très bon signe). Ce faisant, le poème résume la vie de la personne dont il est question. Et quand je dis vie, hélas, il s'agit plus souvent de mort. Et cette voix qui passe dans le poème nous parle d'un au-delà, pas religieux. Il s'agit tout simplement de la fin des souffrances des personnes. D'où le titre du livre : "Inhume haine".
Parfois aussi, l'auteur évoque des gens qu'il n'aime pas. Tant il est vrai que la nature humaine ne change guère avec le temps et que de bon à con, il n'y a qu'une lettre qui change.
Invariablement, ces poèmes diront quelque chose à chaque lecteur qui y reconnaîtra plusieurs de ses semblables.
Ce livre fonctionne donc comme un appel à la sensibilité de chacun. 
Le style de Didier Trumeau, s'il voudrait tendre au lyrisme, se caractérise surtout par son réalisme et sa concision. Quelques vers suffisent, lorsque l'on parle de sentiments. C'est aussi ça, le message de "Inhume haine".
La couverture est de Pascal Ulrich.

Voici deux poèmes extraits de ce livre :

"3
C'est Mystère président de la terre,
je peux tout détruire, la Terre reconstruit,
je suis au-dessus, je suis partout,
même lorsque je vous ai réduit au néant
vous me plébiscitez.
Est-ce que je peux encore vous tuer ?

30
c'est Laure, je suis jeune et belle, j'ai deux
magnifiques enfants, un mari qui en
vaut bien d'autres, j'ai hurlé sous les
assauts du crabe, c'est terminé, tu es
venu me dire au revoir,
sur mon front glacé j'ai senti ton
baiser brûlant".


Pour vous procurer "Inhume haine", publié par les éditions du Contentieux et qui est vendu au prix de 8 €, vous pouvez écrire à son éditeur : Robert Roman, 7 rue des Gardénias 31100 Toulouse. Voici son mail : romanrobert60@gmail.com

lundi 22 juin 2015

"Plein phare", de Jean-Baptiste Pédini


Deuxième des recueils publiés par Jean-Baptiste Pédini aux éditions de la Porte d'Yves Perrine, "Plein phare" est un recueil de vacances, mais attention : il ne s'agit pas ici de vacances de l'esprit. Quel poète part jamais en vacances, de ce point de vue?
Jean-Baptiste Pédini joue sur les mots en appelant cet ensemble de poèmes "Plein phare". Le phare caractérise son lieu de séjour. Ouvrage évidemment remarquable qui est ici préféré à la plage, plus traditionnelle. Le phare suggère bien des possibilités d'aventures. Le regard du poète est braqué sur lui et décrit tout ce qu'il autour à partir de lui.
Jean-Baptiste Pédini, comme souvent, écrit des textes en prose. Son rythme d'écriture est rapide, puisque se succèdent de courtes phrases. Mais dans chacune d'entre elles, il y a une image nouvelle. Ainsi, un contraste apparaît entre ce qui est exprimé (l'image recherchée) et la manière dont c'est exprimé (les phrases courtes). 
Le lecteur doit donc se garder de lire trop vite ces textes afin d'en saisir toute la richesse poétique. Chaque image ajoute une note de couleur à la toile de l'auteur déguisé en peintre paysager. 
N'allez pas croire cependant que ces paysages soient du style à se délaver vite fait. 
Jean-Baptiste Pédini ne décrit pas ce qui est, mais ce qui pourrait être : la vraie face des choses, beaucoup moins charmante que leur apparence, ou du moins, qui dément la farce de celle-ci. Car la vacuité des choses ne cesse d'interpeller l'auteur. Je ne peux que lui donner raison, car à mes yeux aussi, les apparences sont toujours trop calmes pour ne pas être trompeuses...

"Un bloc épais de noir avec du rouge dans le ciel, dans les bras de ceux qui y cherchent une veilleuse, dans la foule que personne n'a détaché de son mât de solitude. Ce noir on ne le veut même plus en rêve. Il garde le silence, et nos mains tremblent quand le souvenir d’une sirène se détache de la nuit. Loin de la braise des villes côtières. Quelque part entre l'agitation de l'île et les bouches bées des morts. Ce noir est une porte close dont on ignore la clef. Il protège d'un côté et de l'autre il n'y a rien. Ce noir quand brûle l'eau. Ce noir-là, quand vient la lumière du phare. Ce noir fuyant. L'enfance."


