samedi 28 juillet 2012

"La mort c'est nous", de Michel Merlen et Catherine Mafaraud-Leray

Un sacré duo pour un sacré recueil de poésie ! Cet empilement de chroniques pourrait faire croire que tous les recueils se valent à mes yeux mais celui-là est sans doute parmi les meilleurs des meilleurs que j'ai chroniqués jusqu'à présent.
Il y a quelque chose de très précieux dedans : deux vieux de la vieille qui nous montrent ce qu'on peut faire avec des images en poésie. Et ça marche plutôt très bien !
Avec "La mort c'est nous", j'ai l'impression de faire le plein d'images comme on va faire son plein d'essence, ce qui est, au passage, beaucoup plus drôle !
Catherine Mafaraud-Leray a un style aisément reconnaissable, tout feu tout flamme. L'aiguille de sa boussole ne peut être que celle de la liberté. Ses poèmes n'ont pas de balises ou du moins ils n'ont pas des balises habituelles. En les lisant, on se dit que tout peut s'écrire, que les possibilités dans ce domaine sont encore immenses. Voilà des textes qui déménagent ! J'aimerais en lire beaucoup des comme ceux-là, je l'avoue.
Malgré tout, je préfère les poèmes de Michel Merlen, qui, à mes yeux, font mouche au moins dans les trois quarts des cas. Là aussi, il y a des images mais il y a surtout beaucoup de retenue, comme si sa voix tempérait l'autre voix, ce qui n'est qu'une question d'écriture, bien entendu.
Les images sont ici distribuées aux lecteurs comme des graines aux pigeons, une à une, avec économie. C'est le parfait dosage entre poésie visuelle et simplicité des constats, sans artifice, y compris dans la simplicité. Je crois bien que Michel Merlen est l'un de mes poètes préférés.
Ici, les deux poètes nous parlent essentiellement d'amour et de mort, et leur regard rétrospectif rend hommage aux gens qu'ils ont aimé ou qu'ils aiment. Et là, ce n'est pas comme à la télé, c'est du sérieux ! "La mort c'est nous", ou comment braver la mort, à sa manière !

Deux poèmes exemples :

Le premier de Catherine Mafaraud-Leray :


"DANS UN CHAMP DE COTON BLEU

Mourir au bord d'un banc
Des oiseaux
Plein les oreilles

Crever au drap du lit
Intouchable
Sur un paillasson de rêve

En finir aux gencives d'un fossé
Dans la boue
Quand crépite la lumière

Clamecer sans drapeau
Hirsute
Derrière une stupide colonne militaire

Claboter
Du plus haut de la Tour de Dubaï
Eclaboussée d'aube en soleil

Faire son trou avec un gang de mésanges et de
portraits
Dans un champ de coton bleu
Où deux jeunes cerfs s'embrassent lentement."

Et le deuxième de Michel Merlen :

"LE CHEVAL

Avec mes mains endormies
un cheval bleu s'envolait
sur des prairies de rêve
les arbres gardaient le secret
dans le ciel il lançait des étoiles
c'était l'écriture du ciel
et si l'on chantait
le cheval bleu revenait
avec sa crinière sourire
ses pattes d'avenir
et son regard qui n'était pas
celui d'un cheval."

Pour en savoir plus sur ce recueil à deux voix pour le prix d'une, allez faire un tour sur le blog des éditions Gros Textes, http://grostextes.over-blog.com/


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