Pour vous procurer "Plein phare", vendu au prix unitaire de 3,80 €, vous pouvez écrire à son éditeur : Yves Perrine, 215 rue Moïse Bodhuin 02000 LAON (je vous donne également le lien du blog de l'auteur : https://prendreapart.wordpress.com/.

jeudi 18 juin 2015

"Idées noires (sur fond sombre)" de Dominique Saint-Dizier


"Idées noires (sur fond sombre)" de Dominique Saint-Dizier est un recueil d'aphorismes réussis. 
Il y a beaucoup de jeux de mots dans ces successions de phrases, la paternité de Pierre Dac semble revendiquée, et c'est une bonne chose.
Ce qui m'a plu dans le recueil de l'auteur (je me demande s'il ne s'agit pas d'un pseudo, mais finalement, on s'en fout), c'est la richesse des jeux de mots et la diversité de l'inspiration.
Du coup, lorsqu'après un jeu de mots éblouissant, on lit une brève "plus" ordinaire, on se sent tout con. On ne sait plus si c'est du lard ou du cochon. Drôle d'impression génératrice de malaise passager. On se dit alors : et si l'auteur ne plaisantait pas ?
Ainsi, bien qu'il soit conseillé d'avoir de l'humour pour apprécier "Idées noires (sur fond sombre)", quelques idées noires en réserve dans le cerveau sont un plus.
J'ai beaucoup aimé aussi les fragments de récit de la vie légendaire de l'auteur, qui alternent une dizaine de fois avec des séries d'aphorismes. Le livre se trouve rythmé tout naturellement en plusieurs chapitres sans qu'il soit besoin d'écrire des en-têtes ou de mettre des chiffres romains !...
Parmi ses perles :

"Celui qui a mordu la vie à pleines dents ne devrait pas se lamenter qu'il ne lui en reste aucune".
"Il se flattait d'être un penseur né qui pensait toujours aux autres avant lui-même. Ce qu'il omettait de préciser était qu'il pensait du mal de tout le monde".
"Mourir un jour sur deux ne présente pas que des avantages".
"Se déplacer en civière éviterait un nombre conséquent d'accidents."
"J'aime suivre ma pente naturelle parce qu'elle me mène direct au lit".
"Idées noires (sur fond sombre)" est vendu au prix de 7 € et est édité par Cactus Inébranlable Editions. Pour en savoir plus, contact : http://cactusinebranlableeditions.e-monsite.com

jeudi 11 juin 2015

"Algues et barges", de Patrick Le Divenah


Patrick Le Divenah, dans "Algues et barges", joue avec la poésie et non pas seulement avec les mots. Il la déguise en quelque sorte, la pare de vocables scientifiques, renouvelant ainsi son champ lexical. Mais il joue également avec ses formes visuelles (poèmes en forme de carrés, d'ovales, mots ou fragments de vers isolés sur la page, caractères mis en majuscules).
Le style de l'auteur procède par incantations, répétitions de mêmes constructions grammaticales. Ainsi le poète avance par contamination, expansion, et le résultat est tout le contraire de celui que donnerait une poésie minimaliste de l'austérité, en ces temps de crise.
Ce faisant, mes préférences vont surtout aux deux premières parties de "Algues et barges", qui sont intitulées, "D'amour, de flore et de faune" et "De faune et d'humains".
En effet, il y a là de l'anthropomorphisme. Les mises en situation applicables aux humains se retrouvent transposées dans le monde animal et végétal, ce qui amène de l'humour à gogo et ce qui contribue à créer un monde poétique original.
D'ailleurs, comme marquée par l'espace, l'écriture de Patrick Le Divenah, grâce à son dynamisme, se fait aérienne, légère à tout le moins.
Oui, vraiment, la poésie est vraiment trop sérieuse pour être traitée avec sérieux.

Voici, extrait de ce livre, le poème intitulé "Victoire" :

"oui tu as réussi
oui la lutte fut longue
harassante
presque mortelle
oui pour te faire élire tu as dû éliminer
progressivement
systématiquement
tes innombrables rivaux
                      écarter
                      repousser
                      ceux qui entravent qui obstruent qui
usent de ruse

piètre victoire de n'importe quel élu à la présidence
à côté de celle que tu as remportée
de si haute lutte
in utero de la lapine
parcours épuisant où tu t'es sélectionné
tout d'abord
parmi deux cent millions de spermatozoïdes flagellés
éjaculés en une seule émission
puis
tu es parvenu
avec quelques centaines de nominés
jusqu’au seuil de l'ovule où
in extremis et in fine
tu as arraché la victoire

toi le spermatozoïde de l'oryctilagus cuniculus
alias le lapin"

Pour vous procurer "Algues et barges", qui est vendu au prix de 8 €, contact : http://www.p-i-sageinterieur.fr

mercredi 10 juin 2015

"Ourlets", de Clara Regy



"Ourlets", premier recueil publié de Clara Regy à ma connaissance, regroupe 12 poèmes d'une page chacun, en vers centrés, placés au dessus d'annotations saisonnières regroupées en distiques et en caractères gras.
Décrire la forme de ce recueil paraît important, même si elle semble presque fortuite et n'exister que pour le plaisir des yeux.
En fait, ce sont des instants de vie qui sont décrits ici et qui répondent à "des petites notes volées dans "le" calepin du père".
Ces instants de vie conservent d'ailleurs l'esprit des annotations du père, même si elles n'ont rien à voir avec celles-ci.
Passé ou présent, ces photographies du réel, associées à une personne bien précise aux yeux de l'auteur, bien qu'elles relèvent du présent de l'écriture, ont toutes en commun une sorte de teinte sépia, comme si elles étaient déjà déposées, à peine vécues, dans le coffret des souvenirs.
Instants autant précieux que fugaces en tout cas.
La finesse du style de Clara Regy, son sens du détail, ses micro-changements d'ambiance, ne le prédisposent qu'à un seul traitement de choc : d'autres publications à venir.
Voici le 6e poème de cette courte suite :

"le manche du couteau
tu me dis
c'est de l'or
sous son chapeau
de paille
un homme sème
des graines
de magie

la lame du couteau
s'enfonce
dans le pain
et taille des sifflets
disparaît
dans son antre
et blesse la poche
du pantalon
de toile

bleuie

vent à décorner les bœufs 
amené le chrysanthème artificiel"


"Ourlets" est vendu au prix de 3,80 €. Pour le commander, il convient d'écrire à son éditeur (La Porte) : Yves Perrine 215 rue Moïse Bodhuin 02000 LAON.

dimanche 7 juin 2015

"Monde, j'aime ce monde", de Daniel Birnbaum



La poésie de "Monde, j'aime ce monde réside dans les détails de la vie quotidienne que Daniel Birnbaum, dans ce premier recueil publié, prend soin d'éplucher avec méticulosité.
Ceci n'est d'ailleurs pas un reproche, car cette poésie là évite le renfermement sur soi pour plutôt s'intéresser aux réalités du dehors.
En même temps, l'observation du dehors renvoie à la vie intérieure du poète qui opère des rapprochements pas si fortuits qu'ils en ont l'air, entre ce qu'il voit et ce qu'il ressent.
Avec "Monde, j'aime ce monde", le lecteur n'aura pas de mal à se laisser emporter par les mots en se représentant toutes les choses dont il est question, en les parant de leurs reflets et couleurs.
En échange, le poète lui adressera une quantité de clins d'œil malicieux (par exemple : "Monde, j'aime ce monde" est un remake de "Bond, James Bond"), ceux d'un vivant, qui tirent parfois sur la révolte.
Oui, malgré toutes ces chausse-trappes, on l'aime, ce monde !
Ci-après, un poème extrait de "Monde, j'aime ce monde" :

"Fantasme de banquière en réunion

Les négociations s'ouvrent
on s'ennuie ferme à écouter
les pourparlers les pourneriendires
les supérieurs les ego
A les voir si guindés
dans leur costume sombre
elle se demande si
le bout de leur sexe
pourrait rejoindre
le bout de leur cravate
pour peu que la conversation
s'y prête
à un fort taux d'intérêt."

Avec une préface de Cathy Garcia.
Pour en savoir plus sur ce livre publié dans la collection Polder de la revue Décharge et vendu au prix de 6 €, consulter également : http://www.dechargelarevue.com/-La-collection-Polder-.html